Beat Christen
Beat Christen, Leer réel, Editions
d'en bas, 2003.
Version imprimable
Beat
Christen / Leer réel |
ISBN 2-8290-0297-0
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"Traduttore,
traditore" : habituellement, le traducteur passe
pour celui qui trahit l'original, l'expression authentique.
Beat Christen écrit en allemand et en français,
il est traducteur de l'auteur et auteur de la traduction.
Invitées à un dialogue, les deux langues
cherchent un terrain d'entente. Le cheminement d'une
langue peut amener l'autre dans une impasse. Cela
suscite détours et égarements. Pourtant,
l'impossible impose un autre possible : ainsi le traducteur
a parfois forcé l'auteur à revoir son
original, parce que le traducteur avait trop bien
revu sa copie.
Beat
Christen, Leer réel, Editions d'en bas, 2003.
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Poèmes
extrait de Leer réel |
Ramure muette
Sans le chant dans les branches.
Le ramage.
Sans le mot ramage.
Le silence.
Sans le mot.
Le réel.
Sans l'homme en rêve.
Le vent.
Sans l'homme en rêve.
Le vent.
Sans l'arbre au vent.
L'arbre.
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Windstille
Ohne den Gesang im Geäst.
Quinquillieren.
Ohne das Wort Quinquillieren.
Die Stille.
Ohne das Wort.
Die Wirklichkeit.
Ohne den Menschen im Traum.
Der Wind.
Ohne den Baum im Wind.
Der Baum.
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Zinzin
Sur le cerisier
nulle feuille. La mésange zinzinule
la pulpe de son rêve
à travers l'espace désert.
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Fruchtfleich
Vom Kirschbaum
wirft die Meise ihre Weise
den weissen Traum
durch den öden Raum.
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Fentes de retrait
Paysan sans pays, je traverse
le champ
sémantique de la page blanche,
je creuse dans l'incommensurable
des sillons, je sème la revanche
des morts sur les vivants
dans la blancheur intenable,
je m'enfonce dans le monde
absent.
Paysan sans pays, je vagabonde
dans les fentes de retrait
qui me remettent au monde,
présent.
Beat
Christen
Extrait de : Leer réel,
Editions d'en bas
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Versehen
Schreiben. Mich reiben am Papier
Mich reiben, aus der Ferne der weissen Seite,
am Stein (seinem sinnlich sinnverstellten Sein),
am Einst und Jetzt (der Schmetterling wirft seinen
Leib in einen Sommer),
am Beil (Blut und Bodensatz, unter VERMISCHTE MELDUNGEN)
am Leib (vom Blust in der Brust zum Blei in den Beinen)
an der Blust (gärt im stinkenden Blumenwasser
die Schönheit von morgen?)
an der Lust (Liebesspeichel, schreien und benedeien
: Eichel in Möse),
an der Leiche (vom Grabstein BEAT CHRISTEN abschreiben,
während die Flocken des ersten Schnees ihn immer
unleserlicher schneien).
Aus der Ferne der weissen Seite
mich ans Leben verschreiben.
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Extrait
de la Postface de Martin Zingg |
Un auteur qui fait équipe
avec lui-même
[...]
Mais les poèmes que Beat Christen nous propose, ce
ne sont pas d'abord des traductions. Il ne cherche pas à
prouver que ses poèmes peuvent être transposés
dans une autre langue et qu'il peut s'en charger lui-même
[...]
La question est tout autre. Elle
est unique en son genre et embrouillée à plaisir,
de telle manière que l'on ne sait pas toujours très
bien quel est "l'original". Les deux poèmes,
tantôt en français, tantôt en allemand,
sont le texte original, tous deux ensemble. Et c'est ensemble
qu'ils créent un tiers poème, ce que ne peut
faire aucune traduction : un poème bilingue, un poème
qui entretient la même proximité avec les deux
langues et qui résiste, en fin de compte. Tout en
ne cessant de faire référence à son
bilinguisme, tout en gardant à l'oeil (et donc au
mot) les différences entre les deux langues, cela
va sans dire.
Comment cela peut-il fonctionner
? Comment une acrobatie reliant deux langues entre elles
peut-elle nous en dire plus que la distance naturelle qui
sépare ces deux langues ? Nous savons depuis toujours
que la même chose se dit en mots différents
dans chaque langue. Mais lorsque deux poèmes sont
imprimés côte à côte et s'efforcent
tout ensemble de dire quelque chose qu'ils ne peuvent dire
qu'en commun, cela surprend. Lire un seul des deux poèmes
- quel qu'il soit, dans quelque langue qu'il soit - c'est
ne lire qu'à moitié. Peu importe laquelle
on lit, il y manquera toujours une moitié. Car l'autre
moitié relativise. Elle élargit et rétrécit,
elle coupe la parole et corrige, elle déniche dans
son lexique ce qui ne se trouve pas ailleurs ou autrement
mais qui est constitutif du poème. Il faut l'autre
pour dire vraiment la même chose.
[...]
Martin Zingg
(traduit de l'allemand)
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Extrait
de la Postface de Daniel Maggetti |
Entre les langues
[...]
Le choix de l'expression simultanée
en deux langues, à partir d'un même sujet ou
d'une même thématique, fait précisément
ressortir le "quelque chose" d'inconciliable entre
les langues. Il n'y a pas, il n'y a jamais d'adéquation
parfaite (ce qui, soit dit en passant, jette un doute sur
les pouvoirs de la traduction); par sa manière de
procéder, Christen place au contraire l'accent sur
"le jeu" (au sens mécanique du terme) irréductible
entre les langues.
[...]
Ce qui domine chez lui, c'est la
certitude de la relativité des langues; en pratiquant
la double expression, il s'installe entre
les langues, dans un espace précaire et fécond,
extensible mais aussi contraignant, immense tantôt,
tantôt exigu. De par sa trajectoire particulière,
c'est là, dans cette fêlure qui est à
la fois rupture exhibée et intime mis en contact,
que ce poète se livre à la quête primordiale,
celle à laquelle tout écrivain doit se confronter
: la quête de sa
langue.
[...]
Daniel Maggetti
Page créée le: 24.06.03
Dernière mise à jour le 24.06.03
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