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Walter Weideli

Notice biographique - Bibliographie - Entretien avec Walter Weideli

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Rubrique Editions
La Partie d'échecs


  Notice biographique

Walter Weideli est né à Genève en 1927 d'une mère allemande et d'un père suisse allemand. Il obtient une licence ès lettres de l'Université de Genève en 1950. L'année suivante, il entre comme rédacteur du Journal de Genève. Il quitte le journal en 1969 après en avoir dirigé pendant dix ans le supplément culturel et se consacre essentiellement à la traduction et à l'écriture. Il a collaboré à plusieurs médias (télévision, radio, presse écrite) et a publié dans plusieurs revues. Il a travaillé pour Pro Helvetia et la SACD. Depuis 1978, il vit à Sainte-Innocence (France), où il a entamé en 2001 la rédaction de ses mémoires, Mémorial de Sainte-Innocence.

 

  Bibliographie

La partie d'échecs : récit, Editions de l'Aire, 2010.

Traductions

Le grand nombre de traductions et de textes inédits signéés "WW" (en vue de représentations théâtrales par exemples) rend difficile un catalogue exhaustif. Nous donnons ici tous les titres publiés, ainsi que les textes inédits dont nous avons eu connaissance. (Ndlr)

Friedrich Dürrenmatt, A ma patrie, et Le Théâtre est d'abord un jeu, in Europe N°381, 1961.

 
Herbert Meier, Le talent au pouvoir, Neuchâtel, La Baconnière, 1969.
 
Robert Walser, L'homme à tout faire, Lausanne, Le Livre du mois, 1970; Lausanne, Le Livre du mois, 1970; Lausanne, L'Age d'homme, 1975, 2000.
 
Ludwig Hohl, Tous les hommes presque toujours s'imaginent, Lausanne, Rencontre, 1971; Lausanne, L'Aire, 1981, 2003.
 
Friedrich Dürrenmatt, Play Strindberg, Paris, Gallimard, 1973.
 
Friedrich Dürrenmatt, La ville et autres proses de jeunesse, Paris, Albin Michel, 1974, 1988, 1997 ; Lausanne, Ex Libris, 1975 ; Lausanne, L'Age d'homme, 1981.
 
Friedrich Dürrenmatt, La chute d'A., Paris, Albin Michel, 1975.
 
Kurt Guggenheim, Mon grain de sable, Vevey / Lausanne, Bertil Galland / Ex Libris, 1975.
 
Friedrich Dürrenmatt, Sur Israël, Paris, Albin Michel, 1977.
 
Friedrich Dürrenmatt, Le mariage de monsieur Mississippi, Lausanne, L'Aire, 1979.
 
Pavel Kohout, L'exécutrice (en collaboration avec Milena Braud), Paris, Albin Michel, 1980.
 
Friedrich Dürrenmatt, La panne, Paris, in L'Avant-scène-théâtre N°757, 1984.
 
Herbert Meier, Bräker ou le Songe d'hiver, Lausanne, L'Age d'Homme, 1984.
 
Elias Canetti, Jeux de regard, histoire d'une vie 1931-1937, Paris, Albin Michel, 1987.
 
Elias Canetti, Le coeur secret de l'horloge, Paris, Albin Michel, 1989.
 
Friedrich Dürrenmatt, Le Chien, Le Tunnel, La Panne, traduit par Walter Weideli et Amel Guerne, Genève, Zoé, 1994.
 
Elias Canetti, Le collier de mouches, Paris, Albin Michel, 1995.
 
Elias Canetti, Notes de Hampstead, Paris, Albin Michel, 1997.


Oeuvres dramatiques

Le dossier Chelsea street, 1961. [Dramatique TV, 1ère version créée par Claude Goretta à la Télévision suisse romande ; 2ème version créée par Marcel Bluwal à la Télévision française.]
 
Réussir à Chicago, 1962. [1ère version créée par François Simon au Théâtre de Carouge ; 2ème version créée par Jean-pierre Dougnac au concours des jeunes compagnies, Paris.]
 
Un banquier sans visage, Lausanne, La Cité, 1964. [Créé par Jean Vilar au Grand-Théâtre de Genève, Musique de Pierre Wissmer.]
 
Eclatant soleil de l'injustice, Lausanne, Rencontre, 1968. [Créé par William Jacques à la Comédie de Genève.]
 
Les anges frappent avant l'aube, 1969. [Dramatique créée par Roger Bruckhardt à la Télévion suisse romande.]
 
La fusillade en réponse à Dostoïevski, 1972. [Dramatique dédiée aux écrivains soviétique Amalrik/Bukovski/Guinsbourg/Iakir. Créée par Claude Goretta à la Télévision suisse romande. Reprise par les télévisions française, belge et canadienne. Version radiophonique créée par la Radio suisse alémanique.]
 
Chicago crime & crash, 1976. [Créé par Jean-Pierre Dougnac au Théâtre de l'Est parisien (TEP); musique d'André Dubost.]
 
Agonie et résurrection d'Henri Dunant, 1980. [Spectacle vidéo crée par Jean-Jacques Lagrange à la Télévision suisse romande.]


Essais

Bertold Brecht, Paris, Ediitons universitaires, 1961.
Bertold Brecht, tradotto da G. Lasazio, Torino, Borla, 1964.

 
Moine aujourd'hui, [avec des photos d'Erling Mandelmann], Paris, Cerf, 1986.
 
Ces enfants blessés, [avec des photos d'Erling Mandelmann], Lausanne, Construire, 1993; Zürich, M, 1993.

 

  Entretien avec Walter Weideli


Un passeur dicret

par Arno Renken

Le public francophone associera peut-être le nom de Walter Weideli aux traductions françaises de Dürrenmatt, Walser ou Canetti. Mais le rôle de passeur de Weideli a endossé n'est pas à chercher uniquement dans la traduction. Pendant des décennies, il a oeuvré à favoriser les échanges littéraires, que ce soit comme critique, écrivain, traducteur ou membre d'institutions telles que Pro Helvetia et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques. Traversant ainsi tous les registres de l'écriture, le travail de Walter Weideli s'ancre profondément dans la vie littéraire suisse des cinquante dernières années.

Et pourtant, cette présence a quelque chose d'une absence. Acteur important du paysage littéraire, Weideli se place toujours en retrait, comme s'il n'était là que pour laisser passer un autre. Il y a chez lui une volonté de s'effacer et de créer l'illusion que sa propre contribution à la culture s'est faite sans lui. Une conséquence de cette attitude est que Weideli ne tente pas de s'approprier la notoriété des auteurs qu'il traduit. Ainsi, alors que la traduction d'Elias Canetti semble constituer un couronnement de sa carrière de traducteur, Weideli ne cherche pas à profiter des lauriers du Prix Nobel de littérature.

Ce qui se dessine ici comme une éthique du traducteur apparaît aussi à un autre niveau : la volonté affichée par Weideli de traduire un texte au fur et à mesure qu'il le lit. Cette démarche, qui peut surprendre au premier abord, est une exigence méthodologique, et plus encore : elle met au jour l'exigence éthique de ne pas maîtriser d'emblée tous les paramètres d'un livre, et de se lover dans la figure de l'auteur pour en suivre pas à pas le cheminement créatif 1.

Se posant en créateur presque invisible d'un texte déjà créé, Walter Weideli est ainsi un passeur par excellence, qui a su faire communiquer les littératures sans s'imposer. Ici, juste une signature marque la présence du passeur discret : WW.

- Walter Weideli, vous avez longtemps vécu à Genève et avez exclusivement traduit de l'allemand vers le français. Quels sont vos rapports avec ces deux langues ?

- Je suis né à Genève, mais mes deux parents étaient germanophones ; mon père parlait le suisse allemand, ma mère l'allemand. En famille, nous parlions tantôt l'allemand, tantôt une sorte de zurichois. Plus tard, l'école puis la études m'enracinèrent dans la culture genevoise ; les discussions entre amis et dans la famille se déroulaient de plus en plus en français, langue qui devint ainsi rapidement ma langue active. Ce n'est en définitive qu'à l'université que l'allemand m'est apparu comme une langueà part entière, non plus un simple instrument pour communiquer, mais un moyen d'expression élaboré et subtil. Cette conception de l'allemand m'est restée grâce à la traduction et aussi parce que, travaillant au Journal de Genève, j'ai pu entretenir des contacts avec des journalistes et écrivains suisses allemands.

- Quand on considère votre parcours, on remarque que votre engagement pour la littérature s'est situé à plusieurs niveaux : critique, écrivain traducteur. Vous avez aussi travaillé pour Pro Helvetia et la Société des auteurs compositeurs dramatique (SACD). Quels liens faites-vous entre ces différentes activités ?

- Economiques d'abord. Je ne pouvais pas supporter qu'un patron parle à un auteur comme à un minus et lui propose des prix minus ! Donc, je me suis battu autant à la SACD qu'à Pro Helvetia pour que cette situation change. Je me souviens que les Éditions de l'Age d'Homme avaient fait une collection de poche d'auteurs suisses. En voyant le dossier, j'étais à l'époque à Pro Helvetia, j'ai fait remarquer que les auteurs ne gagnaient rien alors qu'en France ils touchaient au moins 5%. On m'a répondu que les écrivains étaient déjà assez fiers d'être édités en livre de poche sans qu'on les paie pour ça. Dans chaque domaine dans lequel j'ai travaillé, j'ai essayé de favoriser le travail des écrivains et d'améliorer leurs conditions de vie. Je ne suis pas certain d'avoir eu beaucoup d'impact... au moins aurai-je essayé.

- A ce propos, vous avez quitté la Suisse alors que vous vous y étiez extrêmement engagé. Pour quelles raisons ?

- Il est vrai que je suis venu m'installer en France, à Sainte-Innocence, quand les affaires marchaient bien. Je traduisais, j'étais joué, je travaillais à Pro Helvetia et à la SACD, et tout à coup, j'ai eu envie de partir. Pour beaucoup de raisons. D'abord, on voulait me mettre dans toute une série de comités. C'est la manie suisse : quand on a trouvé un gras qui sort un peu de l'ordinaire, on le met partout. Je me suis dit que ce n'était pas essentiel et que je ne voulais pas rester des années dans des institutions qui changeaient énormément... et pas nécessairement dans le sens que j'espérais. Enfin, ma femme et moi avions découvert cette maison à Sainte-Innocence. Pour nous, c'était idyllique, un coup de foudre ! Comme traducteur, je n'étais pas lié à un lieu de travail. L'occasion était unique pour prendre des distances par rapport à l'atmosphère qui régnait en Suisse.

- Comment en êtes-vous venu à la traduction ?

- A vingt ans, j'ai traduit le texte de Novalis Die Christenheit oder Europa. J'étais convaincu que je n'aurais aucune peine à trouver un éditeur pour publier cette traduction. Il n'en fut rien, évidemment. Brecht a eu le même effet sur moi. J'ai alors traduit Puntila sans plus de résultats... J'ai bien traduit quelques textes pour le Journal du Genève, mais c'est surtout après avoir quitté mon activité journalistique, donc à partir de '69, que j'ai traduit des oeuvres plus longues, comme celles de Herbert Meier, Robert Walser ou Dürrenmatt. Surtout, c'est là que j'ai décidé de vivre de mon activité de traducteur.

La transition s'est faite très vite. J'avais quitté le Journal de Genève pour des raisons politiques. Les responsables m'avaient laissé une totale liberté pendant des années. On m'avait bien averti de faire attention à ce que je disais et écrivais : j'étais un journaliste de gauche dans un journal de droite. Après que ma pièce Un banquier sans visage fut jouée à Genève, ils ont décidé de me virer. Ils ne l'ont pas fait parce que cela aurait fait de moi un martyre. Toujours est-il que, quand j'ai écrit un article sur un écrivain castriste, ils l'ont immédiatement retiré et ils ont exigé que je leur soumettre tous mes futurs articles. Ils savaient que je n'accepterais pas ces nouvelles conditions et m'ont ainsi poussé à la démission.

Quoi qu'il en soit, une fois, l'annonce de mon départ faite, le quotidien La Suisse s'est immédiatement jeté sur moi pour faire la nique au Journal de Genève. Ils m'ont demandé de faire un interview de Dürrenmatt et c'est lors de cet entretien que Dürrenmatt m'a demandé de traduire ses oeuvres. C'est comme ça que je suis devenu traducteur "professionnel", pour ainsi dire.

- Pourquoi avoir principalement traduit des auteurs suisses ?

- Pour Dürrenmatt, tout est parti de cet entretien dont je viens de parler. La chose, s'est donc faite très naturellement et un peu par hasard... En ce qui concerne les autres auteurs helvétiques, les raisons étaient principalement d'ordre économique. Evidemment, étant donné que je voulais vivre de mon travail de traducteur, je ne pouvais plus commettre les erreurs naïves que j'avais faites en traduisant Novalis et Brecht. Je ne traduisais un livre que si on me le demandait, et, bien sûr, quand c'était convenablement payé. Je ne voulais pas courir le risque de traduire et de ne pas être publié. La publication d'auteurs suisses bénéficiait d'un soutien important de la part de Pro Helvetia, sans lequel même un Dürrenmatt à ses débuts n'aurait jamais passé la barrière linguistique. Plus tard, la Collection ch a joué un rôle analogue, mais j'en ai moins bénéficié parce que toute une nouvelle génération de traducteurs a repris le travail. Toujours est-il que le soutien de ces institutions a permis de décharger financièrement les éditeurs qui publiaient des auteurs suisses et j'en ai moi-même profité.

J'ai quand même pu choisir certaines oeuvres. C'est le cas notamment de L'homme à tout faire de Walser. J'en avais déjà parlé dans le Journal de Genève alors qu'il était encore peu connu en Suisse romande. J'ai soumis le projet à l'éditeur romand et à celui qui avait publié le texte allemand et tout le monde a été d'accord. Si je parle de ça, c'est qu'il s'agit probablement de la traduction qui m'a le plus marqué. Bien sûr, vous subissez toujours l'influence de ceux que vous traduisez. Mon style s'est à chaque fois enrichi d'une sensibilité supplémentaire. Mais Walser a été pour moi exceptionnel. L'Homme à tout faire est d'une formidable spontanéité et ça m'a ouvert de nouveaux horizons. J'étais marxiste, j'avais vu l'effondrement de la révolution hongroise, de la révolution tchèque... Je ne savais plus exactement où j'en étais. Je trouvais alors chez Walser un esprit totalement ouvert, une capacité naïve d'accepter ce qui lui arrive.

Il m'en est venu une philosophie et c'est pour ça que je tiens beaucoup à cette traduction. Je ne l'ai jamais relue mais ça a été une moment marquant dans mon existence. Je me souviens d'un moment : il faisait gris, j'étais en train de traduire "es schneit" et, en levant les yeux, je voyais la neige qui tombait... c'était magique.

- Votre travail de traducteur a-t-il transformé votre rapport à la langue ?

- Oui. En particulier mon rapport à l'allemand a changé. Avant que je traduise, l'allemand était une langue que j'utilisais simplement pour communiquer avec certaines personnes de mon entourage. Elle m'étais utile simplement pour parler, mais sans que j'en aie une réelle conscience. C'est cet aspect qui changea plus tard. De langue que je parlais, l'allemand est devenu la langue que je traduisais ; quelque chose, si je puis dire, de plus sacré...

- Et ce travail a-t-il eu une incidence sur votre conception de la littérature ?

- Oui, absolument. Sur la lecture plus particulièrement. Voyez-vous, c'est une chose importante : je n'ai jamais lu un livre avant de le traduire. Jamais. Lire un texte avant d'en rédiger la traduction m'embêtait. Si vous lisez un livre à l'avance, vous vous faites déjà une idée avant d 'être mêlé à la matière du langage. En ce qui me concerne, je voulais refaire le chemin de l'auteur, marcher dans ses traces. Je suivais ses hésitations, retrouvais ses difficultés, les moments forts, les moments faibles. Je découvrais ainsi un livre à mesure que je le traduisais, et ceci transforme totalement votre rapport au texte.

Quand je traduisais, je prenais le rythme de l'auteur. Je crois que je prenais presque autant de temps pour traduire que l'auteur pour écrire. Je lisais et traduisais une phrase après l'autre et à chaque fois un problème se posait. A chaque ligne, vous devez penser aux mots que vous avez lus. Vous ne pouvez plus vous contenter d'une lecture habituelle, superficielle. Traduire une phrase me fait pénétrer les richesses de la langue beaucoup plus qu'une lecture normale. Et pas seulement les richesses. Il faut être sensible et reproduire ce que j'appelle le "halo des mots". Peu de traducteurs y parviennent. Il s'agit de sentir le mot allemand, le sentir avec toutes ses significations, ses nuances. C'est à ce moment que l'on sent son rapport avec les autres mots. Sentir ces choses-là est peut-être le principal bénéfice du traducteur bilingue.

Pour en revenir à la question de la lecture : aujourd'hui je lis bien du Goethe de temps à autre. Mais les auteurs que j'ai traduits, je les laisse de côté. Quand j'ai fini de traduire un auteur, si je n'ai pas une autre traduction à faire de lui, je l'oublie, je ne le lis pus...

- Pourquoi ?

- Je me demande pourquoi... Vous savez, j'ai été longtemps économiquement dépendant de la traduction. Il ne faut pas oublier que je vivais de ce métier. Quand vous êtes obligé de consacrer huit heures par jour à votre travail de traducteur, quand vous devez respecter des délais souvent serrés, vous n'avez pas le temps de lire autre chose.

Mais il y a peut-être une autre raison qui touche à ce que nous venons de dire. Comme je traduisais à mesure que je lisais, chaque auteur me faisait découvrir de nouveaux horizons. Pendant le temps que durait la traduction, j'intégrai totalement un nouveau regard : je pensais comme Dürrenmatt ou je pensais comme Walser. Je m'oubliais. Je ne pouvais pas écrire et traduire en même temps, car la traduction est déjà un travail d'écriture. Traduire et écrire, c'est la même chose. Du coup, il y avait une interférence. J'ai vraiment vécu mon travail de traducteur comme un écrivain qui est libéré du souci de l'invention et peut ainsi se concentrer sur l'écriture elle-même.

- A propos du rapport entre auteur et traducteur, dans les textes que vous avez consacré à votre travail de traducteur apparaît un souci constant de laisser la figure de l'auteur intacte et de vous placer en retrait...

- En fait, quand je traduis, je disparais en tant que Walter Weideli. Je n'ai pas envie qu'un lecteur qui lit mon texte ait l'impression que c'est une traduction. J'accorde beaucoup d'importance à l'écriture. Je veux être fidèle et arriver à une telle perfection d'écriture que le lecteur pense que l'oeuvre est en français. J'ai remarqué tardivement, en discutant avec des étudiants, que l'élément moteur de mon travail était la musique. Je sens d'abord quelque chose de musical que je dois rendre. Mais il est vrai que je dois moi-même m'effacer pour laisser parler l'auteur. C'est un état de grâce qui dure le temps de la traduction. Il y a une jouissance particulière que j'ai surtout ressentie en traduisant Walser. Et il y a une sorte de vibration de satisfaction au moment où l'on trouve le mot juste.

- Comment évaluez-vous votre contribution à la littérature suisse ?

- Je ne suis sûrement pas à même d'en juger. J'ai en tout cas toujours essayé de faire de mon mieux, quelle que soit l'activité. Finalement, j'espère avoir aidé à créer des échanges à chaque fois : par mes articles, des rencontres et, bien sûr, par la traduction.

1. Cette façon de procéder n'est pas aussi rare qu'on pourrait le croire, Colette Kowalski et Etienne Barilier, par exemple, procèdent de la même manière. Voir par exemple à ce sujet l'entretien entre Colette Kowalski et Isabelle Rüf, "Traduire, comme d'autres jouent aux billes..." dans Feuxcroisés n°4, p. 210; et l'entretien entre Etienne Barilier et Isabelle Rüf, "Les harmoniques du sens", Feuxcroisés n°5, p. 224.

Arno Renken
Extrait de Feuxcroisés - N°6

 

Page créée le 09.03.05
Dernière mise à jour le 14.01.10

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