Frontière ouverte
Je suis une frontière
Route de Chêne, Florissant ou Malagnou
Ni d'un côté, ni de l'autre
Je divise et rassemble.
Je suis une frontière
naturelle ou construite
lisière courbe, ligne droite
À l'orée de Nancy, au détour
d'un bosquet.
Tu me vois d'en haut sur le papier
topographique
Ou de côté, comme un obstacle dressé
entre deux rives
Oserais-tu voir mes dessous ?
Je suis une frontière,
Je ne perds ni la face, ni le Nord
Je serpente mélancolique aux Arpillières
Je badine romantique du Pré Moineau à
La Chaumière
Les méandres de la Seymaz
balisent ma commune.
Aux confins d'un territoire, si je déborde,
je fais la une.
Enceinte bienveillante, je suis la marque d'un contour.
Refuge au tracé arbitraire
Frontière culturelle ou mentale,
Au seuil de l'altérité, je protège
et j'enferme
Je cultive mon paradoxe.
J'aime dessiner, délimiter
un champ, patriotique parfois
Au gré de ma fantaisie, de mes audaces, de
mon support
Rivière, route ou rail,
Je déambule, pèlerinage sentimental
entre Conches, la Gradelle et Grange Canal.
Je suis la frontière
Je ne suis ni pour ni contre
Protestants et catholiques
M'ont foulé de leur piédestal
S'encoublant sur leurs divergences de vue,
Courte parfois.
Mon Dieu, dis-moi, toi qui es là-haut
Où est la différence ?
Je suis la frontière
Protectrice ou geôlière
Je ne suis qu'une vue de l'esprit, mal tourné
pour certains.
Je me place là, entre deux pôles, ni
blanc, ni noir,
Juste là pour agacer les langues et les rhétoriciens.
Je viens déranger les
habitudes
Ebranler les certitudes.
Valeur refuge, plaisir des transfuges
Je suis la frontière
Ni d'en haut, ni d'en bas
En terrain neutre, si vous voyez ce que je veux dire
!
Je me grise à l'idée de jouer des tours
aux géographes, historiens et politiciens.
S'ils prenaient la peine de lever mon voile
Mais je crois que seuls les poètes, les sorcières
ou les simples d'esprit
Savent que sous mes pieds, l'herbe me chatouille du
même vert.
Je suis la frontière
Tangente fertile,
Je sépare, donc j'attire
Je suis le mur du désir
Je suis la tentatrice
Dans ma nature séparatrice
J'appelle à l'unisson le chant des destinées
Car enfin là pour être transgressée.
Seuls les hardis osent m'enjamber
Et s'enrichir de la nuance
Même si je cache bien mon jeu,
Symbolique, il est vrai, je reste subversive.
Stimulatrice d'éveil,
je titille la curiosité
Joie des explorateurs, missionnaires et téméraires
Je suis la frontière virtuelle,
Tels les barreaux d'une fenêtre, j'inspire l'évasion.
Je ne suis une limite que pour
les esprits bornés
Car je suis l'horizon de tous les possibles
Hymen généreux pour qui sait rêver
Voie toujours libre vers le ciel.
Marche présente entre
hier et demain
Limes subtiles scindant l'avant de l'après.
Lieu de passage ou de rencontre
Centre de ralliement, tel le Manège
Point de départ vers un nouvel ailleurs.
Toi qui as de l'esprit et les
idées larges,
Tu sais que je ne suis qu'un trait
D'union entre les curs, les âmes et les
vies humaines
Et qu'un pas suffit pour dépasser la peur
Ou l'insécurité que j'engendre, bien
malgré moi.
Nous sommes tous faits de frontières
Peau, galbe ou trait surligne un visage
Et fait la beauté du voisinage.
Nous sommes peuple de frontières
Enclavés de bornes territoriales
Et Chêne-Bougeries ne faillit pas à la
règle
Si féconde de la démarcation.
Ô toi, Chênois d'aujourd'hui
Souviens-toi d'hier et pense à demain
Qu'as-tu fait de tes frontières jalonnées
de charme,
Grillagées de chemins, ruelles ou impasses.
Continue de marquer ton territoire,
Ne te dépossède pas de tes valeurs
Mais saches admirer celles des autres.
Tends la main par-dessus mon
bras
Et tu verras comme il est simple d'aller vers l'inconnu
lorsque tu t'y autorises.
Car enfin, lever les frontières
ne sert à rien
Si l'interdit subsiste !