Pierre-Laurent Ellenberger
Pour toi la guerre est finie, Vevey, L'Aire,
2006
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Pierre-Laurent
Ellenberger dans nos pages consacrées
aux auteurs de Suisse.
Pierre-Laurent Ellenberger/
Pour toi la guerre est finie
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ISBN: 2-88108-779-5
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"Pour toi la guerre est
finie" est un récit posthume dédié
à un ami noctambule et qui se déroule
dans certains bistrots lausannois dans les années
septante. C'est aussi une chronique d'un moment agité
de notre histoire : Guerre du Vietnam, conquête
de la lune, combat contre la Grèce des colonels,
libération sexuelle, développement des
centrales nucléaires. Le monde se divise en
deux camps : ceux qui prennent le train de l'avenir
et ceux qui restent en gare en cultivant leur nostalgie.
" Il est vrai que nos parents n'avaient qu'un
maigre avis sur les bouleversements extérieurs
à la Suisse et pensaient qu'en nous évitant
des conflits, nous serions épargnés
par eux. La tradition et l'honnête labeur étaient
sertis en amulettes apostropaïques qui repousseraient
le règne de la barbarie. Cela s'enseignait
en famille, à l'école, tel un catéchisme
relayé par les journaux. Mais la jeunesse est
imperméable aux métaphores ancestrales
et épelle mal le calendrier du bonheur ; elle
ne sent que ses tumultes intérieurs qui ressemblent
à des déclarations de guerre.
Pierre-Laurent
Ellenberger (1943-2002) est un écrivain
suisse de langue française dont on commence
à saisir l'importance.
Pierre-Laurent Ellenberger,
Pour toi la guerre est finie, Vevey, L'Aire, 2006
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"Pour
toi la guerre est finie" par
Carole Wälti |
Pas de barricades, pas de monceaux
d'ordures, pas de grève générale, pas
de "chienlit". En Suisse, mai 68 a été
un mois presque comme les autres. Le cur y était
pourtant et l'agitation qui innervait alors l'Europe a bel
et bien trouvé écho sur les bords de la Limmat
ou du Léman, comme en témoignent plusieurs
parutions récentes où résonnent tout
à la fois le fol espoir d'avoir voulu changer le
monde et la conscience navrée d'avoir échoué.
Avec "Pour toi la guerre est
finie" (2006), Pierre-Laurent Ellenberger livre une
chronique des années 1960-70 telles que peut les
avoir vécues un étudiant vaudois quelque peu
romantique rêvant de devenir auteur-compositeur. Son
narrateur, dont l'épaisseur autobiographique se laisse
facilement deviner, n'est cependant le héros d'aucune
épopée égotisto-terroriste susceptible
de se transformer en argument de vente. Enfilant les "théories
à trois sous" sur le cours des choses à
partir de sa lecture effrénée des journaux,
il relate ses voyages en Italie ou à Paris, ainsi
que ses rencontres amicales et amoureuses avec en toile
de fond la ville de Lausanne et sa vie bistrotière,
le tout sans jamais quitter l'Histoire des yeux.
Prague, Biafra et bombe H
De la mort de Martin Luther King
(1968) à celle de Khroutchev (1971) en passant par
la conquête spatiale ou l'actualité musicale
(Woodstock), les événements socio-historiques
jalonnent ce récit linéaire construit sur
l'antagonisme entre deux personnages liés par l'amitié
- le narrateur, qui rentrera dans le rang en devenant enseignant
- comme l'était d'ailleurs Ellenberger lui-même
-, et son ami, Henri, le marginal qui connaîtra une
fin conforme à son statut.
Au fil des pages se succèdent
des considérations éparses qui portent tour
à tour sur les maux de la jeunesse d'alors ("Une
jeunesse en effervescence dont la préoccupation est
de biaiser son malaise à renforts de joutes verbales,
de cigarettes et de mimiques appuyées"), sur
l'impitoyable coexistence de réalités politico-économiques
absolument hétérogènes (" Israël
bombarde les camps palestiniens; les chars soviétiques
entrent à Prague; une guerre civile éclate
au Biafra et l'armée française fait exploser
une bombe H dans le Pacifique. Tout cela en quelques semaines.
Pendant ce temps les jours filent, on revient de vacances,
la conjoncture est favorable à l'achat de nouveaux
ustensiles qui vont libérer les ménages, et
les édiles fustigent une jeunesse insatisfaite dont
la révolte est comparée à une crise
d'acné"), et sur l'art difficile de résister
aux contingences ("Moi aussi, j'étire le pas
bien que, souvent, j'ai la tentation de chahuter la ponctualité
et de contrevenir au sens général de la marche,
de déparer le rang et de chambouler du côté
de la désobéissance et de la musardise. Mais,
comme tout le monde, je finis par être là où
on m'attend").
L'esprit d'une époque
Quant à la si lancinante question
du vieillissement des idéaux, incontournable pour
cette génération, elle est bien sûr
omniprésente: la plupart des soixante-huitards, c'est-à-dire
ceux dont l'adhésion au mouvement de 68 était
déterminée autant par une ébauche de
prise de conscience que par un souci de coller à
l'air du temps, se reconnaîtront ainsi dans les interrogations
que le narrateur formule à ce sujet ("En soi,
le fait de changer m'est acceptable, parfois même
souhaitable. Mais est-ce à dire que ce changement
signifie ne plus se reconnaître dans ce qu'on était
?").
Dans son discours apparaissent également
en filigrane d'autres thèmes clés de cette
époque mouvementée - refus du matérialisme
et du confort petit-bourgeois, critique néo-marxiste
de l'impérialisme, apprêtée à
la sauce helvétique sous forme d'attaques contre
la neutralité, etc. -, à l'égard desquels
le narrateur adopte une position mi-ironique mi-cynique
qui signale peut-être la distance déjà
prise par l'auteur à l'endroit de sa jeunesse.
Ecrit il y a une trentaine d'années,
"Pour toi la guerre est finie" est en effet un
inédit - dont la publication posthume constitue soit-dit
en passant le millième volume édité
par L'Aire. Il témoigne donc non seulement de la
naissance d'une écriture qui se cherche encore (on
est assez loin de la prose plus subtile qu'Ellenberger développera
par exemple dans ses nouvelles réunies dans "Territoires
inconciliables" notamment), mais également de
l'accession, plus ou moins réussie, de toute une
génération à la maturité.
Loin de toute prétention analytique,
Pierre-Laurent Ellenberger laisse en définitive aux
lecteurs le soin de tirer le bilan des années 1960-70,
les dernières en date où l'Occident, par le
biais d'une jeunesse certes gâtée mais généreuse,
s'est remis en question. Car si "Pour toi la guerre
est finie" dit bien qu'un combat a été
perdu au tournant des années 1960 - comme l'était
le combat de Diego dans le film de Resnais -, le récit
suggère également que la guerre continuera
tant qu'il y a aura des hommes et qu'aucun changement de
système ne saurait garantir le bonheur universel.
Carole Wälti
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Revue
de Presse |
En lui donnant les honneurs (posthumes)
du millième titre des éditions de l'Aire avec
la parution de Pour toi la guerre est finie , Michel
Moret rend non seulement hommage à un auteur disparu
trop rapidement (en 2002 et non en 2004, comme indiqué
en quatrième de couverture - une erreur qui tient
probablement à la volonté de l'éditeur
de prolonger la vie de Pierre-Laurent Ellenberger
)
mais aussi à un écrivain romand de valeur,
styliste précieux toujours à la recherche
de la formule élégante qui fait mouche. Ce
raffinement n'interdisait pas une certaine âpreté
dans le propos, comme le montre ce récit inédit
retraçant Lausanne au tournant des années
1960, chronique de rencontres de bistrots, de coteries d'amis,
de débats et de nuitées parfois mouvementés.
L'ouvrage, rédigé il y a plus de trente ans,
offre ainsi un retour inespéré dans le passé
pour les Lausannois nostalgiques, ainsi que le témoignage
touchant d'une époque et d'une jeunesse qui s'ébrouait
doucement à la modernité, incursion parisienne
en 1968 comprise
Du côté suisse: "Cette
jeunesse ne conteste pas, elle interroge l'immobilité
de ce pays, de la même façon qu'on crierait
pour déclencher une avalanche afin que les fausses
menaces soient situées. " Cela reste vrai.
Boris Senff
14.6.2006
[
] Ceux qui ont connu cette
période s'amuseront à jouer à "je
me souviens": les cafés lausannois, les films
et les musiques, le désir d'amours plus légères,
dans un contexte politique grave: guerre du Vietnam, chute
d'Allende. Mai 1968 est vécu joyeusement à
Paris. Au centre de ce roman de formation, Henri, pathétique
ivrogne qui finira littéralement dans le caniveau.
A l'Aire aussi, trois nouvelles rééditées,
Territoires inconciliables.
Isabelle Rüf
13.5.2006
En 1988, Pierre-Laurent Ellenberger
publiait à compte d'auteur trois nouvelles en marge
de sa production littéraire. Deux ans après
sa mort, l'Aire les ressort de manière publique et
c'est tant mieux. Ces courts récits fantastiques
sortent du quotidien des lettres romandes. Le meilleur reste
le premier. Le crocodile chloroformé constitue une
exquise antithèse à La métamorphose
de Kafka.
ed
5.5.2006
De son vivant, l'auteur n'a pas bénéficié
de distinctions littéraires. Grand temps de s'acquitter
d'une dette[
] En toile de fond, la rumeur des bistrots,
les débats animant marginaux et piliers de bar, le
Vietnam, la conquête de la Lune, la Grèce des
colonels, la libération sexuelle. Pierre-Laurent
Ellenberger, familier du Lausanne nocturne, vivait alors
de ses droits d'auteur de parolier, un peu, et de la générosité
de ses amis, surtout. Pour toi la guerre est finie fait
la chronique d'une époque, dans un style direct et
sec qui oscille entre Chessex, dont il se rapproche par
le classicisme et le côté forcené, et
Cherpillod, dont il partage la vision du monde, le même
souci d'unifier le parlé et l'écrit.
20.4.2006
Page créée le: 11.07.06
Dernière mise à jour le: 11.07.06
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