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Jean-Marc Lovay
Epître aux martiens, Editions Zoé, 2004

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Retrouvez également Jean-Marc Lovay dans nos pages consacrées aux auteurs de Suisse.

  Jean-Marc Lovay / Epître aux martiens
 

ISBN 2-88182-500-1

Ayant décidé de suivre l'instinct qui le poussait à s'enfuir du lieu confus de ses origines, Julot ignorait s'il succombait à une obscure fascination du suicide ou s'il obéissait à un puissant désir de renaître ailleurs. Après avoir osé franchir une monstrueuse muraille-frontière il se retrouvait à Tecnos, la Cité-Molosse dirigée par les défenseurs de l'Argument des Mille Productions. Et avant ce qui serait peut-être encore une renaissance ou déjà une deuxième mort, complice lui-même de la merveilleuse et fatale énergie qui l'emmènerait inexorablement au pied d'une nouvelle muraille, Julot adhérait à la révolution et découvrait qu'elle n'était qu'une des milliards d'autres révolutions, mais qu'au cœur de cette révolution pour lui à jamais unique flamboyaient ce que les humains parfois nommèrent «le premier amour et la fraternité dans toute leur innocence ».


Premier roman de Jean-Marc Lovay écrit en 1967 à l'âge de dix-neuf ans, Épître aux Martiens obtint le Prix Georges Nicole en 1969 mais ne fut jamais publié. L'auteur raconte dans sa préface la «Disparition et réapparition du tapuscrit d'un jeune auteur».

Jean-Marc Lovay, Epître aux martiens, Editions Zoé, 2004

 

  Article de Jean-Louis Kuffer - 24Heures

L'entrée du labyrinthe

EXHUMATION Genèse psychédélique de l'oeuvre de Jean-Marc Lovay, Epître aux Martiens paraît avec trente ans de retard. Perdu et retrouvé, ce texte tient de la révélation.

Lorsque nous avons appris que l ' Epître aux Martiens de Jean-Marc Lovay allait paraître, plus de trente ans après que ce texte eut obtenu le Prix Nicole 1969, en même temps que Pour mourir en février d'Anne-Lise Grobéty, nous étions loin de nous douter de ce que serait cette exhumation. L'histoire du tapuscrit perdu de ce premier roman d'un tout jeune auteur (Lovay, né en 1948, avait 19 ans lorsqu'il le composa !) dont ne parut qu'un extrait, dans la revue Ecriture, n'a jamais fait l'objet d'aucune déploration publique qui pût faire croire à une irrémédiable perte.

Trente-six ans après avoir écrit ce texte en marge de son travail de nuit à la rédaction de la Feuille d'Avis du Valais, l'auteur lui-même rappelle, en préface à cette édition, qu'il avait d'autres chats à fouetter en 1968, du côté des hauts cols de l'Afghanistan, qu'à établir des archives qui le poursuivraient « comme des chiens de papier » dans ses voyages.

La parution, en 1970, de La tentation de l'Orient, son dialogue épistolaire « on the road » avec Maurice Chappaz, et celle des Régions céréalières chez Gallimard, en 1976, avec l'adoubement de Louis-René des Forêts, Pascal Quignard et Jean Grosjean, allaient ensuite éclipser le souvenir de la fantomatique Epître, dont un pré-tapuscrit fut cependant retrouvé en avril 2000 par Maurice Chappaz dans son galetas de l'Abbaye du Châble, avant que Lovay lui-même tombe, en automne 2001, sur une première version originale et une copie définitive du livre « dans une cave entre un vieil aspirateur et un pied de sapin de Noël ». Et de souligner dans la foulée, avec sa malice très particulière, qu'il repousse « une complaisante propension à trop humblement estimer naïf un premier livre de jeunesse » dont le lecteur découvre, aussi bien, la remarquable cohérence du délire apparent.

Un poème d'époque

Il y a certes, dans Epître aux Martiens, une forte marque d'époque, qui l'apparente à toute une contre-culture dont les figures référentielles (mais non explicites) pourraient être le conteur crépusculaire Buzzati et le routard Kerouac, le Burroughs visionnaire du Festin nu et divers auteurs de science-fiction contre-utopique tels Ray Bradbury ou Philip K. Dick, entre autres.

L'histoire de Julot, le protagoniste résolu à « tout quitter » pour accéder, après avoir franchi une muraille, à la « sombre nouveauté » d'un pays dominé par la Production auquel il s'efforce de s'intégrer avant de basculer dans une sédition aussi ambiguë que son adhésion, relance apparemment les thèmes et les stéréotypes formels de toute une littérature devenue redondante et même conventionnelle aujourd'hui, notamment par la bande dessinée. Or, l ' Epître aux Martiens échappe à ce qui est devenu conformisme par une sorte d'écart originel.

Un délire contrôlé

Il est beaucoup question, dans ce livre d'avant Mai 68, de « révolution ». Hélas (ou tant mieux ?) Jean-Marc Lovay n'a jamais été un révolutionnaire bien conséquent. Son Julot nous évoque plutôt le Moravagine de Cendrars ou les individualistes « allumés » de Zamiatine, pour ne pas citer le futur « suicidé de la société » qu'incarne le poète Maïakovski, jamais adapté à la mécanique sociale. Le regard de Lovay sur la société des années 60 est par ailleurs d'un môme occidental visiblement porté sur l'inhalation de « poussières interdites » et autres tisanes hallucinogènes, mais une espèce de vieux fonds terrien et sauvage le rapproche également du Cendrars de Moravagine et de L'homme foudroyé autant que du Farinet de Ramuz ou de son mentor Chappaz - enfin de cette Suisse sauvage qu'on retrouve, au milieu des allées peignées, chez le génial Louis Soutter ou chez le plus inquiétant Adolf Wölfli.

Ainsi que le relevait Charles Méla, professeur de littérature médiévale à l'Université de Genève, dans un texte d'hommage pertinemment intitulé Jean-Marc Lovay ou la création hallucinée, « l'écriture de Jean-Marc Lovay fait exister un univers mental hanté par la folie, un monde de machinations fantastiques et d'agressions obsédantes dont l'exploitation est conduite avec rigueur, humour et dans une cohérence angoissante ».
On n'entre pas dans le labyrinthe de Jean-Marc Lovay comme dans un moulin. Pour notre part, nous y aurons mis des années, autant que pour entrer dans les univers parallèles d'un Raymond Roussel ou d'un Réjean Ducharme. Or cette Epître aux Martiens est une porte possible, et la première en somme. Entrez s'il vous plaît: c'est par là ...

Jean-Marc Lovay, Epître aux martiens, Editions Zoé, 2004

JEAN-LOUIS KUFFER

24.02.2004

 

  Revue de presse


Jean-Marc Lovay / Epître aux Martiens

Bush sur Mars? L'écrivain envoûteur-chamane suisse Jean-Marc Lovay l'avait prévu dès 1967 dans ce premier roman qu'il avait égaré, et qu'il a retrouvé récemment dans une cave, sous un vieil aspirateur. Lovay c'est toujours l'imagination qu'on a l'impression de pouvoir toucher, tant ses images sont tactiles et ses métaphores suggestives. Le plus inventif et anarchiste des romanciers actuels ne raconte pas : il lance sa prose à pleine vitesse sur des rails qu'il pose en écrivant.

Jean-Marc Lovay, Epître aux martiens, Editions Zoé, 2004

[...]
L'auteur d'Asile d'azur [...] raconte aujourd'hui comment il a retrouvé une copie de la version originale corrigée de son Épître aux Martiens [...] Mais il a oublié ce qu'il voulait y mettre, sinon le refus de se laisser enchaîner. Et il ne veut pas davantage répondre à la question de savoir s'il s'agit d'"un roman gonflé d'urgent désespoir ou enflé de trouble espérance" (on penche pour la seconde hypothèse à cause de la modification lumineuse de sa dernière phrase).

Lovay avant Lovay, est-ce déjà du Lovay ? La réponse est oui, même si l'on est ici un peu moins dérouté, quoique... Il est en effet possible, tout en s'interrogeant sur sa logique, de suivre l'itinéraire de son narrateur. Lequel s'en va pour revenir à son point de départ, au terme d'une expérience de passage dans la neige et dans la nuit, où il voit mourir autour de lui tous ceux qu'il a connus.
[...]

Jean-Marc Lovay, Epître aux martiens, Editions Zoé, 2004

Isabelle Martin

06.03.04

Le livre comporte des paragraphes et même de la ponctuation. Soyez cependant rassurés. Le récit reste incompréhensible.
[...]

Epopée dérisoire et fantastique animée par un certain Julot, Epître aux Martiens tiens de Dune. C'est heureusement beaucoup plus court.

Jean-Marc Lovay, Epître aux martiens, Editions Zoé, 2004

Etienne Dumont

01.03.04

[...]
Comme le relevait récemment Charles Méla, professeur de littérature à l'Université de Genève, "Jean-Marc Lovay ne cherche pas à plaire, un écrivain essentiel est un écrivain mû par une nécessité intime qui ne cède à rien ni à personne".

Or ce style, Jean-Marc Lovay l'avait déjà affirmé en 1969. A 19 ans, il gagnait le Prix Georges Nicole pour Épître aux martiens, un roman. Un manuscrit jamais publié, retrouvé il y a peu et "enfin" lisible. [...] Préfaçant cette première édition tardive, Jean-Marc Lovay a cette très juste phrase: "[...] je ne perçois aucune naïveté dans la trajectoire menant le héros-narrateur à la conclusion qu'il est conduit malgré lui mais aussi par sa propre détermination à suivre et à diriger l'ombre de son destin en refusant d'obéir [...]"

On ne saurait mieux qualifier l'ambiguïté fondamentale de ce héros-narrateur, Julot [...] Partisan d'une révolution ou poète errant ? Jamais le livre ne tranche.

[...]
Une langue unique, poétique au sens de l'invention, hallucinée, minérale, essentielle, qui ne donne sens que dans l'abandon à un certain affolement de la lecture.

Jean-Marc Lovay, Epître aux martiens, Editions Zoé, 2004

JS

28.02.04

[...]
La lecture de Lovay demande de l'entraînement, de l'habitude, de la disponibilité: elle est exigeante, parfois déroutante, aux confins de la folie et de l'inexplicable. Elle happe le lecteur, brise les frontières normatives, cohérente, dans ses divagations et ses dérives, avec des touches d'humour omniprésentes. Elle transgresse et peut faire peur tout en étant intarissable dans ses respirations. Une écriture d'un véritable écrivain...

Jean-Marc Lovay, Epître aux martiens, Editions Zoé, 2004

Jean-Marc Theytaz

14.02.04

[...]
La Production, souveraine absolue d'un monde de termites se surveillant constamment, ne peut que susciter révolte et résistants martyrs. Mais l'espoir est un virus indestructible et il reste toujours une issue pour qui parvient à y croire encore. Le style métaphorique écorché saignant cruel, et tendre aussi parfois, de Lovay conduit, comme une mécanique irrésistible, cette course au soleil-liberté-fraternité.

Jean-Marc Lovay, Epître aux martiens, Editions Zoé, 2004

Mireille Schnorf

16.03.04

[...]
Il est peut-être plus aisé de suivre l'intrigue de L'Épître aux Martiens que celle des oeuvres plus tardives de Jean-Marc Lovay. Mais le discours à la fois conte, récit de science-fiction et parabole philosophique aux accents prophétiques, est à tel point indissociable de la langue qui le porte que les fulgurances du style font sens plus que l'intrigue elle-même. Dans cette histoire d'une révolution - intime avant d'être sociale - l'auteur d'Asile d'azur use déjà d'une langue qui bouleverse les repères de la raison et les catégories mentales.

[...]
L'Épître aux Martiens se lit comme un rêve : les yeux mi-clos pour privilégier la sensation à la compréhension, se laisser toucher par la musique des mots et laisser affleurer l'inconscient. Mais l'effort en vaut la peine. La perplexité laisse vite place à la fascination.

Anne Pitteloud

08.04.04

 

Page créée le: 03.06.04
Dernière mise à jour le 03.06.04

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