Sylvie Neeman Romascano
Rien n'est arrivé, Editions Denoël
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Sylvie Neeman
Romascano dans nos pages consacrées
aux auteurs de Suisse
Sylvie Neeman
Romascano / Rien n'est arrivé |
ISBN 2-207-25148-9
|
Une jeune femme se rend
au chevet de son père mourant, quelque part
dans le sud de l'Italie.
Tout à coup le train
s'arrête en rase campagne, quelqu'un s'est jeté
sous la locomotive. Un homme vient s'asseoir en face
d'elle, dans le wagon-restaurant. Ils font connaissance,
bavardent un peu, puis se quittent, et finissent par
se retrouver. Il descend à Florence, où
l'attendent ses enfants qu'il a eus d'une femme dont
il vient de se séparer. Elle l'accompagne,
patiente dans un restaurant de la ville, rencontre
les enfants, il y a du bonheur entrevu, et comme un
remords. Le lendemain, elle poursuit son trajet, mais
arrive après l'enterrement. La vie continue
?
Par un retour presque obsessionnel
sur l'enchaînement des événements,
par une notation du détail des lieux, des atmosphères,
des corps, des visages, Sylvie Neeman Romascano sait
entraîner son lecteur dans un univers intime,
qui a pour cadre l'italianité comme légère
étrangeté à nos yeux et à
nos oreilles. C'est un style, une phrase, qui s'imposent
ici, et qui renouvellent le motif de la rencontre
fugitive pour un faire une sorte de petite tragédie
étouffée.
Sylvie
Neeman Romascano vit en Suisse romande, où
elle est critique littéraire à la revue
Ecriture. Rien n'est arrivé est son premier
roman.
Sylvie Neeman Romascano, Rien
n'est arrivé, Editions Denoël
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Biographie |
Sylvie
Neeman Romascano est née le 9 mai 1963,
de deux parents musiciens. Elle a effectué toute
sa scolarité à Lausanne, ainsi que l'Université,
où elle a obtenu une licence en Lettres. Elle
a deux filles, dont elle s'est occupée tout en
donnant des cours de français et de littérature,
et en collaborant à la revue Ecriture. Après
la naissance de ses enfants, elle s'est également
intéressée à la littérature
pour la jeunesse et, de collaboratrice régulière,
elle est devenue rédactrice responsable de la
revue Parole, qui est l'organe de l'Association romande
de littérature pour l'enfance et la jeunesse
(Arole). Elle vit aujourd'hui à Montreux. |
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Interview
sur le net, par Daniel Maggetti |
A propos de Rien nest arrivé,
de Sylvie Neeman Romascano
Interview sur le net
Par Daniel Maggetti, maître-assistant à lUNIL,
critique littéraire et écrivain
Un premier livre à plus de
35 ans, mais un premier livre qui fait preuve de beaucoup
de métier, d'une vraie maîtrise d'écriture.
Quel a été le parcours qui vous a conduite
là ? Y a-t-il eu des étapes précédentes,
des tentatives ?
J'écris depuis plusieurs années,
en effet, et Rien n'est arrivé est le troisième
manuscrit que j'ai présenté à des éditeurs;
auparavant, il y a eu des tentatives qui n'ont pas abouti
mais qui ont été encouragées, ce qui
était important et m'a permis de persévérer;
je recevais des paroles de confiance qui me laissaient entendre
que je ne me trompais pas en choisissant cette voie-là;
il est vrai que ce n'est pas toujours facile, il arrive
un moment où on voudrait voir les choses se concrétiser
et ce moment tarde: je crois qu'on souhaite vraiment trouver
des lecteurs, et que le livre se mette à exister.
En ce qui concerne la maîtrise de l'écriture,
cela doit venir de ma façon de travailler - plutôt
perfectionniste - que d'une approche préalable.
Vous êtes une lectrice avertie,
vous avez fait des études de lettres, vous avez un
regard sur la littérature qui se fait: avez-vous
des "modèles" ? Des livres ou des auteurs
qui comptent particulièrement pour vous ?
Je n'ai pas de modèles, j'ai
des admirations, et elles sont multiples, passablement incohérentes
et souvent posthumes... Je veux dire par là que j'ai
lu avidement les auteurs contemporains pour n'en retenir
que peu, et que je reste toujours éblouie par les
"classiques", mais aussi les romancières
anglaises; j'ai adoré une bonne partie du nouveau
roman français mais aussi Nabokov, Philip Roth, Paul
Auster, Nancy Huston et plus près de nous Agota Kristof,
Corina Bille, et puis Gustave Roud et Philippe Jaccottet.
Mais à l'origine de mon envie d'écrire, c'est
Marguerite Duras qu'il faut citer, une révélation
de mes 17 ou 18 ans...
Vous êtes lausannoise, vous vivez
en Suisse Romande, pourquoi le choix de publier en France
?
Parce quils ont bien voulu
de moi
Il faut dire que cest uniquement de France
que jai reçu les encouragements que je mentionnais
plus haut ; de Suisse, jai reçu plutôt
lencouragement à ne pas envoyer dautre
manuscrit. Et comme cétait un rêve, pour
moi qui ai des enfants et la plupart de mes activités
professionnelles à la maison, de prendre le train
de temps en temps et mévader un peu, si cest
pour parler dun livre, rencontrer des gens qui vivent
pour cela, cest encore mieux. Et je dois dire que
jai beaucoup apprécié le soin donné
à la conception de louvrage, à sa fabrication,
à sa diffusion ; et que dire de cette chance offerte
à une Suissesse parfaitement inconnue, de ce risque
généreux qua pris Denoël ? Je leur
suis infiniment reconnaissante.
Le titre même de votre roman,
Rien n'est arrivé, est-il une volonté affichée
de vous démarquer de ce que l'esthétique du
roman suppose (intrigue, dénouement) ? Et pourtant
l'histoire de Dora est exemplairement romanesque...
Ce titre a plusieurs raisons d'être:
d'abord je le trouvais beau, ce qui n'est pas peu de chose,
et puis il est vrai qu'il situe le livre un peu à
contre-courant de ce qu'on demande à un roman, à
savoir des péripéties, des intrigues et si
possible un peu de suspens; mais il est clair qu'à
mon sens il se passe des choses importantes dans ce train,
peut-être plus d'un point de vue psychologique que
purement dramatique, c'est d'ailleurs là ce qui m'intéressait.
Enfin, le "rien" du titre renvoie bien sûr
à un autre "rien", dans le livre, qui était
tout sauf quelque chose de négligeable, le "ce
n'est rien" d'un souvenir d'enfance. Il y a ainsi des
mots qui cachent bien leur jeu.
Et la dédicace, malicieuse, en
est-elle vraiment une ?
Formuler ainsi ma dédicace,
c'était peut-être la seule façon honnête
de le faire: je me suis rendu compte que s'il y a une chose
que je ne fais pas pour les autres, c'est bien écrire;
ça, je ne le fais que pour moi. Et je voulais aussi
qu'apparaisse, en filigrane, une autre personne, importante
pour moi depuis très longtemps. D'où cette
formulation peut-être un peu mystérieuse...
Votre roman, qui nest pas un
roman épistolaire, sorganise toutefois autour
de deux lettres dont on ne sait si et comment leurs destinataires
les recevront. La lettre est-elle une métaphore de
l'écriture ?
Je n'y ai pas pensé au moment
où je l'écrivais, mais c'est une façon
de voir les choses très légitime, puisque
je me rends compte à présent qu'un livre publié
peut être l'occasion de rencontres inattendues, de
retrouvailles aussi, mais également de combien de
rendez-vous manqués? Oui, j'aime bien cette idée
de lettre un peu aléatoire, et un livre non publié,
ou tout simplement qu'on n'ouvre pas sur le rayon d'une
librairie, ou quon repose après en avoir lu
quelques lignes, c'est peut-être pour le lecteur une
façon de ne pas s'engager, de ne pas s'exposer; on
peut imaginer qu'il n'y a pas que l'auteur qui s'expose
dans l'aventure du livre.
La composition du roman frappe par l'insertion
de séquences qui ne sont pas directement liées
à l'intrigue; quelle est leur fonction ?
Je dirais que ces séquences
ont une double fonction: d'une part elles "aèrent"
l'atmosphère un peu confinée du début
du livre, elles sont des fenêtres ouvertes sur une
autre réalité, proche ou lointaine. Et puis
elles servent à montrer Dora telle qu'elle est, c'est-à-dire
extrêmement perméable, sensible non seulement
à ce qu'elle voit ou entend, mais aussi à
ce qu'elle imagine; c'est une femme que tout atteint et
cette impossibilité d'être indifférente
est peut-être le trait le plus important de sa personnalité;
la fin du livre montre sa (bonne) résolution d'essayer
de changer cela.
La mort du père comme élément
fondateur de l'identité adulte: ce roman est-il une
variation sur ce thème ?
Peut-être pas la mort du père
en particulier, mais la mort en général, celle
d'un proche, oui, certainement. On a parfois le sentiment,
face à certaines personnes, face à un certain
type de maturité, qu'il ou elle a fait ce chemin-là,
qu'il y a eu un deuil dans sa vie. Donc ce roman peut s'inscrire
dans une approche de ce genre; mais je n'ai pas voulu faire
de démonstration. Il se trouve que cette mort a permis
à Dora de mesurer toutes ses réticences à
vivre, mais j'imagine que cela aurait pu être différent.
Le thème de la rencontre de hasard
est traité avec gravité et légèreté;
faut-il en déduire une vision du monde et laquelle?
Non, pas de vision du monde, pas
pour l'instant, peut-être quand je serai plus vieille...
Dailleurs il me semble que lorsqu'on écrit,
on ne peut pas se contenter davoir une vision du monde,
il en faut plusieurs. Cela doit coïncider avec celles
qu'ont les personnages. Et s'il y a certainement quelque
chose de moi dans Dora, je la considère surtout comme
quelqu'un avec qui je m'entendrais bien, à qui j'aurais
quelque chose à dire, sûrement, si l'on se
rencontrait. Donc pas (encore) de vision du monde, pas de
message à faire passer, juste une envie d'en dire
deux ou trois choses, de ce monde, et surtout des gens qui
y vivent, qui s'y rencontrent ou qui s'y manquent.
Daniel Maggetti
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Extrait
de "Rien n'est arrivé" |
[ ...]
C'est dans un thermos que vient le
café proposé, dans l'autre main le serveur
tient une tasse blanche marquée du sigle des chemins
de fer italiens, il verse en accentuant théâtralement
la longueur du jet brun et fumant, il a dû voir cela
dans un reportage sur le Maroc, il demande latte? zucchero?,
et on répond "non, rien, merci" alors qu'on
n'a jamais aimé le café autrement que bien
sucré et généreusement crémeux.
On répond "non, rien, merci" et ce n'était
pas prémédité, pas réfléchi
une seule seconde, ce n'était pas même par
peur de déranger, un aller-retour de plus pour le
serveur n'aurait rien eu de très contraignant, il
aurait d'ailleurs certainement pu profiter d'un autre trajet
pour passer devant la table et y déposer un sachet
de sucre, non ce n'était rien de tout cela mais juste
une envie de soudain se croire une autre, parce qu'on est
dans un train qui roule vers une très petite ville
du sud de l'Italie, et que la vie semble difficile.
On est dans un train qui roule vers
le sud de l'Italie, mais on aurait tout aussi bien pu être
dans un restaurant de bord de mer, un restaurant avec vue
sur le canal ou sur le port, et contre toute attente on
se serait entendue commander un plateau de crustacés,
alors que jamais au grand jamais on n'a réussi à
avaler quoi que ce soit de cru qui ne soit fruit ou légume.
On se retrouve alors devant un monticule de glace et d'algues
mêlées, et de coquilles, et de citron, on est
là à ne pas savoir comment s'y prendre ni
par où commencer, il y a aussi cette pince, cette
fourchette étrange qui suggèrent qu'il va
falloir se battre et que ce ne sera pas simple.
Mais n'était-ce pas précisément
ce qu'on voulait, ce sentiment d'échapper un instant
à soi, et pourquoi cela ne passerait-il pas par un
café sans sucre ni lait, par un plateau de fruits
de mer qui à la première coquille saisie déjà
nous écoeure, comment parvenir à avaler tout
ce cru, ce mouillé, ce salé, peut-être
en noyant cela sous l'acidité du citron, mais c'était
compter sans le réflexe de la bête, ce sursaut
musculaire, - et cette antenne, là, n'a-t-elle pas
bougé? On dînera ce soir de pain et de beurre.
Pour l'heure on est assise devant
une tasse de café, tasse à la paroi épaisse,
au fond épais, question de stabilité sans
doute dans l'univers tourmenté du train, de cuillère
nulle trace puisqu'il n'y a rien à mélanger,
encore qu'on ne sache précisément s'il faut
mettre cette absence sur le compte d'une logique imparable
du serveur ou sur celui de sa simple négligence.
On trempe ses lèvres, c'est opaque, c'est amer, "je
voudrais quand même un peu de lait, s'il vous plaît",
on n'a pas réfléchi longtemps, le serveur
était là, en train de poser les menus du jour
entre les assiettes, ce café on n'aurait jamais pu
le boire sans le secours de sucre ou de lait, or demander
du sucre aurait contraint l'autre à penser à
la cuillère, chose au demeurant fort improbable,
et rien dans le déroulement de la journée
ne permet d'affirmer qu'on aurait eu le courage supplémentaire
d'en réclamer une. Le serveur tarde un peu à
revenir, le voilà, il tient à la main un pot
en étain, il verse consciencieusement un filet de
lait dans la tasse épaisse, déjà on
lève la main "voilà, merci, ça
suffit", on le sait, pourtant, que ça ne suffit
pas.
[ ...]
On regarde la tasse de café,
on regarde le journal, puis on lève les yeux et on
constate que les tables sont toutes mises à présent,
pourtant il doit bien rester trente minutes avant l'heure
prévue du repas, que vont faire les serveurs de ce
temps qui les sépare de la grande précipitation
du déjeuner, et d'ailleurs où sont-ils passés
puisqu'on est seule à présent dans le wagon,
on croit bien entendre quelque chose, là-bas, du
côté des cuisines, mais le vacarme du train
est si fort (on a dû ouvrir une porte, derrière,
ou une fenêtre) qu'il permet toutes les conjectures,
même les pires, ne sont-ce pas des hurlements qui
se hissent par-dessus le bruit ambiant, des cris déchirants?
On regarde encore, on ne voit personne, ne demeure que cette
impression de vitesse éperdue, et cette fatigue accablante.
Au même moment, au bord d'un
chemin baigné d'un soleil froid, une jeune femme
est en train de suivre des yeux une voiture qui s'éloigne.
Du banc de métal gris où elle est assise,
elle peut apercevoir la voiture qui longe le ventre de la
montagne, puis disparaît pour surgir à nouveau
plus bas, plus loin. Et cette femme demeure là, au-dessus
de la plaine, le corps légèrement penché
en avant; elle écoute le monde comme l'écouterait
un aveugle, l'âme tout au bord des lèvres.
[ ...]
Extrait de: Rien n'est arrivé,
Sylvie Neeman Romascano. Editions Denoël, Paris 2001.
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Extraits
de presse |
"Rien
n'est arrivé", roman de Sylvie Neeman Romascano
Rien n'est arrivé est un très
beau livre, le premier roman d'une jeune femme de Clarens,
Sylvie Neeman Romascano, ancienne étudiante à
l'Université de Lausanne, critique littéraire
à ses heures et mère de famille. Envoyé
par la poste aux Editions Denoël, à Paris, ce
livre fut immédiatement accepté - le fait
est si rare qu'il mérite d'être signalé
[...] Un
quotidien obsédant
Il y a des moments très forts,
des descriptions de lieux, une poésie émouvante
et aussi beaucoup d'humour devant un quotidien obsédant.
[...]
Rien n'est arrivé, Sylvie
Neeman Romascano. Editions Denoël, Paris 2001.
Nicole Hirsch-Klopfenstein
"Vevey-Hebdo" N° 374
05.10.01
Une jeune femme se retrouve, "
le cur et la tête chavirés ", dans
un train pour lItalie. Au sud de la péninsule,
quelquun se meurt. Elle doit arriver à temps,
même si elle rêve déviter cette
dernière confrontation en suscitant des détours
qui suspendent le temps. A la fin, rien ne sera arrivé,
sinon lavènement dun écriture
impressionnante de maîtrise pour un premier roman
[ ...]
Rien n'est arrivé, Sylvie Neeman
Romascano. Editions Denoël, Paris 2001.
Isabelle Rüf
SAMEDI CULTUREL
Samedi 25 août 2001
Rien, ou peut-être tout,
dans un train italien
[ ...]
Le style - et pour une fois, il est
tout à fait évident- use de la répétition,
de la minutie, pour mieux ralentir ce qui pourrait être
une banale histoire d'amour et de morbidité. Ici,
c'est la rencontre fugitive, l'impression fugace, l'esprit
qui carbure sans arrêt, le doute permanent qui alimentent
l'écriture, le récit. Rien n'est arrivé
est une variation très personnelle sur le thème
de la solitude absolue, prométhéenne de l'humain.
[ ...]
un constat, plutôt, du temps
qui semble... passer, de nos vies abandonnées aux
caprices des chemins de fer italiens avec leurs retrards,
leur totale absence de normalité. le train comme
métaphore de l'existence. Certes, ce n'est pas une
première, mais il y a là une tonalité
qui donne sa force à une réelle écriture.
Rien n'est arrivé, Sylvie Neeman
Romascano. Editions Denoël, Paris 2001.
Jacques Sterchi
12.06.01
Page créée
le: 30.10.01
Dernière mise à jour le 30.10.01
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