Les écrivains romands,
la langue et la politique
[
] le résultat s'avère
passionnant. [
] Les réponses nous fournissent
un bon panorama du rapport de l'écrivain romand avec
l'engagement civique et la politique.
Le résultat ne surprendra pas. La politique est tenue
à distance, en lisière, bridée, dans
la presque totalité des cas. [
]
En fait, ce sont les écrivains les plus âgés,
ceux qui ont accompli la traversée du 20e siècle
qui accordent le plus d'importance à l'engagement
politique. Yvette Z'Graggen parle de sa jeunesse nourrie
de Sartre et de Camus et de l'importance d'utiliser sa "
petite notoriété d'écrivain "
pour signer des pétitions. [
]
Jacques GUYAZ
Domaine
public N° 1473
Lausanne, 18 mai 2001, p. 7.
Des
écrivains face à eux-mêmes
[
] Cette enquête est
un excellent instrument de travail, grâce en particulier
à l'étendue du champ qui a été
sondé. [
]
Les réponses sont très diverses, et pour tout
dire hétérogènes : au laconisme de
certains répond heureusement le développement
nuancé et réfléchi de beaucoup d'autres
qui, à l'image de José-Flore Tappy, évoquent
une " relation laborieuse avec les mots, tâtonnante,
obstinée, vitale mais souvent frustrée, qui
ne saurait faire l'économie des conflits ni de moments
d'incommunicabilité : impasses, dialogues de sourds,
parfois véritables traversées du désert...
A d'autres moments, il arrive qu'on s'amuse, avec insouciance
".
Parmi les nombreux enseignements que l'on peut tirer de
cette enquête, relevons seulement que ce sont les
femmes qui, le plus souvent, parviennent à lier la
langue et le politique, et donc à traverser le questionnaire
sans trop d'accrocs [
].
Arnaud BUCHS
N° 58
Lausanne, automne 2001, p. 201-202.
Un
imaginaire de la langue
C'est à l'exposition d'un
imaginaire de la langue qu'invite l'enquête de
Patrick Amstutz, menée auprès d'une quarantaine
d'auteurs suisses de langue française. Le critique
leur a adressé six questions qui les incitaient d'emblée
à une approche métaphorique de la langue [
].
Il s'agissait donc, tout à la fois de rêver
son rapport à la langue et de se situer, notamment
dans la francophonie. Tous ont répondu à cette
double invite, parfois avec un peu d'humeur ou d'ironie,
en développant leur position en de brefs essais souvent
remarquables.
[...]
D'une manière générale, la langue est
perçue comme précaire, mouvante : l'image
du fleuve pour décrire l'écoulement des mots
est récurrente. Face à ce statut " transitoire
" de leur outil de travail, c'est une posture d'effacement
et de réceptivité que privilégient
les auteurs romands. [
]
Cet état poreux de la langue correspond peut-être
au sentiment " transitoire " du territoire chez
les auteurs romands. Car bien loin de l'idée reçue
d'une poésie du terroir dans laquelle on tend
à les enfermer, ils témoignent d'une conscience
de leur situation limitrophe et frontalière. [
]
Les auteurs romands se montrent donc logiquement méfiants
devant les mythes, les utopies ou autres idéaux de
la langue. [
]
Dominique KUNZ WESTERHOFF
Europe
N° 875
Paris, mars 2002, p. 327-329.
L'écriture,
cet engagement
[
] Comme le souligne Daniel
Maggetti dans sa postface, cette passionnante enquête
se lit d'abord comme une suite de témoignages. Les
réponses sont si diverses qu'elles relativisent une
fois de plus l'éternelle étiquette "
littérature romande ". Et qu'elles ne permettent
pas d'en tirer des conclusions simples.
Tout au plus peut-on constater que les auteurs interrogés
rechignent à lier attachement à une langue
et engagement politique. [
] Souvent, cette attitude
se fonde sur un raisonnement que résume Anne-Lise
Thurler : " Au fond, la question de l'engagement ne
devrait même pas être posée, puisque
la prise de parole, d'autant plus si elle est publiée
et donc publique, est déjà un engagement.
"
Autre surprise : peu d'écrivains abordent le sujet
de la Suisse comme carrefour des langues. Vivre dans un
pays multilingue et écrire dans une langue qui est
minoritaire semblent être admis comme des évidences.
[
]
Au final, La langue et le politique semble constituer
des fondations : il pourrait être une étape
précieuse pour un vaste travail, qui tracerait un
portrait d'ensemble du sujet à la fois en vogue et
en mutation qu'est la francophonie.
Eric BULLIARD
La Gruyère
N° 72
Bulle, samedi 23 juin 2001, p.
24.
L'écrivain,
capable de s'impliquer politiquement ?
Patrick Amstutz a mené l'enquête
: oui, nos auteurs romands s'investissent dans la vie publique,
même s'ils réservent leur révolte à
leurs écrits.
Frileux, désengagés, nombrilistes : il colle
aux basques des écrivains romands certains lieux
communs cruels. Chargé de cours à l'Université
de Fribourg, Patrick Amstutz, 34 ans, a pris cinq ans pour
enquêter et nuancer ce constat. " La langue et
le politique " sonde un panel de quarante écrivains
" suisses de langue française " - hommes
et femmes nés entre 1910 et 1960, poètes,
romanciers ou essayistes. [
] Leurs réponses
invitent d'une part à une relecture avertie de leur
uvre. D'autre part, sur la question du politique,
ils démontrent très bien que l'engagement
ne survient pas forcément là où on
l'attend.
[
] Ainsi Sylviane Dupuis : " L'écriture
est une langue à l'intérieur du langage, susceptible
d'exercer une action sur le réel lui-même (...)
: on sort métamorphosé de la lecture de Proust,
de celle de Beckett. "
Ce que le jugement populaire prend pour du silence couard
s'avère être un symbole de résistance
aux tics de l'époque [
]
" Les écrivains nés après 1960
sont obligés d'envisager autrement le rapport au
politique, constate Patrick Amstutz : les frontières
n'ont plus le même sens, la pertinence du projet Suisse
est à réinventer à l'heure où
l'Europe s'unit... Mais en même temps, la surabondance
d'images, de paroles provoque l'écurement.
" Et l'écrivain solitaire pourrait redevenir
furieusement moderne.
Isabelle FALCONNIER
N° 31
Lausanne, 2 août 2001, p.
74-75.
Les
auteurs suisses romands ne hurlent pas avec les loups
Que le pouvoir de l'économie
ait pris le pas sur celui du politique, nul ne l'ignore
plus depuis longtemps. Plus d'idéologies à
promouvoir par conséquent, d'autant moins que l'image
submerge la parole. Rien de très étonnant,
dans ce contexte d'immédiateté repoussant
la réflexion aux marges de ses préoccupations,
que les écrivains se soient détournés
des manifestes engagés et faiseurs d'opinions. [
]
Autour d'une autre des six questions posées, "
Peut-on habiter une langue comme on habite un pays ? ",
les auteurs romands en présence font ressortir une
évidence : la spécificité helvétique
écarte la tentation de se définir par une
seule langue. Elle n'est pas ici un pays politique [
].
On est dès lors à des années-lumière
de ce qui se passe ailleurs et pas très loin, en
Ukraine occidentale par exemple, où une immense statue
du poète Tarass Chevtchenko siège dans le
parc qui fait face à l'Université de Lviv.
La langue-nation prend alors toute son importance. [
]
dans ce bref survol de quelques éléments d'une
enquête non seulement utile, mais nécessaire
[
] et dont les diverses contributions se lisent avec
plaisir et intérêt - on y revient même
pour comparer certaines réponses - il convient de
souligner, sous la plume de Bernard Comment, le souci de
la défense de la richesse de la langue française,
" dans une société dominée par
l'écran (...) où l'abrutissement (...) passe
par l'appauvrissement des moyens d'expression ". /
SOG
Sonia GRAF
l
La Chaux-de-Fonds, samedi 14 juillet
2001, p. 14.
L'écriture,
un engagement de citoyen
La langue et le politique,
qui vient de paraître aux Editions de L'Aire, est
le fruit d'une longue enquête menée auprès
d'une quarantaine d'écrivain(e)s de Suisse romande.
[
] Il en résulte une palette de réponse
riches et contrastées. [
] Pourquoi le politique
? Patrick Amstutz, l'auteur biennois de cet ouvrage, l'explique
dans son introduction : " Il fallait éviter
que l'on infléchît le sens de mes questions
du côté de la politique partisane, alors qu'il
s'agit ici d'abord et avant tout de l'engagement de l'écrivain
citoyen dans la vie de sa cité, quelle que soit la
forme que peut revêtir cet engagement, dans son acception
la plus large. "
[
]
Dans La langue et le politique, certains écrivains
prennent position de manière tranchée sur
des sujets qui ont marqué la vie politique suisse
ces dernières années, comme l'affaire des
fiches de la police fédérale ou l'exposition
nationale.
Jean-Philippe RUTZ
Bienne, mercredi 16 mai 2001, p.
40
L'engagement
politique dans les lettres romandes : tiède souci
Chargé de cours à l'Université
de Fribourg, Patrick Amstutz a interrogé 39 écrivains
romands sur leurs rapports à la langue et notamment
à l'engagement citoyen. A lire entre les lignes :
le modèle confédéral suisse et la "
littérature romande " ne passionnent pas les
écrivains. Le débat se porte plutôt
sur la francophonie et sur la langue française. [
]
Jacques STERCHI
Fribourg, samedi 14 juillet 2001,
p. 33.
Quand
les écrivains romands parlent de la langue
[
] Patrick Amstutz a mené
une vaste enquête effectuée au milieu de la
dernière décennie. Trente-neuf plumes ont
tracé des réponses oscillant entre linguistique
et politique. [
] Attendait-il une analyse ? De par
la nature de ses questions faussement bateau, il n'a eu
que des voix, somptueuses, merveilleuses, tranchantes, des
pensées vives sur la nature de la langue et du langage,
des voix vastes et intimes, profondes, questionnantes, certaines
venant de l'envers du décor, celles des disparus,
Nicolas Bouvier, Georges Borgeaud, Jean-Pierre Monnier,
Maurice Zermatten.
[
]
Plusieurs écrivains abordent la mise en forme des
mots comme nécessaire, pour saisir la langue comme
matière mouvante. " Une condition de sa permanence
et de son redéploiement dans l'esprit du lecteur
" souligne Pierre Chappuis.
Pierre Voélin, comme Haldas, privilégie la
voix spirituelle, les mots sont une figuration provisoire,
mais ils éclairent notre destin, " ils dessinent
les contours d'une vraie rencontre avec le monde... "
[
]
Et le politique ? Alexandre Voisard qui a fortifié
son art poétique à l'épreuve du grand
public nous renvoie à la mémoire : "
J'ai appris alors que la poésie n'a rien à
voir avec l'abstraction où certains la confinent
et la séquestrent, mais avec la mémoire et,
cela fut donc démontré, avec la mémoire
collective. "
Yves-André DONZÉ
Delémont, samedi 21juillet
2001, p. 27.
Ecrivaines
plus enclines à la métaphorisation
[
] Ces contributions constituent
[
] une introduction précieuse à la littérature
romande contemporaine, dans sa diversité mais aussi
dans quelques-unes de ses constantes, et ouvrent aux uvres
singulières, en particulier pour les nombreuses auteures
féminines.
En introduction, Patrick Amstutz fait référence
à l'édification imaginaire qu'entraîne
l'exil ou l'extra-territorialité, chez Jabès,
chez Stétié, face à la langue, et annonce
le prolongement de l'enquête auprès d'écrivains
d'autres régions francophones ou de France. Son questionnaire
" suggère l'altérité [de la langue]
à la place d'une identité de filiation ",
et les Suisses semblent de fait assez détachés
de toute idéalisation de la langue maternelle (la
langue, " ça tombe dessus ", écrit
Corinne Desarzens) - à l'exception de Maurice Zermatten,
regrettant " le doux langage franco-provençal,
appris sur les lèvres de notre mère ",
c'est-à-dire le patois du Valais aujourd'hui quasiment
disparu. Mais ils se montrent tout aussi réticents
face aux tentatives de personnification : " de l'amant,
elle n'est que la trace, l'empreinte légère,
la promesse " (Sylviane Chatelain). C'est donc bien
plutôt à une démythification de la langue
que travaillent leurs réponses, souvent avec une
certaine drôlerie : la langue, plutôt qu'une
instance érotique, serait la partenaire d'un mariage
arrangé depuis toujours (Daniel de Roulet), ou une
fille de joie chez qui " le mac est mieux accueilli
que le moraliste " (Gaston Cherpillod).
[
] Les auteures sont les plus clairement enclines
à la métaphorisation. Les mots leur apparaissent
comme des " boules de feu " ou des " projectiles
" (José-Flore Tappy), comme des " clous
" ou des " balles " (Marie-José Piguet)
ou encore comme des pointes susceptibles de briser "
l'écran de verre " des expressions convenues
(Sylviane Chatelain) : les écrivaines sont aussi
les plus activement dynamiques dans leur rapport à
la langue.
[
]
Si une conscience politique a marqué régulièrement
la vie littéraire de la Suisse française,
à travers des revues fameuses comme les Cahiers
vaudois ou à l'occasion de circonstances historiques
exceptionnelles, les auteurs eux-mêmes paraissent
assez désabusés quant à la place de
l'homme (ou de la femme) de lettres dans la Cité
: [
] l'auteur paraît soit retiré, soit
dissocié du citoyen actif. Et s'il se pose en membre
de la collectivité, ce sera celle de l'universel,
à l'image de Jean-Georges Lossier, intercesseur pour
le CICR d'une " Genève étendue à
l'humanité ".
Dès lors, la politique s'éloigne et
fait place au politique tel qu'il opère dans
la langue même. Henri Meschonnic avait récemment
effectué le rapprochement, dans Politique du rythme,
politique du sujet (Verdier, 1995), de toute pensée
poétique avec une invention de l'éthique.
Sur ce plan, les auteurs romands se montrent virulents :
que ce soit par la représentation du réel
(" prêter ma voix à un requérant
d'asile, à une ouvrière ou à une petite
prostituée colombienne est une manière de
résister et de m'opposer à l'oppression et
à l'injustice ", Anne-Lise Thurler), ou par
un travail d'action sur la langue, notamment sur les accords
au masculin chez Pierrette Micheloud, ils sont unanimes
à voir dans la parole de l'écrivain le lieu
d'une discordance, d'une désobéissance et
d'une incertitude face aux conventions. C'est ainsi que
le mot de Rimbaud, " trouver une langue ", rencontre
son écho chez Ramuz, choisi à maintes reprises
comme référence par ces auteurs de toutes
générations : faire " rendre gorge "
à la langue...
Dominique KUNZ WESTERHOFF
La Revue de Belles-Lettres N° 1-2
Genève, 2002, p. 114-117.
La
langue et le politique vus par 39 écrivains
Chargé de cours en littérature
de langue française dans notre université,
Patrick Amstutz vient de publier une enquête sur La
Langue et le politique aux éditions de L'Aire.
Il a posé six questions à trent-neuf écrivains
suisses francophones. [
] Déclinées sur
le ton affectif, les questions ont trouvé des réponses
souvent très riches et développées,
parfois laconiques, très contrastées les unes
par rapport aux autres, et toujours inédites. [
]
Stéphanie ROULIN
Spectrum
Fribourg, octobre 2001, p. 18.
Les
écrivains et la langue, une histoire d'amour ?
Un questionnaire révèle
comment trente-neuf auteurs romands définissent leur
rapport aux mots, au pays et à l'engagement dans
la cité. Pas si passionnel que ça, mais complexe.
Les auteurs romands ont la réputation d'être
moins engagés politiquement et socialement que leurs
confrères alémaniques. C'est un débat
ancien qui date des années où Frisch, Dürrenmatt
puis quelques-uns de leurs héritiers tels Peter Bichsel,
Nicolas Meienberg ou, tout récemment, Adolf Muschg
et Hugo Loetscher prenaient publiquement position dans le
débat public. [
]
Les six questions peuvent s'adresser à tout écrivain,
quel que soit son environnement, mais peut-être de
manière plus sensible quand il se situe " dans
les marges ", Antillais, Africain, Maghrébin,
Québécois, Wallon ou Suisse francophone. [
]
Isabelle RÜF
" Samedi culturel ",
Genève, samedi 28 avril 2001, p. 10.
Page créée le 09.10.01
Dernière mise à jour le 19.05.06
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