Thierry Luterbacher
Quidam, Bernard Campiche Editeur, 2006
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Thierry
Luterbacher dans nos pages consacrées aux auteurs de Suisse.
Thierry Luterbacher /
Quidam
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ISBN 2-88241-173-1
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Quidam, cest le
récit de lenfance de Calvin, choyé
par sa maison soleil. Quand il sera grand, il veut
«ne faire rien».
Il prend la route avec «deux amitiés
pour la vie», Héloïse, la coureuse
et Pierrot, le tueur. Magie de lenfance, dégoût
de lécole, amitié, amour, errance.
Quidam est un récit douloureux et pur,
dominé par une écriture lumineuse et
directe.
De linnocence à
outrance. On hésite à se laisser berner,
à se laisser bercer. Cette détermination
bien romande à se revisiter, à refuser
la réalité... Et puis on baisse la garde,
on cède «comme une pierre qui roule»
sur un air de Dylan. À partir de là,
lenchantement. Le narrateur, Calvin, celui qui
«est venu au monde sans pleurer», fugue
avec Héloïse Nuage, «un caramel
aux yeux de cannelle», et Pierrot, celui «qui
répare les pannes pour que la vie puisse à
nouveau rouler». Ensemble, ils endurent les
dix ans, défrichent le grenier, «ce cimetière
hanté par lâme des choses»,
lécole, ce lieu où «les
enfants apprennent les adultes par cur».
Le tout sur un ton cocasse et crédule, une
langue aérée et lucide. Thierry Luterbacher,
réalisateur, auteur et metteur en scène
de théâtre, avait reçu pour son
premier roman, Un cerisier dans lescalier,
le Prix Georges-Nicole 2001.
BLAISE HOFMANN, LHebdo
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Né en 1950, à Péry-Reuchenette, dans
la partie francophone du canton de Berne (Suisse), Thierry
Luterbacher est journaliste, réalisateur,
auteur, metteur en scène de théâtre
et artiste-peintre, Il a été l'élève
d'Antoine Vitez au Conservatoire d'art dramatique de Paris.
Père de trois enfants, Thierry Luterbacher vit à
Romont, près de Bienne, en Suisse romande. Son premier
roman a été primé sur manuscrit par
le Jury du Prix Georges-Nicole 2001, puis, après
sa parution, par le Prix 2001 de la Commission de littérature
française du canton de Berne et le Prix Saint-Valentin
2002. Un cerisier dans lescalier a également
été sélectionné pour le Prix
des Cinq Continents de la francophonie 2001, et est lauréat
2002 du Festival du Premier Roman de Chambéry.
Thierry Luterbacher, Quidam, Bernard
Campiche Editeur, 2006
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Présentation
de "Quidam" par Guillaume
Favre |
Quidam est le récit à la première
personne d'une conscience inquiète et malheureuse,
celle de Calvin Fluss qui vit chacun de ses pas vers le monde
des adultes comme un profond déchirement, une perte
progressive de soi. Durant les cinq premières années
de son existence, " à l'abri de [sa] vie protégée
et tranquille ", l'enfant s'adonne tout entier à
la contemplation et à la rêverie dans les bras
douillets de son entourage, dans le jardin de sa maison "
jaune soleil " ou sous ses " tipis ", libre
de devenir par l'imagination tout ce qu'il veut être
et d'inventer la vie secrète des choses. Au côté
d'Héloïse Nuage, fille des Iles à la peau
" caramel " qui a pour passion la course à
pied, Calvin trouve une camarade idéale pour monter
la nuit en expédition dans son grenier, ce " cimetière
hanté par l'âme des choses ", et aimer "
gratuitement ", c'est-à-dire sans cette rivalité
et cette quête de pouvoir qui gagnent déjà
ses camardes du jardin d'enfants sous l'influence des "
grands ". Pour Calvin, qui refuse de se projeter dans
un quelconque métier et avoue fièrement en classe
ne rien vouloir faire plus tard, l'inaction est une condition
essentielle pour déambuler dans sa tête et dans
ses rêves, pour préserver le jardin de l'enfance
des " ronces " de la vie adulte. Son entrée
à l'école sonne à ses oreilles le glas
de la " joyeuse insouciance de l'enfance ". L'école
devient pour l'enfant un champ de révolte et de résistance
contre le devenir adulte, cette " sale maladie "
qu'on cherche à lui faire contracter. Protégé
par son fidèle garde du corps et ami Pierrot Lacère,
Cal défie le monde des adultes et nourrit avec ses
deux compagnons atypiques le rêve de s'exiler dans un
ailleurs où chacun pourrait se livrer tout entier à
ses aspirations sans rien demander ni devoir à personne.
Il décide de cesser définitivement " d'appartenir
aux grands ".
A l'âge de l'adolescence, les trois amis décident
de partir à la conquête de leurs rêves,
d'un nulle part où s'exiler. Ils deviennent dès
lors des " quidams ", des êtres de passage
" sans but, sans direction, sans maison ", à
l'image de la chanson Like a Rolling Stone de Bob
Dylan qui inaugure le récit et de la peinture à
l'acrylique de l'auteur, intitulée Les Pas perdus,
qui illustre la couverture du roman.
Fidèle à son talent,
Thierry Luterbacher nous livre un troisième roman
poignant et subtil, parcouru par autant de légèreté
et d'exaltations que d'inquiétudes, de tristesse
et de révoltes. Au travers du regard lucide de Calvin,
l'auteur aiguise sa critique des mécanismes d'exclusion
d'un monde où l'esprit de concurrence et la course
à la réussite s'enseignent dès le plus
jeune âge sur les bancs d'école. L'écolier
se retrouve parfaitement inadapté et étranger
au mode de fonctionnement d'un système éducatif
fondé sur " l'orgueil de la réussite,
l'obligation d'être meilleur " au détriment
de toute créativité. Avant de représenter
aux yeux de l'enfant un choix, une position de retrait nécessaire
face au monde, être un " quidam " c'est
subir l'exclusion d'autrui : passer pour " l'idiot
de la classe ", être désigné par
" il " au sein du " corps enseignant "
et par " ça " dans les discours culpabilisants
de ses parents : " après tout ce que j'ai fait
pour toi " ; " mais qu'est-ce que j'ai fait au
bon Dieu pour mériter ça. " Dans un tel
monde, la poésie, " la dictée de l'imagination
", ne peut être que du côté de ceux
qui sont en marge, de ceux qui parviennent à préserver
l'" instinct de survie de l'enfance qui lutte contre
la mort de l'émerveillement " et contre "
le superflu de l'existence ". Les pensées et
les rêveries exaltées de Cal ainsi que ses
poèmes d'amour, qui ponctuent un bon nombre de chapitres
du roman, déploient une multitude de métaphores
lumineuses et audacieuses qui tirent leur force de leur
apparente simplicité. Si Luterbacher use de la métaphore
un peu excessivement, on s'émerveille, entre autres,
devant les sentences de Cal sur le monde des grands : "
Comme le lait, l'adulte est un enfant qui a tourné.
"
Le tour de force de l'auteur réside
peut-être dans le surprenant brouillage des genres
qu'il réalise dans son roman lors de la fugue de
Cal et de ses deux compagnons, Nuage et Pierrot. Si ce dernier
affirme froidement sur les bancs d'école vouloir
exercer plus tard le métier de " tueur ",
rien ne laisse imaginer que l'adolescent deviendra par la
suite un tueur en série. Le roman quitte donc en
cours de route les chemins qu'il avait balisés pour
nous plonger dans une aventure de plus en plus délirante
et inquiétante. Fini l'innocence attachante des trois
enfants rêvassant tranquillement sous leur tipi !
L'" avènement des rêves sérieux
" de Pierrot entraîne les trois amis à
s'élancer sur les routes sans lendemain de la vie
nomade, à la recherche de cette " terre à
personne " tant fantasmée. Loin de se résoudre
à tuer selon ses idéaux les " empêcheurs
de vivre " ou les " défectueux " (dont
la figure emblématique est pour lui le patron de
l'industrie qui a licencié son père), Pierrot
oublie vite son obscure révolte contre les injustices
sociales ainsi que son projet d'exil et sombre dans une
pure folie meurtrière où le crime s'élabore
comme une uvre d'art. Les rêveries contemplatives
et hédonistes de Cal tournent, quant à elles,
à l'obsession et le rendent complètement indifférent
au monde. Enfermé dans son univers intérieur,
Cal finit par perdre tout ancrage dans la réalité
et devient un être fantomatique, un " spectateur
" contraint de regarder les autres agir et d'observer,
sans réaction possible, ses liens d'amitié
se défaire. La volonté commune des trois adolescents
de se débarrasser du " superflu de l'existence
" pour vivre " l'intensité du vécu
" et la beauté de l'" éphémère
" au plus près de la nature et à l'écart
des hommes s'affaiblit, au fil de leur déambulation,
devant l'attrait des plaisirs éphémères
de la consommation, du luxe des belles voitures et des beaux
vêtements. " La belle insouciance [prend] des
rides. " Nuage, censée courir " contre
la course ", en vient à courir avec les paris
de Pierrot pour de l'argent. La quête de cette "
terre à personne " à travers les montagnes
prend des allures de road movie sous la direction de Pierrot
et aboutit dans un grand hôtel luxueux où ce
dernier et Nuage s'inventent des romances à l'hollywoodienne
tandis que Cal s'isole dans une profonde solitude. Si un
tour de passe-passe narratif semble justifier à la
fin du roman le tournant cauchemardesque que prend cette
histoire, ce " dérapage " romanesque ne
met pas moins le doigt sur les limites de nos rêves
et de nos idéaux, aussi bien sur les dérives
qu'ils peuvent engendrer que sur leur fragilité face
à une société marchande qui les pollue
ou les " massacre ", reléguant en marge
ceux qui persistent comme Cal à rêver autrement
qu'elle, au risque de s'égarer tristement derrière
leurs paupières. Reste le souvenir nostalgique du
vent de liberté qui soufflait dans l'esprit de Cal
au début de cette aventure.
Guillaume Favre
Page créée le: 13.06.06
Dernière mise à jour le: 13.06.06
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