Actuellement sur le Cultur@ctif
L'invitée du Mois : Marie Fleury, Coordinatrice du projet « 4+1 traduire übersetzen tradurre translatar » - A la Une : Federico Hindermann (1921-2012) - Les Livres du mois : Daniel de Roulet : "Fusions" - Jack Perrot : "rue rost" - Monique Schwitter : "Goldfischgedächtnis. Erzählungen" - Marie-Jeanne Urech : "Le chat qu'il tenait en laisse comme un chien" - the Worst aWkWords, Mai Chiuso (1) Occhio - Les Inédits : Pierre-Alain Tâche : "Tout n'est pas divisé" et Yasmine Char : "Le Palais des autres jours"

 
retour page d'accueil


Nicole Taubes

Notice biographique - Bibliographie -
Extrait de La Nef des fous
(Sébastien Brant, traduction Nicole Taubes, José Corti 2004)

Autres pages sur la traductrice :

Rubrique Livres du mois
Lena


  Notice biographique

Nicole Taubes est née à Paris où elle obtient tout d'abord une licence de biologie à la Sorbonne. Désirant s'imprégner de la langue et de l'histoire allemandes, elle postule et obtient (1962) un poste de " Diplomantin " à l'Institut für Allgemeine Biologie, à Berlin-Est. Elle restera 12 ans dans cette ville, mais changera de profession et trouvera très vite son "véritable but, la destination secrète de son voyage" comme elle le dit elle-même, i.e. la traduction. D'abord la traduction technique, ou généraliste, mais depuis 1992, membre de l'Association des Traducteurs Littéraires de France, Nicole Taubes se consacre entièrement à la traduction littéraire et obtient en 1998 le prestigieux Prix Gérard de Nerval de la traduction, décerné par la Société des Gens de Lettres à l'occasion de la parution de sa traduction chez José Corti de La Nef des fous de Sébastien Brant, ouvrage qui connaît en 2004 sa 2e édition.

Irène Weber-Henking

 

  Bibliographie


Traductions publiées depuis 1992

Editions Belles Lettres - Eduard Mörike, ouvrage bilingue Gedichte/Poèmes, 2010.
   
Editions Gallimard - Thomas Mann, Tonio Kröger, Col. Folio-bilingue, 2003.
- Hanna Johansen, Lena, Col. Du monde entier, 2005.
- Robert Walser, Petits textes poétiques, Col. Du monde entier, 2005
   
Editions José Corti - Wilhelm Hauff, La caravane suivi de Le cheik d'Alexandrie
- Sebastian Brant, La Nef des fous, 2004. (édité avec le concours du Centre National du Livre)
- Stanislas Przybyszewski, Messe des morts
- Bonaventura, Les veilles (édité avec le concours du Centre National du Livre)
- Dames & Messieurs sous les mers/ de Christoph Ramsmayr
(à paraître)
   
Inverview radiophonique France Culture - Alain Veinstein (Surpris par... la nuit)
Participation à la série d'émissions consacrées à Robert Walser du 1er au 5 janvier 2007.
   
Editions Mille et Une Nuits - Thomas Mann, La Loi
   
Editions Albin Michel - Heike Geißler, Rosa, Editions Albin Michel, 2006
   
Ed. Aubier/Flammarion - Clemens Brentano, Les Trois Noix et autres récits
  (édité avec le concours du Centre National du Livre)
- Ludwig Tieck, La Foire, suivi des Choses superflues de la vie
  (édité avec le concours du Centre National du Livre)
   
Editions Flammarion - Michael Kleeberg, Le roi de Corse (roman)
- Martin Gülich, L'étreinte
   
Editions Pygmalion - Claude Cuéni, Le grand jeu (roman) à paraître
   
Editions Stock - Eugen Drewermann, Quand le ciel touche la terre
   
Editions Du May - C. Hellsberg, Grandes heures de l'Orch. Philharmonique de Vienne
   
Editions Le Cerf - Heinrich Heine, Le Livre des chants, 1999
- Heinrich Heine, Poèmes tardifs, 2003
- Collectif, Catalogue de l'exposition du bicentenaire de H. Heine à Paris sept 1997
- Heinrich Heine, Ecrits autobiographiques
   
Maison Heinrich Heine - Christine Koschel, 12 poèmes
   
Revue Europe - Robert Walser, Le lettre de candidature (prépublication)
- Klaus Schlesinger, La vie en hiver, récit (extrait).
- Adolf Endler, En adieu à Klaus Schlesinger, éloge funèbre, Berliner Zeitung
   
Editions Austral - Michael Kleeberg, Pieds nus (roman, rééd. 2004 chez Denoël)
   
Revue Caravanes
avec les Editions Phébus
- Wilhelm Graabe, Episodes de la vie du petit maître d'école Michel Haas
   
Editions Premières Pierres - C.G. Carus, Voyage à l'île de Rügen, sur les traces de C. D. Friedrich
  (édité avec le concours du Centre National du Livre)
   
Ed. de la Maison
des Sciences de l'Homme
- Gert Kaiser, Vénus et la Mort (essai, anthologie des illustrations du thème),
  (avec le concours du Centre National du Livre et de Inter Nationes Bonn)
   
Editions Könemann - Collectif, L'Egypte, sur les traces de la civilisation pharaonique
   
La Revue germanique internationale / P.U.F. - Société Herder, Quatre conférences du colloque Goethe cosmopolite, Paris 1999
- Etude de W. Müller-Seidel, Critique de la science - Origine de la modernité en littérature
  et partition des cultures dans les années 1900

- Article de M. Steinfeld, La critique philologique et la notion de culture élargie (FAZ)
- Conférence de Friedmar Apel, Kleist et le paysage romantique allemand
   
Ed. Jacqueline Chambon - Keto von Waberer, Sœurs (roman, sorti en août 2003)
- Keto von Waberer, L'ennemi dans le blanc des yeux, Editions Jacqueline Chambon, 2005
   
Editions Privat - Ahlrich Meyer, L'Occupation allemande en France
   
Editions du Musée d'Histoire
de la Ville de Luxembourg

- Catalogue et cartels de l'expo "Incubes, succubes, sorcières et bourreaux"2002
  (Contributions d'historiens allemands et luxembourgeois spécialistes du temps :
  Rita Voltmer, Franz Irsigler, Michel Pauly, Herbert Eiden, Johannes Dilliger, Boris Fuge,
  Othon Scholer, Elisabeth Biesel, Gunther Franz)
- Catalogue et cartels de l'expo Lave-toi, Sei sauber, Be clean, une Histoire de l'hygiène
  et de la Santé publique en Europe
, 2004, Catalogue édité par Wienand-Verlag
- Catalogue de l'expo "Attention Tziganes!" (mars à octobre 2007)

   
Wienand-Verlag - Lothar Romain & Heike-Catherina Müller, Martin Engelman, Catalogue raisonné
  des estampes
   
Revue Annales - Friedrich Wilhelm Graf, Protestantisme et culture dans l'Allemagne du XIXe s.
   
Revue Les Temps Modernes - Stefanie Endlich, Les grands projets du paysage mémoriel de Berlin
   
Collège de France - Ludolf Kuchenbuch, La seigneurie rurale du haut moyen âge. Un paradigme toujours ouvert
  Quatre conférences prononcées au Collège de France les 7, 14, 21 et 28 mai 2002)
   
Revue l'Âne - Interview du philosophe Odo Marquard
   
Revue Po&sie 58

- Reinhard Priessnitz, Poésies
- 5 poèmes de Christine Koschel et 2 poèmes de Lisa Mayer, traduits pour le Forum de la   Poésie Liège SEP 2005

   
Revue RBL - Traduits de l'italien: Jolanda Insana, Poèmes choisis
   
ORF Landesstudio Kärnten (Radio autrichienne) - S. Mohafez, La Marée rouge, un inédit pour le Prix Ingeborg-Bachmann 2008
   
Fondation Robert Walser Bienne (Suisse) anniversaire Deux textes pour le volume d'inédits à paraître pour le 30e anniversaire du Prix Robert-Walser
- Incipit d'un prochain roman, inédit, "sans titre"/ Werner Fritsch
- Inédit "En retard" / Ueli Bernays


Autres Traductions

Théâtre de l'Odéon (Paris)

- Bernd Sucher, Les Passions de Bernd Sucher : Henrik Ibsen
- Bernd Sucher, Tchekhov et passions : le sourire sous les larmes

   
BEL AIR MEDIA
(société de post-production)
- Interview de Franck Welser-Möst (chef d'orchestre Suisse) pour sa direction de
  "Rosenkavalier" de Richard Strauss, oeuvre représentée à l'Opéra de Vienne en 2004


Prix

Prix Gérard de Nerval de la traduction de la S.G.D.L. 1998 à l'occasion de la parution de la Nef des Fous (Ed. J. Corti)

 

  Extrait de La Nef des fous


De qui ne prévoit la mort

Rang, biens, vigueur, belle jeunesse
Sont-ils, Mort, à l'abri de toi ?
Tout, de ces bienfaits de la vie,
Est mortel et disparaîtra.
Comme on se leurre, chers amis
Qui jouissons de la vie sur terre
Car qui d'entre nous songe à temps
À Mort, qui ne nous oublie guère ?
On nous l'a dit, nous le savons :
En nombre fini sont nos heures
Mais du terme ne savons rien !
La Mort à nul n'a fait merci
Il faut mourir, il faut qu'on passe
Comme l'eau disparaît sous terre.
Pour ce, nous sommes de vrais fous
De ne songer, en tant d'années
Que Dieu nous donne à cette fin,
De notre mieux à préparer
Notre heure et apprendre à mourir
Car il n'est pas d'échappatoire.
Bu déjà, le vin sur l'achat :
Impossible de se dédire ;
Premier jour signait le dernier
Et qui créa le premier homme
Savait bien la mort du dernier.
Mais la folie veut nous leurrer
Et nous empêche de penser
Que Mort devra nous emporter
Sans épargner nos blonds cheveux
Nos verts lauriers et nos couronnes.
Faucheur 1 a nom Jean-sans-merci
Car fauche qui il a saisi,
Fût-il robuste et jeune et beau,
Lui apprend l'étrange culbute
Qu'aussi je nomme mortel saut
Lui vient alors froide sueur
Se raidit, se tord comme un ver,
Et part pour le final assaut.
Ô Mort tu es toute-puissante
Tu emportes jeunes et vieux !
Ton nom a grande dureté
Pour nobles, puissants et lignées,
Plus pour celui à qui sont tout
Terrestres biens, sa seule joie!
La Mort franchit d'un pas égal
Seuil de vilain, porte royale :
Par même faste rend seigneur,
Pape, pareils au paysan.
Est fou celui qui pense fuir
La Mort que nul homme n'évite,
Qui ses grelots bien fort agite
Pensant passer hors de sa vue ;
Qui naît, vit à la condition
Qu'un jour il devra repartir
Qu'est voué, promis à la Mort
Dès que l'âme quitte son corps.
Sous même loi, la Mort emmène
Tout ce que Vie a effleuré :
Tel part, et tel reste plus tard,
Mais nul ne demeure à la longue
Et qui vécut jusqu'à mille ans 2
Il dut bien partir à son temps.
Robe n'est pas encore usée
Qu'un fils déjà succède au père ;
Avant son père, tel autre meurt :
Certains ne font pas de vieux os.
Chacun meurt, à chacun son tour,
Bon gré, mal gré, on passe un jour.
Tels autres signent leur folie
Qui font trop grand deuil à leurs morts
Se plaignent qu'ils soient en repos
À quoi pourtant chacun aspire.
Car nul n'arrive là trop tôt
Où il vit son éternité.
Pour certains c'est un grand bienfait
Que Dieu tôt les rappelle à lui.
Parfois Mort vient au bon moment
Épargnant angoisseux tourments.
Tant ont d'eux-mêmes Mort hélé
D'autres l'ont vue en gratitude
Venir avant d'être priée :
Pour libérer maint prisonnier
De sa geôle continuelle.
Bonheur sépare riche et pauvre
La Mort leur rend la parité ;
Elle est un juge impitoyable
Et voudrait-on la supplier.
Elle est salaire universel,
Nul ne peut s'en croire épargné.
À nul ne doit obédience -
Il faut lui emboîter le pas
Il faut la suivre dans sa danse !
Rois, empereurs, évêques, papes,
Et clercs et lais 3, qui d'eux pensait
À danser si tôt la gaillarde
Devoir si tôt entrer en branle
Pour la gigue et le westerwald 4 ?
S'il y avait armé son cœur
N'aurait trépassé malement.
Or est défunt maint insensé
Pour son tombeau tant mis en peine
Qui pour lui a tant dépensé
Que postérité s'émerveille :
Ainsi le tombeau qu'Artémise
Édifia pour le roi Mausole
Bâti, orné à si grands frais,
Avec tant de munificence,
Qu'il est au nombre des merveilles
Comptées à sept de par le monde ;
Aussi les tombes de l'Égypte
Qui ont pour nom les Pyramides
Et Chemnis 5 vivant fit sa tombe
Où mit sa fortune et ses biens
Où furent trois fois cent mille hommes
À l'ouvrage et soixante mille
À qui donna herbe en fourrage 6
(Leurs autres mets ne saurais dire),
Quel de nos princes aurait richesses
À payer de nos jours autant !
Et Amasis qui fit de même
Et comme lui fit Rhodopis 7.
Quelle grande folie du monde
Que d'avoir eu telles largesses
Pour des trous où l'on va jeter
Cendres en sac, les os d'un fou 8
Et pour bâtir à si grands frais
Un palais pour loger les vers
Lorsque pour l'âme on ne fait rien
Qui a pourtant vie éternelle !
Qu'importe à l'âme riche tombe
Ou bien la stèle de beau marbre
Ou l'écusson, heaume, oriflamme ;
À quoi bon graver dans la pierre
"Ci-gît un seigneur à blason !"
Un crâne est le digne écusson,
Qu'aspics, crapauds, vermine rongent,
Blason de gueux ou d'empereur ;
Qui descend là le ventre gras
Nourrit plus longtemps ses emblèmes,
Sur sa tombe on vient s'étriper
Amis pour son bien s'entre-tuent
Car chacun veut le tout pour soi.
Les diables sont sûrs de leur âme
La tiennent déjà triomphants
La font passer d'un bain à l'autre
De grand-froidure à feu ardent.
Humains ! où est l'entendement
Si ne faisons cas de notre âme
Prenant soin du corps seulement ?
La terre est bénie toute en Dieu
Y gît en paix qui mourut bien.
Le ciel recouvre maint défunt
Qui n'a pas eu même une pierre.
Peut-il rêver gîte plus beau
Qui gît sous le regard des astres ?
Dieu à temps réunit ses os.
[L'âme n'a point joie d'un tombeau] 9
Qui mourut bien a noble tombe
A pire mort qui meurt impie.

(Sébastien Brant, la Nef des fous, Ed. José Corti, 2e éd. 2004)

1. "Faucheur" n'est pas dans le texte, nous l'avons ajouté pour expli-citer le pronom, "er ", pronom masculin référé, trois vers plus haut, à "der dot", "la Mort" qui est de genre masculin en allemand, et rendre plausible le nom que Brant donne à l'allégorie : "hans-acht-syn nit".
2. Comme les patriarches bibliques.
3. Ce chapitre particulièrement inspiré est la contribution de Brant au thème médiéval richement illustré de la Danse macabre. On pense à Villon, Le Testament, v. 305 à 312 : "... prêtres et laiz / Nobles, vilains... Petits et grans, et beaux et laiz... De quelconque condicion... Mort saisit sans excepcion".
4. "Das er muoß dantzen an dem gzotter / Den westerwelder vnd den drotter", où sont énumérés plusieurs noms de danses populaires du temps, dont une du Westerwald, région montagneuse de la Rhénanie, peut-être une sorte de gavotte.
5. Pour Khéops.
6. Selon Hérodote, pour la pyramide de Gizeh, Khéops aurait dépensé 1.600 talents d'argent en aulx et oignons.
7. Hérodote, Histoires : "Après sa mort on l'avait [Amasis] embaumé..." III, 10, et "À Saïs, il construisit... des propylées admirables... il consacra aussi de grands colosses et d'énormes sphynx..." II, 175 et suiv. - Rho-dopis [une courtisane] arriva en Égypte... elle gagna beaucoup d'argent mais pas assez pour... une aussi grande pyramide [que celle d'Ama-sis]." Ibid., II, 134. Référ. Indiquées par Zarnke, Komm. p. 431.
8. Voir aussi les vers 14 à 19 du Chap. 54.

Page créée le 13.12.04
Dernière mise à jour le 20.07.10

© "Le Culturactif Suisse" - "Le Service de Presse Suisse"