Jean-Jacques Langendorf
Les Dictées de la tortue, Editions Zoé,
2005, 200 p.
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Jean-Jacques
Langendorf dans nos pages consacrées
aux auteurs de Suisse.
Jean-Jacques
Langendorf / Les Dictées
de la tortue |
ISBN 2-88182-524-9
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Ces nouvelles de Jean-Jacques
Langendorf sont des contes du secret. Du secret dÉtat
ou du secret intime, de sa révélation
surtout. Romancier et historien, lauteur ouvre
un monde où le fantastique se déploie
sur un fond historique et musical. Dans Les Dictées
de la tortue , cet animal qui a connu Napoléon
à Sainte-Hélène livre les derniers
états dâme de lEmpereur.
Dans un décors romain antique, le Destin dun
ours dénonce lopportunisme humain. Et
dans Brillantine, le destin dun pianiste devient
un hymne à la musique.
Fruits dune imagination flamboyante, ces nouvelles
font voyager le lecteur dans les dédales de
lâme humaine.
Tous les textes de Langendorf mettent en scène
un univers solide et minutieux quune piqûre
dépingle dégonfle comme une baudruche.
On traverse ainsi une uvre tissée de
vivants et de morts, ceux des champs de bataille,
ceux qui trouvent une fin absurde, tous ceux qui meurent
pour rien et nous enseignent à repenser le
monde en dehors des stéréotypes.
Jean-Jacques
Langendorf vit à Dross, près
de Vienne. Il est historien et notamment directeur
détudes à lInstitut de stratégie
comparée de Paris.
Jean-Jacques
Langendorf, Les Dictées de la tortue, Editions
Zoé, 2005, 200 p.
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Interview
de Jean-Jacques Langendorf (Brigitte
Steudler) |
Jean-Jacques Langendorf, dans
la nouvelle qui donne son titre au recueil que vous venez
de publier aux Editions Zoé, Les Dictées
de la tortue, vous vous plaisez à faire parler
la tortue que Napoléon aurait connue de son vivant.
Pouvez-vous nous éclairer sur les circonstances qui
vous ont amené à imaginer une si surprenante
histoire ?
Ces tortues de Sainte Hélène,
Napoléon les a effectivement connues, le dernière
étant morte il n'y a pas très longtemps, si
je ne me trompe pas. Mais l'idée de cette nouvelle
m'est venue autrement : une revue littéraire parisienne
m'ayant demandé une contribution pour un numéro
consacré au thème " cercle ", je
me suis mis à réfléchir ou, plus exactement,
à emmagasiner l'idée dans un coin de mon cerveau.
Et un beau jour, le thème était là,
la nouvelle était pratiquement écrite dans
ma tête. C'est d'ailleurs presque toujours ainsi que
cela se passe chez moi. Il suffit généralement
d'un " détonateur " insignifiant - un mot,
une odeur, un événement futile - et le texte
" explose " très rapidement pour prendre
forme. A partir de là j'écris très
vite, ne corrigeant presque pas.
Dans la nouvelle qui suit "Deux
tombes, un homme", enchaînant dans l'imprévisible
le plus total vous nous faites les témoins d'une
scène incroyable : le général Guisan
dévoilant au major Barbey n'être rien moins
que l'auteur des uvres de Charles Ferdinand Ramuz.
Quel a été votre secret dessein en rédigeant
un tel récit ? Susciter des réactions indignées
dans le monde littéraire romand ? Ou célébrer
à votre façon l'entrée de Ramuz dans
la prestigieuse collection de la Pléiade (prévue
pour octobre 2005) ? Cela va de soi que ceci ne sont que
de vagues hypothèses, seuls nous intéressent
ici vos propres motifs...
Le déclic s'est produit comme
pour " Les dictées de la tortue ". Un ami
m'a signalé, incidemment, que Ramuz et Guisan reposaient
dans le même cimetière, à Pully. Le
lendemain matin déjà la nouvelle était
composée dans ma tête. Je n'avais plus qu'à
l'écrire. Je n'ai pensé ni au monde littéraire
romand, dont je suis très éloigné,
et encore moins à l'édition de la Pléïade.
Mais cette nouvelle m'a aussi permis de rendre tant soit
peu l'ambiance qui régnait en Suisse durant ces mois
resplendissants de mai-juin 1940, alors que les chars allemands
déferlaient sur la France. C'est une époque
qui me fascine. En fait l'histoire procède d'un fantastique
qui est celui de E.T.A. Hoffmann ou de Gogol, deux auteurs
qui, dans ma jeunesse, m'ont fortement influencé,
influence particulièrement sensible dans mon premier
recueil de nouvelles, Neuschwanstein sur Mer publié
en 1978.
Enfin, plusieurs de vos nouvelles
abordent l'éblouissement et l'intensité des
émotions que chacun d'entre nous a pu vivre dans
son jeune âge, avec en plus dans " Histoires
de livres " la découverte passionnée
et dévorante de la lecture. Vous semblez avoir gardé
un rapport très fort avec votre enfance, que pouvez-vous
nous en dire ? Pourriez-vous évoquer les titres des
lectures qui ont le plus marqué votre jeunesse? Ou
sont-ils ceux mentionnés dans cette nouvelle dont
la fin, paradoxalement, relève d'un sentiment proche
de la superstition qu'on peine à imaginer être
vôtre
Jusqu'à ces dernières
années, je ne me suis guère préoccupé
de mon enfance. Elle a été passablement agitée,
aventureuse et heureuse. Mais maintenant, elle s'impose
à moi, à travers des images d'une précision
extraordinaire. C'est là un phénomène
bien connu : plus on se rapproche du cercueil et plus le
berceau s'affirme ! Enfant solitaire, qui avais une horreur
quasi physique de l'école (et qui faisais preuve
d'un indéniable génie inventif pour ne pas
y aller), j'ai été un grand dévoreur
de livres, précisément ceux que je mentionne
dans la nouvelle " Histoires de livres ". Je me
suis englouti dans ces prodigieux récits pour la
jeunesse du XIXe siècle, corsetés dans leurs
splendides reliures-cartonnages qui font aujourd'hui les
délices des bibliophiles. Puis, vers vingt ans, tout
a changé. Cela été la découverte
foudroyante des Mémoires d'un Révolutionnaire
de Victor Serge, des Sept Piliers de la Sagesse
de T.E. Lawrence, du Kim de Kipling, de Guerre
et Paix de Tolstoi. Et ces lectures n'ont jamais été
innocentes, elles ont dirigé ma vie dans des directions
inédites : Victor Serge : attentat anarchiste contre
le consulat d'Espagne à Genève [auquel J.-J.
Langendorf a participé, ndlr] ; T.E. Lawrence
: départ pour le Proche-Orient ; Kipling, travail
dans la clandestinité ; Tolstoi : métier d'historien
militaire, etc. Mon installation en Autriche est certainement
due pour une bonne part à la lecture de Stifter.
Pour terminer, songeant aux nombreux
essais et études historiques dont vous êtes
par ailleurs l'auteur érudit, pourriez-vous nous
dire de quel personnage historique en particulier vous vous
sentez le plus proche?
Pour écrire mes deux volumes
consacrés à la vie et à la pensée
du général Jomini, j'ai vécu longuement
en osmose avec ce dernier, tout en conservant la distance
critique nécessaire, très nécessaire
même, à son égard. Disons donc Jomini
qui, grâce à son exceptionnelle longévité,
a traversé des époques fascinantes, se trouvant
au centre de ce qu'on appelait jadis " l'épopée
impériale ", d'abord comme général
français, puis comme général russe.
Mais, comme historien, comme stratégiste à
la vive intelligence, il a sans cesse cherché à
dépasser l'événement, s'efforçant
de comprendre en profondeur les mécanismes du devenir
historique et de la guerre. Bref, il a su réfléchir
à ce qu'il avait vu.
Il y aurait bien entendu aussi Jeanne d'Arc, dont je m'occupe
beaucoup actuellement. Mais il faut bien y réfléchir,
car mourir brûlé à dix huit ans, hum...
Propos recueillis par Brigitte Steudler
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Revue
de presse |
[
] [Jean-Jacques Langendorf]
récidive aujourd'hui avec Les Dictées de la
tortue, dix nouvelles diablement inventives composées
autour d'une énigme, et dont le retournement final
boucle le cercle ou s'achève sur une pirouette. "Des
histoires d'ours, on en sait et on sait", disait Charles-Albert
Cingria. Celle que raconte Langendorf retrace, avec une
belle virtuosité dans la variation répétitive,
le destin séculaire de cet animal totémique,
de sa forêt originelle de la Pannonie romaine où
il porte fièrement son patronyme d'Ursus au nounours
offert à Noël à deux enfants qui le martyrisent
avant de l'envoyer rejoindre les épluchures et les
papiers gras d'une poubelle. Le conteur inscrit ses histoires
non seulement dans le temps, avec une prédilection
pour le XIXe siècle, mais aussi dans la durée.
Avec lui, le lecteur s'étonne, se prend à
rêver, va de surprise en surprise, ne distingue plus
bien la fiction de la réalité: ainsi dans
l'étrange "Mort d'Albéric Magnard",
où tout ce qui est dit de ce compositeur qui fut
l'élève de Vincent d'Indy est parfaitement
véridique quant aux faits, mais nourri des considérations
personnelles de l'auteur. [
] S'il arrive au conteur
de forcer le trait, parfois jusqu'à un grotesque
parfaitement assumé (par exemple dans "Brillantine"),
il sait aussi faire preuve de légèreté
en suggérant plus qu'il ne dit. Promenade songerie
sur la vie, la fuite du temps, la mort douce, "Le géant
de l'Apennin" tisse des correspondances entre des lieux
et des temps différents, grâce au souvenir
de Guerre et paix qui surgit sur fond de
motoculteur.
Chez l'auteur, le rapport à l'enfance semble essentiel
avec ses longues rêveries, ses intuitions premières
et ses lectures fondatrices. Ce sont elles qui irriguent
le conte initiatique "Les Yeux bandés",
la quête existentielle d'"Histoire de livres"
et surtout l'extraordinaire méditation sur un tableau
du Titien de "Torture: travail d'esthète".
[
]
Isabelle Martin
30.05.2005
Dix nouvelles sans véritable
fil rouge apparent. Si ce n'est la lecture de l'une d'elle.
Qui s'apparente moins à une nouvelle qu'à
une confession. Voire une mise en abyme de toute l'oeuvre
fictionnelle de Jean-Jacques Langendorf. Cet historien militaire
reconnu explique, dans "Histoire de livres", les
trois ouvrages qui ont déterminé tout son
imaginaire: Mickey aviateur, Le cirque Piccolo, et Reine
des Corsaires. Dans les livres, on remonte le temps. Celui
d'une histoire. Celui d'une invention. La fiction dégonfle
les secrets. D'Etat ou intimes. Ecrire, c'est pouvoir tout
faire. Tout articuler. Transfigurer la chronologie, la logique,
la raison. Bien avant le cinéma et le savoir, ce
sont les illustrations, les dorures des couvertures, les
couleurs de celles-ci, la magie de ces histoires fantasques
ou pseudo-héroïques qui ont modelé durablement
l'imaginaire de celui qui devient à son tour passeur
de mots. [
]
Jacques Sterchi
16.04.2005
L'esprit du conte est incessamment
menacé par le besoin de tout ramener à l'ordinaire
et à l'utilitaire, comme le rappelait Dino Buzzati
dans une nouvelle où l'on voit, tout mélancolique,
le Croquemitaine errer nuitamment de fenêtre en fenêtre
en espérant effrayer un peu les mioches, lesquels,
mal éduqués par des parents gravement positivistes,
ne croient plus en lui. Horreur de penser que la formule
magique d' " il était une fois " ne puisse
plus réunir les hommes sous l'arbre à palabres
Or voici ressurgir cet immémorial génie
des peuples qui inspira les conteurs de toutes les cultures
- de Gilgamesh à Kipling ou des légendes recueillies
par Grimm, Astafiev, Calvino, ou Ceresole en terre vaudoise,
entre tant d'autres, aux contes romantiques ou fantastiques
d'un Edgar Allan Poe - dans une suite réellement
extraordinaire (au sens premier) de nouvelles bousculant
à vrai dire toutes les conventions du conte, sous
un titre invoquant magiquement un Animal totémique:
Les dictées de la tortue.[
] De plus en plus
libre et fou, comme un constructeur de " folies ",
le conteur culmine dans l'extravagance profonde (jamais
gratuite, mais ne craignant pas le gros trait) avec Brillantine,
superbe évocation de l'effondrement d'un talent d'artiste
contaminé par l'envieuse médiocrité
; et le thème de la source de l'art, mêlant
grâce et sacrifice, élévation et trivialité,
est repris dans l'étonnante Torture: travail d'esthète,
autour de l ' Ecorchement de Marsyas du Titien ; et la place
nous manque pour détailler la tragique et belle Mort
d'Albéric Magnard, opposant les règles de
l'art et de la guerre ou l'épatante Histoire de livres,
savoureux hommage au vice impuni célébrant
la formule " il existe, mais je ne l'ai jamais vu !",
en passant par le cri de guerre de Mickey (" Ah
! je suis content d'avoir une mitrailleuse ", le
saint pollen de poussière de la librairie Jullien
à Genève ou Les sept piliers de la sagesse
Folle sagesse enfin de Langendorf, styliste dans
la masse, écrivain romantique de torrentueuse énergie,
lansquenet de la plume que, pour l'essentiel, porte l'esprit
du conte. A cheval, ami lecteur !
Jean-Louis Kuffer
12.04.2005
Page créée le: 09.09.05
Dernière mise à jour le: 09.09.05
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