Au clair de l'amitié
Dans une sorte d'avant-propos très
intime à son étrange et beau roman, Janine
Massard écrit ceci : "Un mort vous apprend aussi
à vivre et (...) l'envers du miroir laisse filtrer
une lumière qu'il faut apprivoiser pour la capter."
(Comme si je n'avais pas traversé l'été,
L'Aire, Lausanne, 2001.)
[...] Il faut trente ans pour faire
un homme, il faut une minute pour le détruire, et
le roman de Janine Massard vient dire une chose infiniment
simple et belle : "Rien ne nous prépare à
vivre une tragédie." Chacun de nous le sait,
mais il ne sait pas combien est vrai ce qu'il sait.
Jean Romain
LE BLOC-NOTE
30.10.01
Une fiction qui est censée
apaiser une douleur bien réelle
Trois proches de l'auteure meurent
successivement d'un cancer.
Janine Massard (ou Alia) tente de dépasser la douleur
par la fiction.
Bernard, le père, et Florence,
sa fille, succombent à quelque temps l'un de l'autre
au même type de cancer. Un an auparavant, déjà,
c'était la mort du père d'Alia, qui perd ainsi
trois proches en quelques années. Mais ce sont les
parcours du père et de la fille que Janine Massard
relate, s'arrêtant plus en détail sur la lutte
extraordinairement courageuse de la jeune fille qui traite
sa maladie "comme s'il s'agissait d'un rhume".
[...]
On retrouve dans ce livre la manière de Janine Massard
de mélanger les niveaux de langage, du moins dans
les deux premières parties; curieusement, la partie
par "je" est certainement la plus harmonieuse
sur le plan stylistique, de la forme d'harmonie que l'on
décelait dans Ce qui reste de Katharina, le précédent
roman de l'auteure.
Monique Laederach
27.10.01
Janine Massard : Comme si je n'avais
pas traversé l'été, roman, Editions
de l'Aire
La pige à la mort
Janine Massard, dans un livre
pétri de terrible douleur et d'humour panique, exorcise
un triple deuil. Beau et poignant.
[...]
En écrivain, Janine Massard se montre hypersensible
au poids des mots, lorsque bascule par exemple le sens de
l'adjectif "flamboyant" (marquant la victoire
de la lumière) pour qualifier la "tumeur flamboyante"
qui frappe soudain Bernard, le mari de la protagoniste.
De la même façon, la romancière recrée
magnifiquement les atmosphères très contrastée
dans lesquelles baigne Alia, entre pics d'angoisse et phases
d'attente-espoir, que ce soit dans la lumière lémanique
(Alia, comme son père, était "du lac"
et très proche de la nature maternelle), les couloirs
d'hôpitaux où se distillent les petites phrases
lamentables des techniciens-toubibs si peu doués
en matière de relations humaines, ou en Californie
dont les grands espaces et la population déjantée
conviennent particulièrement à sa grande fille
nique-la-mort. Par ailleurs, le recours à l'humour
multiplie les ruptures heureuses...
Jean-Louis
Kuffer
décembre 2001
Janine Massard : Comme si je n'avais
pas traversé l'été, roman, Editions
de l'Aire
Comme si je n'avais pas traversé
l'été
De Janine Massard (née à
Rolle en 1939), on connaissait bien sûr ce beau roman,
paru à l'Aire il y a quatre ans, Ce qui reste de
Katharina, que nous avions chroniqué en son temps.
On connaît également les récits et les
nouvelles (Christine au dévaloir, Eliane Vernay,
1980). Avec Comme si je n'avais pas traversé l'été*,
elle entreprend le récit impossible (et sans doute
indispensable) de la double perte, à quelques mois
d'intervalle, de son mari et de sa fille, tous deux atteints
par un cancer.
L'été funeste
Comme pour tenir la douleur à
distance, Janine Massard a choisi de raconter son drame
à la troisième personne, car la fiction, en
écrivant, s'impose à elle. Son héroïne
s'appelle Alia (du latin : de l'autre côté).
C'est elle qui conduira l'enquête, qui l'éclairera,
qui tissera les mots de la douleur, d'une voix tantôt
complice et tantôt ironique, qui frappe toujours par
sa justesse. C'est elle la gardienne du malheur.
Ô mort où est ton aiguillon
? Ô sépulcre où est ta victoire ?
Ces vers scandent la douleur d'Alia
qui accompagne les derniers instants de son mari Bernard,
tandis que sa fille, Florence, en rémission à
Los Angeles, ne veut pas revenir, comme pour suspendre la
menace qui pèse sur elle. Alia est persuadée
que Bernard se sacrifie (ou plutôt trompe la mort)
pour sauver sa fille, victime du même mal. Le stratagème
semble réussir. Florence va mieux. Mais la Camarde
est obstinée et revient plusieurs fois à l'assaut.
Les pages que Janine Massard consacre à ce combat
essentiel, où alternent l'espoir et l'abattement,
sont magnifiques, d'une pudeur et d'une vérité
totales.
L'écriture, en même
temps qu'une manière d'exorcisme, est un acte de
protestation : c'est la seule manière de ne
pas laisser un scénariste quelconque entraver sa
vie. Face au harcèlement de la destinée, elle
oppose la résistance de l'esprit. Après
des mois de lutte, Florence sera vaincue, à son tour,
par la maladie. Lors d'un dernier pèlerinage, Alia
ira disperser les cendres de sa fille dans ces montagnes
californiennes qui faisaient tant rêver Florence.
Manière de respecter la dernière volonté
de sa fille, mais aussi, peut-être, de prendre congé
d'elle, dans un lieu où tout est uni au monde,
et où elle sera maternée
* Comme si je n'avais pas traversé
l'été, par Janine Massard, L'Aire, 2001.
Jean-Michel Olivier
SCENES MAGAZINE
Page créée le: 28.12.01
Dernière mise à jour le 28.12.01
|