Avec Le fils du lendemain,
paru sous pseudonyme, Jean-Bernard Vuillème donne
le plus personnel; existentiellement, le plus engagé,
et, littérairement, le plus accompli de ses livres.
"Je me suis façonné dans le malaise
et le mystère de ma naissance, dans le sentiment
d'aversion que m'inspire ma mère et d'étrangeté
très tôt éprouvée pour son ex-mari
mon père", écrit Bernard Jean au
début de ce récit lancé "à
tombeau ouvert", puisque la destination du narrateur,
fonçant sur la route, est le cimetière où
repose son vrai père dont il a finalement découvert
l'identité, obstinément camouflée par
sa mère.
Egalement occultée dans un premier temps, la véritable
identité de l'auteur, écrivain romand au talent
reconnu, ne pouvait à vrai dire le rester, son dévoilement
faisant en quelque sorte partie du jeu de l'exorcisme et
de la révélation dans ce qui est sans doute
le meilleur livre de Jean-Bernard Vuillème. [
]
Si la pilule du lendemain est censée "effacer"
les traces indésirables de l'écart d'un soir,
celui que Bernard Jean appelle "le fils du lendemain"
pourrait être dit le fruit doublement illégitime
d'un semblable repentir, puisque son père biologique,
amant d'une femme mariée, a convaincu celle-ci de
"couvrir" leur probable embryon par le truchement
d'une seconde relation, arrachée in extremis au mari
avec lequel elle n'avait plus de rapports intimes depuis
belle lurette.
L'enfant Bernard Jean eût aimé, comme chacun,
vivre en harmonie avec papa, maman et son grand frère
Otto. Or non seulement il aura enduré, dès
son plus jeune âge, les effets collatéraux
de la guerre opposant ses parents, mais bientôt lui
viendront l'intuition qu'"une phrase aussi rassurante
que papa fume la pipe" ne fut qu'un leurre, et le soupçon
d'abord confus, puis le doute lancinant et la découverte
finale du secret de famille défendu par la mère
avec une "sainte" véhémence dans
le mensonge, longtemps encore après la mort du "vrai
père".
Mais qui fut précisément le vrai père,
du géniteur biologique lâchement disparu ou
de celui qui l'a pour ainsi dire adopté? En quoi
cet Auguste Daniel Nebel (notez les initiales
) sur
la tombe duquel le narrateur se rend en se repassant, non
sans fureur légitime, le film de ses tribulations
de mal-aimé, mérite-t-il le nom de père?
La question se pose évidemment, mais c'est bel et
bien de ce nébuleux faux-jeton qu'il se sent le fils,
malgré la véritable amitié qu'il a
développé avec son père Trellert (notez
le palindrome
) contre lequel sa mère, jouant
à tout coup les victimes et sombrant finalement dans
la démence, n'aura cessé de le monter
Quête de la filiation, déniée et comme
renouée par le jeu de l'aveu et de la fiction, ce
livre de douleur et de rage compulsive s'élève,
par-delà le "récit de vie", au rang
de la meilleure littérature, tant par son écriture
cinglante et trépidante que par l'humour déjanté
de l'auteur, notamment dans la seconde partie, avec la rencontre
d'un illuminé raélien en veine de clonage
- clown parmi d'autres sur cette Terre "où la
vie peut être drôle, un moment"
Jean-Louis Kuffer
13.6.2006
Le narrateur roule vers la tombe
de son père génétique. Son père
officiel n'est pas le vrai. En chemin, l'homme peut faire
son bilan jusqu'à ce qu'il croise l'auto-stoppeur
Lear Raël. Là, les choses se gâtent, autant
sur le plan psychologique que narratif. L'ouvrage est écrit
par un Bernard Jean fictif. Il s'agit du pseudonyme d'un
romancier suisse. Lequel? Mystère. Il n'y a pourtant
pas de honte à ça!
(ed)
12.5.2006
[
] Le vertige du narrateur
devant le délire de sa mère, placée
en institution, va du rejet horrifié à la
pitié en passant par les excuses et les reproches.
Comment la mère s'est-elle abandonnée un instant
dans les bras de son riche propriétaire avant d'assaillir
son mari abhorré pour couvrir "la faute"?
Le fils peut comprendre mais la haine installée dans
sa famille, la culpabilité instaurée en système
par la mère - "vous allez tous me tuer"
- ont confiné le fils du lendemain dans un
silence tourmenté et le père légitime
dans un cancer précoce. Le récit lourd, douloureux,
se répétant en spirale où chaque tour
apporte des fragments de vie, a le ton de la confession
cathartique. Dans le voyage vers le cimetière, quelque
chose décolle cependant avec l'étrange auto-stoppeur
vêtu de blanc, Lear-Rael, fils également de
père inconnu intergalactique. Les deux quêteurs
du père, solidaires de Jésus, lui aussi né
de père inconnu, achèvent leur périple
dans une sorte de farce. . . libératrice? Cette chute
casse étrangement le ton d'un récit dont la
légitimité ne laissait place à aucun
doute.
Mireille Schnorf
Riviera Chablais
27.4.2006
Je ne saurais trop recommander la
lecture d'un livre extraordinaire, de surcroît admirablement
écrit, de la plume d'un auteur de Suisse romande
qui plus est: Le fils du lendemain (Zoé),
de Bernard Jean, l'autre nom, réinventé, de
Jean-Bernard Vuillème (voir en page 78 l'entretien
qu'il a accordé à Coopération), qui
découvre un jour ce qu'il avait toujours pressenti,
qui est une chose énorme: son père n'est pas
son père biologique. C'est-à-dire: son nom
n'est pas le sien, puisque le nom, jusqu'à plus ample
informé, est toujours le nom du père, donc
de la loi - ainsi que Freud, notamment, l'a toujours dit.
Il est rare, très rare, qu'un livre publié
par ce qu'il est convenu d'appeler, un peu désespérément,
les "écrivains romands", entretienne quelque
rapport que ce soit avec l'Histoire, comme le déplorait
Jacques Mercanton. [
]
Jca
26.4.2006
L'auteur de ce déchirant Fils
du lendemain, texte tendu comme un arc, se fait appeler
Bernard Jean. Ce pseudonyme dissimule un écrivain
ayant déjà publié romans et chroniques,
nous dit Zoé, son éditeur. Celui-ci ne devrait
pas avoir peur de s'avancer sans masque, tant son cri déchirant
vous harponne.
Alexandre Fillon
Livres hebdo
23 mars 2006
Bien conduit, ce récit obéit
à sa propre logique à travers des associations
d'idées, comme ces choses dures à avaler que
seul son père parvenait à le convaincre de
manger et ces occlusions intestinales dont il était
coutumier, à seule fin de voir ses parents réunis.
Ou comme ces mains posées sur un drap ou un volant
: celles du frère, du père et du narrateur.
Isabelle Martin
4 mars 2006
Page créée le: 11.07.06
Dernière mise à jour le: 13.07.06
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