Pascale Kramer
Les Vivants, Editions Calmann-Lévy,
98 F.
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Pascale Kramer
dans nos pages consacrées aux auteurs de Suisse.
Pascale
Kramer / Les Vivants |
ISBN : 2-7021-3126-3
|
C'est un
8 mai lumineux. Louise, son mari Vincent, son petit
frère Benoît, tous trois troublants de
jeunesse, d'inconscience et d'immaturité, sont
frappés par un drame effroyable.
A travers les yeux de Benoît,
Les Vivants tente de saisir la stupeur de cette fraction
de seconde où le destin bascule, et, au-delà,
le mystère, ou le scandale, de l'acharnement
de la vie.
Parcouru de bout en bout par
l'énergie d'une nature en plein été
et par la douleur muette de Louise, le livre pose
cette simple question : comment croire au pire quand
on est jeune et qu'il fait beau, et comment y survivre?
Née à Genève
en 1961, Pascale Kramer
vit et travaille à Paris depuis 1987.
Les Vivants est son quatrième roman.
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Article
de Hugo Marsan - le magazine littéraire |
Les Vivants
Enceinte à dix-sept ans mais
éperdue d'amour, Louise a refusé d'avorter.
Vincent l'a épousée. Huit ans ont passé,
ils ont deux fils, doux et fragiles comme leur trop jeune
mère. Divorcée, la grand-mère maternelle
vit avec son fils cadet, Benoît, qui aujourd'hui a
dix-sept ans. Une famille bancale se retrouve dans la chaleur
de l'été pour quelques jours de vacances ordinaires,
dans un pavillon de banlieue, à la lisière
des grands ensembles, entre un terrain vague et le parking
où se désagrège une station-service
abandonnée.
Aux antipodes de ce que cette présentation
schématique semble augurer, Les Vivants, le quatrième
roman de Pascale Kramer, n'est pas un document sur la jeunesse
actuelle, ni un réquisitoire gris sur la vie des
banlieues et surtout pas l'histoire glorieuse d'un petit
monde trop souvent idéalisé par ceux qui ont
eu la chance de le quitter. En marge de toutes les fictions
répertoriées, Pascale Kramer a écrit
une tragédie antique étouffée par les
pleurs. Seuls les gestes quotidiens et les propos banals
répercutent mezzo voce l'indicible des destins sacrifiés.
Le roman commence là où
tout finit. Quelques heures après l'arrivée
du jeune couple, Benoît et sa soeur conduisent les
enfants dans la gravière qui avoisine la maison.
Benoît installe les garçons dans la nacelle
du téléphérique qui jadis transportait
les pierres. Elle s'écrase contre un pylône.
Les enfants sont morts. Le refus de leur naissance - huit
ans auparavant - s'accomplit ; les anges, médiateurs
d'un bonheur possible, sont sacrifiés. Les Vivants
est le récit d'un deuil interdit de souffrance, la
mélopée sourde d'une culpabilité muette.
Louise irradie de douleur et de beauté,
heure après heure tendue vers le désir têtu
de réconcilier ses "hommes" avec la vie.
Vincent, le mari privé d'adolescence, fuit hors du
drame et entraîne Benoît, déchiré
entre une soeur qu'il adore jusqu'à absorber son
malheur et les promesses de renouveau qu'ose à peine
suggérer son beau-frère. La mère assiste
impuissante à l'anéantissement muet de ses
enfants.
La romancière sonde l'âme
meurtrie de jeunes gens qui n'ont jamais appris à
comprendre et à exprimer leurs émotions :
"Elle n'avait pas de mots pour consoler une peine pareille,
sans doute n'avait-elle même aucune idée d'un
tel degré de souffrance." Si la douleur ou le
plaisir s'inscrit directement dans la chair, la honte, la
solitude, l'espoir, le désir même ne peuvent
être perçus que réfractés par
le comportement des personnages amputés de parole
et qui s'épuisent en de vaines tentatives de communication.
Ils en crèveraient si leur extrême jeunesse
ne les portait vers la vie. C'est à ces survivants-là
que la romancière prête sa voix, des morts
prématurés qu'un long et trop cruel été
va finir par tirer vers un semblant d'espoir.
Tout l'art de Pascale
Kramer, écrivain magnifique et secret, est dans ce
miracle...
Tout l'art de Pascale Kramer, écrivain
magnifique et secret, est dans ce miracle : décrire
à l'état brut les gestes de tous les jours
et les métamorphoses permanentes du décor,
décrire les élans tronqués de l'amour
et ceux maladroits du plaisir, le mal-être des êtres
est saisi à travers les images brutales que Benoît,
le plus jeune, perçoit confusément. La romancière
décrypte avec minutie la tristesse et la rage de
ce guetteur coupable. mais pas d'exégèse.
D'où la cruauté souterraine de ce roman du
silence qui n'offre pas de baume salvateur.
Pascale Kramer a réussi le
pari d'un roman apparemment impossible. Dissoute dans le
paysage, anéantie dans le temps, diffusée
dans la mélancolie, la voix de l'écrivain
est le choeur d'une tragédie antique dont les héros
ne discernent pas la démesure qui les sauverait du
néant.
Hugo Marsan
magazine littéraire n°
391, octobre 2000
www.magazine-litteraire.com
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Article
de Monique Petillon - Le Monde |
Au-delà du désastre
Au scalpel, Pascale Kramer décrit
la longue traversée de la douleur où dérivent
ses personnages
Les romans de Pascale Kramer ont
la rigueur implacable des tragédies. Le pire y est
toujours sûr, que l'on y parvienne en fin de compte
ou qu'il faille, comme dans Les Vivants, l'affronter dès
les premières pages. Désastre, choc, chute
: un instant, "aussi bref qu'un coup de cymbale",
suffit à faire basculer des existences, à
laisser surgir, vivaces, les passions et les trahisons.
Un terrain vague où, parmi
les pompes "déracinées" d'une ancienne
station-service, le vent parsème de poussière
les fleurs de colza. En ce lieu indécis, une maison,
au bord de la nationale qui mène à la ville
de S. : c'est là que, entre une arrivée et
un départ, se joue le drame. En trois actes. Le premier
est le plus terrible. Louise revient chez sa mère
et son jeune frère Benoît, à qui la
lie une affection vaguement incestueuse. Louise, la plus
jolie fille de l'école, a épousé à
seize ans, "par étourderie, croyait-on",
l'agressif Vincent dont elle attendait un enfant : à
vingt-cinq ans, cette jeune mère au "charme
sauvage" voit périr ses deux fils dans l'effroyable
accident du téléphérique d'une gravière
désaffectée.
Dès lors commence une traversée
de la douleur, que chacun des personnages affronte à
sa manière : prostration ou colère ; divorce
entre l'âme, brisée, et le corps, qu'anime
une "énergie d'ogre", une vitalité
presque involontaire. Bientôt, l'important n'est plus
de chercher des responsabilités, des explications
possibles à l'accident, mais d'observer comment chacun
se débat contre le malheur. Pour Benoît, c'est
un sentiment d'irréalité, qui le pousse à
"se décharger d'un drame bien au-dessus de ses
forces". Tandis que sa mère tente de préserver
pour lui une "part même infime d'insouciance
pour plus tard quand il faudrait de nouveau songer à
vivre et pourquoi pas à être heureux".
Les grands-parents paternels sont
brisée par le chagrin et un "besoin de justice"
qui restera éternellement frustré. A la violence
hagarde du père, Vincent, s'oppose la léthargie
de Louise, sa douleur muette, somnambule, qui mine peu à
peu la "formidable santé de son corps mince"
et lui donne une grâce poignante de "madone"
- Louise, qui sent une clairvoyance extrême que sa
souffrance est devenue pour son entourage un fardeau, qui
se sait "de trop". Pascale Kramer analyse, au
scalpel, les disputes et les conflits intérieurs
où s'opposent tendresse et frustration, culpabilité
et désir de survie malgré tout. Tout se passe
dans la vacuité d'un été, où
l'oisiveté fait partie de ces "étranges
et douloureux bonheurs du deuil", dans le paysage désolé
du terrain vague où Benoît tente de rafistoler
un vieux side-car. En face, le vis-à-vis inattendu
d'une caravane à l'auvent coloré fait signe
que la vie, le départ sont peut-être encore
possibles.
Il n'y a rien à juger : ni
les "sourires fêlés" de Louise, sa
passivité entretenue par les calmants, sa façon
de "s'accrocher au souvenir d'un bonheur rêvé",
ni l'égoïsme féroce, inexorable des autres.
Tantôt soudés comme des rescapés, tantôt
enfermés dans une solitude qui atteint ce "degré
de cruauté à partir duquel plus rien ne compte,
pas même le bonheur des autres", ces vivants
à la dérive, au-delà du désastre,
au-delà de la conscience du bien et du mal, cherchent
vainement à retrouver leur "virginité
d'avant le drame".
Monique Petillon
15.09.00
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Extraits
de presse |
La mort dans l'âme
"... Que devenir après
la mort de ces jeunes enfants qui vous sont nés trop
tôt mais que vous aimiez si fort? Comment rester vivant
quand vous êtes amputé d'une part de votre
chair ? Avec une troublante douceur, sans l'ombre d'un voyeurisme
ni d'une complaisance, Pascale Kramer observe la douleur
de ceux qui se laissent couler dans le malheur ou rament
au contraire désespérément vers ce
qu'ils imaginent être la lumière et la vie...
Elle a l'art de saisir un geste, un regard, un désir,
la couleur d'un ciel ou le poids de la canicule. Car, nous
dit-elle, n'est vivant que celui qui éprouve dans
son corps du désir. Désir de vivre certes,
mais aussi désir de l'autre, du monde, du futur...
Loin des clichés larmoyants, de la morale ordinaire,
de la provocation malsaine, la romancière suggère
qu'il est une survie possible après la mort de l'autre.
Elle nous donne à voir les errances, les faux pas,
les maladresses de ces garçons - Vincent et Benoît
- foudroyés par le malheur et la culpabilité,
mais qui s'accrochent à un objet, à un corps
offert et désirable, à une chanson, à
un projet, à un voyage en guise de salut. Fuir le
malheur pour se sauver..."
Michèle Gazier
Télérama
n°2644
13 septembre 2000
Comment vit-on après ça?...
"... Comment vit-on après
ça, avec ça, c'est ce que raconte Pascale
Kramer dans ce roman suffocant. Elle épie les premiers
gestes maladroits du père, de la mère, de
l'oncle, de la grand-mère. Les paroles étranglées,
les hurlements, les silences tumulaires, les crises de nerfs.
Les prénoms qu'on n'ose plus prononcer. Le passé,
pourtant gris, dont on a la nostalgie. Les têtes assommées
par les tranquillisants et l'alcool, les corps sans emploi.
Et la lumière verticale qui, à midi, fait
si mal.
La douleur ne supporte pas le soleil,
et l'été de ce drame est caniculaire. Des
mouches se collent à la souffrance. Le ressentiment
et le désespoir cuisent à l'étouffée,
exhalent une vieille odeur d'essence, de sueur et d'herbe
grillée. La famille brisée se renferme sur
elle-même et son paysage pétrifié. Les
hommes cherchent à fuir comme de sales gosses, les
femmes, hébétées, essaient de cacher
sous le maquillage leurs visages boursouflés. Car
s'il n'y a pas de mots pour exprimer ce malheur-là,
il n'en manque pas à Pascale Kramer pour décrire,
ainsi qu'une tribu lointaine et inquiétante, ceux
qui l'éprouvent."
Jérôme Garcin
Le Nouvel Observateur
07.09.2000
Un malheur figé dans le
silence
"... Saisissant là une
vérité psychologique autant que sociologique,
la romancière formule la détresse de ceux
qui n'ont pas les mots pour la dire. Pourtant, l'encombrante
blessure se calfeutre dans les replis du quotidien, et seule
l'indication de détails - gestes, silences - évoque
pudiquement la tragédie familiale. Si bien que Les
vivants échappent à la tentation du pathos
grâce au traitement de personnages qui paraissent
flotter à la surface d'un monde tour à tour
allusif et incisif, comme l'est la plume de Pascale Kramer."
Marie Alstadt
Lire
septembre 2000
C'est toute la réussite
de Pascale Kramer...
"... C'est toute la réussite
de Pascale Kramer. Faire vivre l'insoutenable à ses
héros, sans révolte, sans cri, sans haine.
Rendre coup pour coup à la mort en se servant de
la vie. Avec les armes du bord, la jeunesse, la beauté,
l'amour. Ne pas laisser le beau rôle au drame. On
ne peut pas l'évacuer, mais alors, qu'il ne la ramène
pas ! Couché là, comme un chien dressé
dont on évalue la force mais qu'on a appris à
maîtriser. Sans toutefois en ignorer le danger. Le
talent de l'auteur tient dans cette tension. Jamais relâchée."
Martine de Rabaudy
14.09.2000
Elle raconte les lendemains d'un
effroyable drame...
"... Pascale Kramer procède
en amassant les images ténues ou fulgurantes. Avec
ses personnages sans passé, ni avenir, elle joue
comme une marionnettiste. Plus que tout autre que ses consoeurs
- Marie Nimier par exemple -, elle refuse les ivresses documentaires,
les charpentes sous-jacentes, les déguisements biographiques.
Elle préfère mettre sous la couverture jaune
de la collection dirigée par Martine Saada d'étranges
événements qui, jure-t-elle, ne la concernent
pas. Le lectorat ferait bien de la croire. Après
tout, Pascale Kramer vient d'ici. Elle n'a peut-être
pas oublié la limpidité du lac..."
Alain Penel
22.08.2000
Survivre
."... Autant la scène
de l'accident est rapide et foudroyante, autant le travail
de deuil est lent et long. Pascale Kramer prend son temps.
Elle décrit chaque geste des parents accablés,
chaque silence, chaque nouvelle journée, chaque bruit,
chaque odeur, avec des précautions de convalescente.
Cela donne un poids terrible à son roman, qui est
écrit dans un style si près du réel,
si soucieux de détail, si juste, qu'on a l'impression,
soudain, d'être un proche de la famille. C'est dire
combien ce livre est beau et dur."
Jérôme Garcin
La Provence
24.09.2000
Page créée le: 09.10.01
Dernière mise à jour le 09.10.01
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