Olivier Gaillard
Redites, roman (Lausanne, L'homme qui
rit, O.Gaillard éditeur, 2003)
Ch. de Haute-Brise 18, 1012 Lausanne,
GaillardO@freesurf.ch, fax
021 728 38 31
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Olivier Gaillard
dans nos pages consacrées aux auteurs de Suisse.
Olivier
Gaillard / Redites |
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Deux personnages sont occupés
à lire le manuscrit d'un roman, que nous découvrons
à travers leurs commentaires, leurs sarcasmes,
leurs enthousiasmes. Peu à peu ces deux lecteurs
nous dévoilent des parcelles de leur vie, de
leur caractère, de leur intimité, en
même temps que l'intrigue du roman prend corps
:
Il y a un juge, un vieillard,
qui se balade sur des chemins de montagne entre Anzeindaz
et Derborence, dans la Broye vaudoise, du côté
des vignobles neuchâtelois. Il lui prend une
lubie, celle de se lancer dans une enquête imaginaire.
Il se pique au jeu, perd les pédales.
Il y a aussi un adolescent
tourmenté, mal dans sa peau. Incapable de profiter
de l'amour que lui voue Mélanie, il va se livrer
finalement à un pervers qui, sous ses dehors
de gourou bienfaisant, n'attendait qu'une proie consentante
pour exercer ses étranges talents.
Quant à Louise, la quarantaine,
malmenée par la vie, un évangéliste
lui offrira son aide, prenant dans son existence une
place de plus en plus importante.
Redites,
roman L'Homme qui rit, Olivier Gaillard éditeur,
Ch. de Haute-Brise 18, 1012 Lausanne, GaillardO@freesurf.ch,
fax 021 728 38 31.
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Olivier
Gaillard répond aux questions de François Debluë |
Entretien
J'ai été frappé
par l'originalité et la liberté de votre récit.
Pourriez-vous en deux mots caractériser votre projet
?
A vrai dire ce récit est le
résultat d'une longue gestation. Au départ,
il y avait l'idée d'un roman noir qui aurait tressé
plusieurs " destins " en torsade : personnages
qui vivent en même temps qu'ils ressuscitent ou réinventent
leur passé et se projettent dans l'avenir. Ils vivent
chacun pour soi, se développent comme des monades,
se frôlent parfois, se croisent, ici ou là
se rencontrent sans se reconnaître, jusqu'au final
tragique. Et puis c'était vraiment très sombre,
cette histoire de femme trop crédule, d'adolescent
qui se laisse envoûter par un psychopathe, et ce vieillard
qui réalise trop tard qu'il détient peut-être
le moyen de les sauver. J'ai eu envie d'introduire une distance
ironique, de la drôlerie moderne : c'est le rôle
de ces deux " rediseurs " qui sélectionnent
et commentent les passages les plus marquants d'un manuscrit
qu'on ne connaît finalement qu'à travers leur
regard et leur système de valeurs.
Pourquoi avoir choisi ce titre de "Redites"
? N'a-t-il pas une valeur programmatique ?
C'est vrai. C'est une manière
de souligner l'importance de la composition, de la forme.
Le titre original devait être Le
Dépeçage. Un tel titre aurait fait
référence à la fois au contenu anecdotique
du roman (un dépeçage a bel et bien lieu dans
l'histoire racontée) et au travail de relecture auquel
se livrent les deux " rediseurs ", qui décortiquent
le texte. Mais je n'aimais pas l'aspect aguicheur de ce
titre. Finalement, Redites
m'a paru plus modeste, plus vrai : dire, c'est trop souvent
redire, et même nos vies ressemblent souvent à
un ressassement, à la copie de comportements déjà
recopiés. Qu'avons-nous vraiment inventé de
neuf depuis l'Iliade et l'Odyssée, depuis les tragédies
grecques ? Et pourtant, la redite peut être source
de plaisir, elle peut être inventive, amusante, ironique,
poétique.
L'histoire que vous racontez est une
histoire grave, violente
Je me suis amusé à
raconter une histoire horrible, telle qu'on peut en lire
dans la presse, dans la rubrique des faits divers : des
personnages qui se laissent manipuler, qui s'abandonnent
au charme maléfique d'un pervers. Le seul qui semble
être en mesure d'empêcher le désastre
est un vieillard dont la démence sénile progresse
rapidement. Le romancier est aussi un manipulateur. Quand
on se laisse captiver par une histoire, on s'abandonne.
Dans Redites, c'est difficile,
parce que vous avez ces deux " rediseurs " qui
vous rappellent constamment le caractère artificiel
du récit. Cela peut paraître frustrant, mais
j'espère avoir réussi à ce que cette
frustration soit compensée par un plaisir d'une autre
sorte
Dans ce récit, vous malmenez
quelque peu le lecteur : on finit par ne plus très
bien savoir si les événements racontés
ont bel et bien eu lieu ou s'ils sont le fruit de l'imagination
de tel ou tel personnage
En effet. Le roman démarre
un peu comme tout roman (même si les deux " rediseurs
" soulignent, dès les premières pages,
notre propension à imaginer, à échafauder
des romans), et assez rapidement, il y a des glissements,
des bizarreries qui transgressent le contrat de confiance
que le récit traditionnel passe avec le lecteur.
En fin de compte, il semble bien que toute l'histoire ne
soit que le fruit d'une rêverie, d'un délire
à partir de quelques ingrédients très
ordinaires : deux noms sur une tombe, un fait divers relaté
dans le journal du matin, des réminiscences de lectures,
de vagues souvenirs d'enfance, des ragots et des rumeurs,
des paysages, et le corps qui ne se laisse pas oublier.
François Debluë
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Article
de Jean-Bernard Vuillème |
Des " Redites " énigmatiques
Après " Judith ",
un roman étrange, mais d'une facture classique (L'Aire,
1998), le Vaudois Olivier Gaillard est de retour avec des
" Redites " rompant allégrement les amarres
du récit traditionnel.
L'originalité est au rendez-vous,
aussi bien quant au choix narratif potentiellement riche
opéré par l'auteur que dans la forme fuyant
tout dialogue avec ses innombrables retours-à-la-ligne-tirets,
des phrases globalisantes, parfois tarabiscotées,
presque sans ponctuation dans leur espace propre. Le titre
de ce roman, "Redites", doit être pris littéralement.
Le narrateur redit un texte (un roman) qu'il a lu (ou écrit?)
à un auditeur passionné, insatiable, et qui
ne se prive ni de questions ni de commentaires. Mais le
narrateur est intransigeant, il ne veut pas s'écarter
du texte, refuse toute digression, tout commentaire qui
ne trouverait pas en lui sa source. Exercice fictif d'exégèse?
Non, car il faut sans cesse résumer le texte premier
et s'y tenir, quitte à sauter les descriptions lancinantes,
les détails inutiles, mais il n'est pas question
d'interpréter. C'est au lecteur de "Redites",
en somme, qu'est confiée cette tâche délicate,
s'il en a envie.
Entre les remarques et questions
de l'auditeur Paul (brièvement remplacé par
une certaine Janine) et les réponses ou les non-réponses
du narrateur intransigeant, rivé au texte, naît
un espace narratif insolite et souvent truculent. Quant
à nous autres, pauvres lecteurs, il n'est pas vraiment
facile de nous laisser prendre à une histoire qui
n'en pas vraiment une, que cela tienne à l'illisible
texte premier ou à la manière dont le narrateur
le restitue. Nous sommes en revanche sommés de nous
demander ce que raconter veut dire, et, par conséquent,
de nous interroger sur notre passion pour la littérature.
"Redites" s'offre comme une double énigme.
C'est pourquoi, à mon sens, "l'histoire"
importe peu. Il y a bien des personnages, comme ce vieux
juge accroché à ses souvenirs bientôt
pataugeant dans les conséquences imprévisibles
d'un mensonge anodin (intéressante piste romanesque),
un adolescent tourmenté et autodestructeur, une quadragénaire
traumatisée par des abus sexuels subis dans l'enfance,
son odieux fils (quelle méchanceté!) ou encore
un de ces pernicieux gourous toujours prompts à faire
main basse (un vrai dépeceur) sur les jeunes ou moins
jeunes gens mal dans leur peau au point de croire au paradis.
Une sorte d'intrigue sous-jacente devrait nouer les fils,
mais le récit se dilue dans trop de ruses et de sous-entendus,
comme si le narrateur et son auditeur Paul nous oubliaient
un peu dans leur complicité.
On peut enfin s'étonner que
ce texte, novateur par-delà ses lacunes, n'ait pas
trouvé éditeur à son pied, comme s'il
n'était plus vraiment possible de risquer un pas
hors des sentiers battus à moins de susciter quelque
unanime consentement justement antinomique avec les risques
de l'exploration.
Jean-Bernard Vuillème
Une version raccourcie de cet
article a paru dans le quotidien
(édition du 23 mai 2003).
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Redites
par Pierre Lepori |
Roberto Roversi, grande poeta italiano,
da anni rifiuta di scendere a patti con il mondo editoriale.
Minuscoli editori, fogli ciclostilati, plaquettes
d'autore, tali sono i forzieri entro cui la sua poesia si
deposita. Questo dovrebbe insegnarci a non essere sospettosi:
ma tant'è, quando un libro arriva sul nostro tavolo,
il suo autore si chiama Olivier Gaillard e l'editore "L'homme
qui rit, Olivier Gaillard editeur" il volumetto
color crema rischia di non esser neppure sfiorato. E' ai
veri editori che compete il compito di scremare, scegliere,
pre-masticare quel che davvero dobbiamo leggere, ci diciamo.
Ebbene no, in questo caso il nostro snobismo è bell'e
scornato. REDITES di
Olivier Gaillard è sì un romanzo pubblicato
"à compte d'auteur",
ma non per questo è meno originale ed elettrizzante.
Certo: è sperimentale, sulla linea dei Perec, dei
Queneau e con un occhio a Milan Kundera. C'è un certo
Paul che legge un manoscritto (un palinsesto) e lo commenta
con il narratore (che gli risponde al condizionale). Nella
scriptio inferior si
muovono i personaggi, guatati con ironia ma senza cinismo:
una donna mai ripresasi dalla violenza carnale subìta,
un giovane rimbaud abbindolato da una setta omicida, soprattutto
un giudice in pensione che - per non venir meno a un'occasionale
menzogna - s'inventa storico di una famiglia fittizia dal
passato oscuramente cruento. Ognuno dei personaggi scrive
a sua volta, e soprattutto il giudice, che è l'affabulatore
per antonomasia: va a sapere che non sia lui l'autore del
palinsesto. E' ovvio che questo gioco di specchi alla Peter
Greenaway (nutrito di sottili riferimenti alla letteratura
svizzera) può reggersi soltanto su una grande perizia
di stile. E che, come sempre, non è tanto il metaromanzo
a contare, ma la possibilità di cogliere comunque
un baluginante frammento di "verità". Una
verità, sia detto per inciso, che è una scheggia
di specchio dalla rifrazione volubile. Quando la decostruzione
romanzesca è così spinta, come dicono i francesi
"ou ça passe ou
ça casse": e alla fine della lettura
ci si rende conto che passa, passa benissimo. C'è
una corrente sotterranea, d'umanità e triste sarcasmo,
una musica interna che accoglie il lettore, un temperamento
vero di scrittore, insomma, a tenere in piedi la complessità
strutturalista. Elettricità umana che fa riuscire
a Olivier Gaillard una prova narrativa notevolissima.
Pierre Lepori
Rete2 - RSI
Page créée le: 22.08.03
Dernière mise à jour le 08.10.03
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