Markus Werner
Langues de feu. Traduit de l'allemand par Brigitte
Hébert et Jean-Claude Colbus, Actes Sud, 2006, 189 pages
Télécharger la page en PDF
Retrouvez également
Markus Werner dans
nos pages consacrées aux auteurs de Suisse.
Markus Werner/
Langues de feu
|
ISBN: 2742762906
|
Thomas Clarin, jeune avocat
spécialisé dans les affaires matrimoniales,
se réjouit à l'idée de passer
le week-end de la Pentecôte au calme, dans sa
résidence secondaire du Tessin. A la terrasse
de l'hôtel Bellavista, il fait la connaissance
d'un homme entre deux âges nommé Loos,
un individu étrange, peut-être un fou.
Autour d'un repas, puis pendant quelques promenades,
leur conversation s'enflamme, tournant très
vite autour des femmes, du mariage, de l'amour, de
l'érotisme, de la fidélité...
L'ironie désenchantée et la légèreté
de l'un, l'humour noir et la lucidité cinglante
de l'autre - voilà tous les ingrédients
d'un échange riche et divertissant. Deux individus
pourraient difficilement être plus différents.
Les liens qui les rattachent l'un à l'autre
ne se révéleront qu'ultérieurement.
Grâce à une intrigue originale et à
un style tout en élégance, Markus Werner
s'impose désormais à un large public.
Markus
Werner est né en Suisse et vit actuellement
à Schaffhausen. Langues de feu est son septième
roman. Ses litres ont été traduits dans
une dizaine de langues et lui ont valu de nombreux
prix littéraires, notamment le prix Johann
Peter Hebel en 2002 et le prix Schiller en 2005. De
lui sont déjà parus en français
: A bientôt, Gallimard, 1994 ; Le Dos tourné,
Zoé, 1995 ; Renaissances, Actes Sud, 1999 ;
Laisse-moi, Actes Sud, 2001 ; L'Ami de Lesseps, Zoé,
2001 ; Zündel s'en va, Zoé, 2003.
Markus Werner, Langues
de feu. Traduit de l'allemand par Brigitte Hébert
et Jean-Claude Colbus,
Actes Sud, 2006, 189 pages
|
|
Lingue di fuoco (Langues
de feu), recente traduzione francese del libro di Markus
Werner Am Hang - che, uscito in tedesco nel 2004,
riscosse un notevole successo di critica e di pubblico nella
Svizzera tedesca e nei paesi germanofoni -, non fa l'unanimità
negli ambienti francofoni. Storia dell'incontro di due uomini
apparentemente molto diversi (Clarin, l'io narrante,
35enne avvocato, specializzato in affari matrimoniali, e
Loos, professore di lingue morte di mezza età), nella
calma Montagnola, il romanzo non ha la finezza e l'intensità
di Lasciami (Laisse-moi). Tanto che Elisabeth Vust,
riprendendo l'incipit del libro, conclude così il
suo commento: " "Tutto gira", ma senza mai
dare una vera vertigine".
|
|
Critique
par Elisabeth Vust |
Ce roman a connu un large succès lors de sa sortie
en allemand en 2004, tant auprès de la critique que
du public, tant en Suisse allemande que dans les pays germanophones.
" Le succès du livre tient surtout à
la façon dont l'auteur réussit à se
saisir d'un problème social d'actualité, l'inconstance
des rapports amoureux, tout en nous offrant un pur plaisir
littéraire ", notait Daniel Rothenbühler
dans son panorama de l'année littéraire alémanique
2004 (Feuxcroisés n°7). Cet enthousiasme
étonnait cependant Beat Mazenauer dans nos pages
(voir
la page consacrée à la version originale lors
de sa sortie), et intrigue à nouveau aujourd'hui,
au moment où paraît la version française.
Le titre original est Am Hang. En suisse allemand,
on dit qu'on est " am Hang " lorsque rien ne va
plus : impossible d'avancer ni de reculer, on ne peut plus
que tourner. Et justement le texte débute par : "
Tout tourne. Et tout tourne autour de lui ". Cet incipit
dicte son mouvement au récit dont la figure centrale
est " lui ", Loos. Autour de lui se concentrent
les pensées du narrateur, qui exécutent une
ronde qualifiée de vertigineuse par la plupart des
critiques alémaniques. Avis que ne partage pas Laurent
Wolf dans Le Temps (2 septembre 2006), où
il parle d'un " lourd vaudeville ", note que les
ressorts de l'intrigue sont " cousus de fil blanc ",
et que " là où l'on aimerait avoir le
choix entre les larmes et le rire, on a seulement l'impression
de la fabrication ". Le journaliste conclut son article
sévère en dévoilant le coup de théâtre
final - qui, en dépit d'indices fort voyants, ne
saurait être deviné dès le commencement
par le lecteur comme l'affirme le critique. Cette révélation
incite à enterrer le livre avant même de l'avoir
lu, d'avoir essayé de le laisser vivre en soi.
Deux hommes que tout semble séparer
se croisent dans ce roman. Evidemment, les apparences sont
trompeuses. Clarin, le narrateur, 35 ans, se sent comme
un poisson dans l'eau dans le monde contemporain ; Loos,
homme entre deux âges, est allergique à l'esprit
du temps présent. Il ne supporte ni le caractère
moutonnier de ses congénères ni la contamination
de la langue par l'économie. Clarin, avocat spécialisé
dans les affaires matrimoniales et célibataire endurci,
a l'intention de profiter du calme de sa résidence
secondaire au Tessin pour rédiger un article sur
le droit du divorce. Rédaction qu'il délaisse
pour écrire ce roman, le récit de sa rencontre
avec Loos, professeur de langues mortes et virulent pourfendeur
des dérives de la société. Mouvementée
et imprévisible, tantôt tendue, tantôt
conviviale voire empreinte de complicité, la conversation
entre les deux hommes occupe deux longues soirées
bien arrosées d'alcool et d'ironie. Clarin émerge
de cet échange avec pour compagne la culpabilité.
La nature de sa faute oriente ce dialogue, où il
est notamment question du mariage, qui a été
une terre d'accueil pour Loos pendant douze ans.
Langues de feu, la version française du titre,
préfigure le châtiment, la punition que recherche
inconsciemment Clarin en s'asseyant à la table de
Loos, sur une terrasse de Montagnola au début du
week-end de la Pentecôte. Ce jour-là "
descendent des langues de feu ". Le débat entre
les deux hommes - deux beaux parleurs - nous rappelle que
la conversation est parfois un art. En suivant ces joutes
oratoires avec un plaisir mêlé d'irritation,
on croit d'abord avoir affaire à un grand livre,
de ceux qui mènent, grâce aux charmes de leur
écriture, où l'on n'a pas envie d'aller fouiller.
Hélas, la déception s'épaissit au fil
de la narration, qui sans être confortable ne "
déconforte " pas ; elle ne réveille pas
nos incertitudes et ne déplace pas non plus nos certitudes.
Ainsi assiste-t-on immobile à ce récit de
bourreaux et de victimes, qu'en voulant rendre plus inquiétant
Markus Werner a transformé en une banale histoire
de vengeance. Dommage ! La confrontation d'idées
entre les deux hommes contenait une charge qui aurait pu
résonner très fort avec nos vies.
La déviation des êtres et de la langue, la
fidélité conjugale et philosophique, la lutte
contre l'oubli, la résistance aux modes, l'impossibilité
d'un amour durable, les sentences et aphorismes, ces thèmes
et ingrédients wernériens se retrouvent dans
cette septième fiction de l'Alémanique, qui
varie de titre en titre la dose de burlesque versée
dans le désenchantement. Proche du ton de Laisse-moi
- où un pasteur adultère se défend
face à son père bavard quoique défunt
-, Langues de feu n'a malheureusement pas la subtilité
et l'intensité de cette malicieuse incantation, car
Markus Werner y force trop la roue du destin. Alors tout
tourne, mais sans vraiment donner le vertige.
Elisabeth Vust
Page créée le: 17.10.06
Dernière mise à jour le: 17.10.06
|
|
© "Le Culturactif
Suisse" - "Le Service de Presse Suisse"
|
|