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Reynald Freudiger
Àngeles, Vevey, L'Aire, 2011, 179 pages.

4ème - Critique, par Elisabeth Vust - A écouter -
In breve in italiano
- Kurz und deutsch

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  Reynald Freudiger / Àngeles

Reynald Freudiger - Àngeles«Il est des titres qui s’imposent comme des nécessités. Il en a été ainsi pour ce recueil: il aurait dû s’intituler Puerto Ángel.»
Les premières lignes donnent le ton: il y a de la dérision dans Ángeles. Mais il y a du drame aussi, – et l’Amérique latine en toile de fond, pour horizon.
Douze individus nous racontent, sur le vif, un moment capital de leur existence, une histoire qui les hante. Une fois réunis, ces récits forment ensemble un parcours tendu: de la naissance des anges à la fin des histoires. Dans cet univers poétique singulier, les conteurs se succèdent et les anges passent. Les histoires vécues se mêlent à celles qu’on raconte, à celles qu’on se raconte, à celles qu’on meurt d’entendre… Et si, un jour, la source venait à se tarir?

Né en 1979, Reynald Freudiger vit actuellement en Suisse. Ecrivain, chercheur et enseignant, il est notamment l’auteur du roman "La Mort du Prince bleu" paru en 2009 aux Editions de l’Aire.

Àngeles, Vevey, L'Aire, 2011, 179 pages.

 

  Critique, par Elisabeth Vust

In breve in italiano - Kurz und deutsch

Son premier roman, La mort du prince bleu (2009), avait retenu l’attention sans vraiment convaincre de par son inégalité de style. Avec cette seconde parution, le Vaudois Reynald Freudiger séduit complètement. En premier lieu, en imposant d’emblée un ton, un univers tout à fait singulier et captant. Àngeles délivre onze monologues (douze si l’on compte la préface sur laquelle on reviendra), situés dans une Amérique latine intense, habitée de croyances et de violences, de légendes et de visions insolites. Le recueil est traversé d’anges aussi divers que nombreux : anges de chair ou de bric et de broc, anges de plumes collées, de plastique, anges palpables ou invisibles, anges kitsch, métaphoriques, anges chimères, anges vision. Notons, qu’aucune de ces créatures plus ou moins spirituelles ne visite le récit Madame Burkhalter, peut-être par découragement devant la dureté de l’époque évoquée (le temps des dictatures). Cela dit, exactions et tragédies ne se cantonnent pas à cette seule situation, puisque tout au long du livre, la violence côtoie la dérision, l’humour, la folie et les rêves.
Dans les premières pages, une avorteuse « devenue, au fil des rides, une véritable institution » va allumer mille et un cierges blancs pour les mille et un anges qu’elle a « fait » et qui s’ennuient là-haut. L’auteur met dans la bouche de cette femme quelques expressions détournées bien piteuses, et bien peu représentatives du reste. Puisque les discours sont généralement serrés, rapides, comme mis sous tension d’un destin capricieux et avare d’explications. D’où des récits aux chutes tout à fait imprévisibles, parfois intrigantes, où les anges passent et les narrateurs se succèdent. Restent les histoires, qui se transmettent, se transforment au fil du temps. « C’est toujours beau une histoire, même quand c’est un peu triste, même quand ça fait pleurer », soliloque un homme après avoir tué celui qui n’a plus d’histoire à lui raconter dans La rivière de cailloux. Ce récit serait « la cerise sur le gâteau » selon l’auteur, qui propose pour ainsi dans la préface une critique en kit de Àngeles.
On le contredira en mettant plutôt en avant le délicieux et cocasse Barbu de la discorde, relation d’une apparition surnaturelle d’un barbu aux passagers d’un bus : chacun y reconnaît le Christ, sauf un qui y voit Don Quichotte.
Du côté des textes plus sombres, Jeux d’enfants saisit d’effroi, avec cette jeune Colombienne envoyée par son père en Suisse pour être préservée du machisme ambiant, et qui va subir la perversité de collègues lors d’une soirée de fin d’année. Et parions que l’ange le plus mémorable se trouve dans La ville pour horizon sous les traits d’unejeune femme, qui se tient au sommet d’une tour, prête à prendre son envol dans le vide : elle porte des ailes bricolées, « faites de plumes, de tissus et de sac de café, de lanières et de bouts de ficelle, et d’une structure de fer ».
 On le voit, vie et mort dansent très serrées avec Reynald Freudiger. Avec une empathie bellement mêlée de détachement, l’écrivain parle du rapport à soi et à l’autre, de tolérance et d’intolérance, tout en installant un climat de réalisme fantastique justement propre à la littérature sud-américaine.

Elisabeth Vust

 

  A écouter

 

A écouter
RSR Entre les Lignes
Reynald Freudiger : "Àngeles
"
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  En bref

 

In breve in italiano

Dopo La mort du prince bleu nel 2009, primo romanzo troppo ineguale per essere veramente convincente, lo scrittore vodese Reynald Freudiger seduce invece con àngeles imponendo al lettore un universo e un tono singolari. La raccolta si compone di undici racconti traversati da vari e numerosi angeli, ambientati in un'America Latina intensa, fatta di credenze e violenze, leggende e visioni insolite. La forma è quella del monologo, accompagnato da un tono in cui si mescolano empatia e sarcasmo, e dove lo humour tende spesso al nero.
In carne ed ossa o di paccottiglia, di piume incollate o di plastica, kitsch o spirituali, la presenza di questi angeli rafforza la vicinanza dello stile con la letteratura sudamericana e il suo realismo magico. Nelle prime pagine, una mammana accende mille e un cero bianco per i mille e un angelo che ha “fatto” e che “lassù si annoiano”. Nelle ultime pagine, un uomo viene ucciso perché non ha più storie da raccontare. Così, vita e morte danzano strette in questa raccolta che parla soprattutto d'intolleranza e di relazione all'altro. (rd)

***

Kurz und deutsch

Nach seinem ersten Roman La mort du prince bleu ("Der Tod des blauen Prinzen", 2009), dessen unausgeglichene Art noch nicht ganz zu überzeugen vermochte, begeistert der waadtländische Autor Reynald Freudiger nun vollends mit Àngeles. In seinem speziellen Ton öffnet der Erzählband eine ganz eigene Welt: Zahlreiche und unterschiedliche Engel durchziehen die elf Geschichten, die im lebhaften Lateinamerika spielen, von Aberglaube und Gewalt bestimmt, bevölkert von Legenden und ungewöhnlichen Visionen. Erzählform ist der Monolog, in einer Mischung von Empathie und Sarkasmus, die oft in schwarzen Humor umschlägt.
Echt oder unecht, mit angeklebten Federn oder aus Plastik, kitschig oder vergeistigt, unterstreicht die Präsenz der Engel die stilistische Nähe zur lateinamerikanischen Literatur und ihrem magischen Realismus.
In den ersten Seiten zündet eine Abtreiberin tausend und eine Kerzen an für die tausend und einen Engel, die sie «gemacht» hat, und die sich "da hoch oben langweilen". In den letzten Seiten wird ein Mann getötet, weil er keine Geschichten mehr zu erzählen hat. So tanzen Leben und Tod eng verschlungen in diesem Erzählband, der vor allem von Intoleranz und von der Beziehung zum Anderen spricht. (rg)

 

Page créée le: 11.07.11
Dernière mise à jour le: 11.07.11

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