Lectures
On ne dira jamais assez la valeur
de la contribution des écrivains de Suisse Romande
à notre littérature francophone. Ces derniers
mois, plusieurs publications de grand intérêt
ont vu le jour : [
] <Avec> s'attendre
(Empreintes), le poète, " époux de l'aube
", capte les fines traces du temps. Ses vers s'arment
de silences, se voilent de pénombres, font vibrer
des notes d'émotion. [
]
Gérard BOCHOLIER
ARPA N° 78
Clermont-Ferrand, octobre 2002,
p. 110.
D'une
voix l'autre
Patrick Amstutz est né à
Bienne, où il vit. [
] Il a publié son
premier recueil de poésie : s'attendre. Voici
ce qu'écrivait à son propos Henri Thomas en
1991 : " Ces poèmes se distinguent d'emblée
par une cohérence interne et un élan qui ne
trompent pas : ils répondent à une nécessité.
"
Paul ASSELINEAU
Aujourd'hui Poème N° 40
Paris, avril 2003, p. 17.
D'un
lent voyage vers l'équateur
Les livres les plus beaux disent
une transfiguration. Si la première image que peint
le jeune iconographe est celle du Mont Tabor, s'attendre
s'inscrit dans la réinvention (non dans l'influence)
d'une telle tradition. Sa lecture est d'autant plus intense
que la métamorphose se voit ici réinventée.
Elle n'a pas lieu dans l'éclat, mais dans le voyage.
Elle n'équivaut à nulle échappée
du monde, mais à la rencontre de la vie - d'une vie
vécue de se briser, pour entreprendre une navigation
avec l'autre. Et si la mort la borne, elle n'apparaît
plus comme une malédiction.
[
]
Ce dessaisissement accepté, il faudrait le nommer
chasteté, non du tout vis-à-vis d'éros,
dont il permettra au contraire le chant, mais de toute complaisance
envers soi-même. La rencontre de l'autre, proprement
érotique, est dès lors possible, et s'ouvre
tout un monde de joie, de saveurs, qu'il s'agit d'arpenter.
Le livre ira vers l'équateur qui, dans le dernier
poème, " saigne " de la " bouche "
de la fiancée. Mais si la jeunesse gagne en définitive
la partie, ce ne sera qu'au prix d'un autre renversement
: à sa jouissance, il conviendra de préférer
un devoir de conscience. Car ce monde traversé est
bien aussi celui qui assassine les enfants, qui commet les
sacrilèges. Le sujet dessaisi se choisit au contraire
adulte, et s'il s'embarque dans la navigation, c'est en
se plaçant sous le signe d'Ulysse.
[
]
Ainsi sont évoquées à la fois la gravité
de la vie, et la possibilité de la vivre autrement,
allégé, sur les divers tons qu'elle propose.
Alors Ulysse peut retrouver Pénélope - dans
un sacre.
Patrick SUTER
N° 60
Lausanne, automne 2002, p. 139-140.
Tempus fugit
Patrick Amstutz publie, avec s'attendre,
son premier recueil de poésie. Bien que ces poèmes
aient été écrits de 1990 à 1996
- alors que l'auteur avait entre vingt-trois et vingt-huit
ans -, il ne s'agit pas pour autant de poèmes "
de jeunesse ", tant la maîtrise des images, la
profondeur de la réflexion et la justesse du ton
forcent l'admiration.
[
] Puisant sa force dans l'enseignement du passé
- ou plutôt du temps qui passe, car le temps n'est
ici jamais figé, mais bien plutôt un mouvement
essentiel -, s'attendre peut se lire comme une longue
et belle méditation sur le tempus fugit.
[
]
On pourrait croire [
] ici ou là, à quelque
hermétisme - qui incombe d'ailleurs pour partie à
un lexique parfois " technique " (allusions marquées
aux mondes marin et botanique), et qui renvoie donc plus
d'une fois le lecteur sinon à son incurie, du moins
à son dictionnaire -, mais jamais Patrick Amstutz
ne s'enferme dans une quelconque tour d'ivoire, ni ne toise
son lecteur ; bien plutôt, le travail de dépouillement
qu'implique le poème est en fait d'abord dépouillement
de soi, ou du " moi ", et place est alors faite
à une altérité : chaque texte est un
lieu de rencontre, entre le " je " et l'autre.
À l'image de ce " tu " du premier poème
(" se noyer dans tes eaux "), une présence
indistincte (souvent féminine) parcourt les textes,
comme un souvenir qui nous rappellerait que nous ne sommes
que parce que nous avons été, et que le présent
n'est rien à lui seul - comme le sujet n'est rien
sans un autre.
[
]
Arnaud BUCHS
Europe
N° 889
Paris, mai 2003, p. 362-364.
A
l'épreuve du temps, Patrick Amstutz entre 23 et 29
ans
Jusqu'ici, Patrick Amstutz avait
publié quelques-uns de ses poèmes dans diverses
revues. Ils composent désormais, avec d'autres, une
plaquette publiée aux éditions Empreintes,
sous le titre " s'attendre ". Des raisons
éditoriales ont retardé la parution de ces
poèmes écrits entre 1990 et 1996.
[
]
" Ces poèmes expriment certes de la joie, ils
accordent une large place à l'amour et à la
découverte de la vie, croquée avec gourmandise.Mais
à mes yeux, cette découverte ne prend de sens
que si on la replace dans une perspective où la mort
est présente. [
] Le recueil dessine une trajectoire,
du repli narcissique comme première mort, à
la main tendue vers l'Autre, comme seule possibilité
de renaissance ".
Propos recueillis par Dominique
BOSSHARD
Neuchâtel, lundi 18 novembre
2002, p. 16.
Poésie
sur parole, " Poètes suisses "
" [
] s'attendre,
c'est un plaquette, mais d'une exceptionnelle intensité.
Cette poésie conjugue à la fois le visible
et l'invisible, le légendaire et le quotidien, la
dimension érotique et la dimension spirituelle. [
]
Ce livre est placé sous le signe de la métamorphose
[
]. On passe ici d'un stade marqué par la clôture
de soi, par l'enfermement narcissique qui équivaut
à une mort, à une étape marquée
par l'ouverture à autrui, par le risque de l'autre
comme possibilité de renaissance et de dépassement
de soi. La présence du féminin est centrale
dans ces poèmes qui, parfois, redonnent vie à
des figures du mythe, comme Hélène ou Nausicaa.
[
] La forme du poème chez Patrick Amstutz est
finement travaillée comme si le vers devait être
à la fois porteur d'une évidence et d'une
énigme. "
Jean-Baptiste PARA (avec une lecture
de Marc-Henri Boisse)
France-Culture
- émission " Poésie sur parole "
28 septembre 2002.
Poésie
[
] Patrick Amstutz a, dès
ce premier recueil de poèmes, trouvé l'équilibre.
Entre l'hermétisme et l'évidence, entre l'ouverture
et le retour sur soi. s'attendre réunit des
poèmes écrits entre 1990 et 1996, d'une intensité
qui ne faiblit pas et que la forme brève ne rend
que plus évidente.
[
]
Eric BULLIARD
La Gruyère
N° 102
Bulle, jeudi 5 septembre 2002,
p. 14.
Les
couleurs denses du temps
" [
] Ce recueil n'est
que la pointe de ce qui, sous cette forme littéraire
et pour mes vingt ans, ne me semblait pas trop indigne d'être
porté à la connaissance des lecteurs de poésie.
[
] Mais écrire, comme lire, aide à pratiquer
sa mue (je parlais de peaux mortes tout à l'heure
: l'écriture, et la lecture, doit aider à
s'en débarrasser). C'est une sorte d'attente active.
Et pour trouver une justesse de ton, sans trop d'indulgence
avec soi, il importe de redonner à chaque mot sa
densité.
Mes poèmes sont souvent courts, d'abord par volonté
d'éviter la dilution.
J'aurais aimé, si vous voulez, trouver des formules
mémorisables, qui habitent un instant quelques curs.
Peut-être qu'avec encore davantage de travail arriverai-je
à en composer des plus longs qui se tiennent avec
une égale densité. "
Propos recueillis par Céline
LATSCHA
Bienne, mardi 13 août 2002,
p. 6.
L'Autre et la transmutation
Connu jusqu'à présent
pour ses critiques passionnées et sensibles, qui
prennent volontiers des chemins de traverses, Patrick Amstutz
nous donne, avec s'attendre, son premier recueil
de poèmes. [
]
A la fois dévotion à l'autre et au temps,
la parole poétique est toujours portée par
une image aux résonances multiples, qui donne à
chaque poème le caractère d'une vision, ou
plutôt d'une entrevision, tant Patrick Amstutz aime
à surprendre, à désorienter le lecteur
: jamais le poème ne s'appesantit, mais virevolte
sans cesse, laissant alors au lecteur le soin de saisir
ce qui s'échappe.
[
]
L'Autre, c'est ce qui reste lorsque l'on a donné
au temps le temps d'accomplir le monde, et ce travail commence
bien sûr toujours sur soi-même, par un mystère
qui nous révèle nous-même en même
temps qu'il révèle l'autre. Dans cette perspective,
l'art poétique qui ouvre le recueil trouve finalement
une réponse dans le dernier poème, "
Thrène pour la fiancée " : " Ose
tendre la main / et toucher l'étrangère...
" (p. 48), est-il écrit, et si l'Alceste d'Euripide
trouve ici un second souffle, la " renaissance "
initialement désirée par le poète,
dans " Pour mémoire ", a bien eu lieu,
le " je " épuré a donné vie
et espace au temps. Et par une transmutation dont nous sommes
grés à Patrick Amstutz, nous avons ouvert
un recueil, et nous refermons à présent un
livre.
Arnaud BUCHS
La Revue de Belles-Lettres N° 3-4
Genève, 2002, p. 124-125.
Voix
poétique à découvrir
s'attendre, le premier recueil
de Patrick Amstutz, [
] s'ouvre, après le poème
liminaire, sur une séquence de petits poèmes
amoureux joyeusement gourmands. Brève, fragmentaire,
éclatée, une parole fulgure, saisie comme
à l'instant de son émergence, proposant et
dynamitant des images à la fois simples et sibyllines,
juxtaposant gestes, bribes de propos rapportés, références
antiques, enchâssant précieusement un mot rare
: fétus légers éparpillés ou
séquences plus soutenues communiquent la nostalgie
d'un chant, ancien ou à venir, tandis que la dramatisation
de certains textes inviterait plutôt à se quitter,
à se multiplier, à " se savoir à
d'autres vies voué ".
Marion GRAF
Genève, samedi culturel,
29 juin 2002, p. 47.
Page créée le 27.06.02
Dernière mise à jour le 17.05.06
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