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Essai : Robert Walser et la peinture

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Extrait de recherches réalisées dans le cadre d'un diplome préparatoire à une thèse de doctorat sur le sujet générique : Robert Walser et la peinture. / Mise en place d'un espace mimétique et critique. Ce travail a été aimablement mis à notre disposition par l'auteur, F. Pouzol.

  Troisième partie

Les formes d'expression de la peinture walsérienne.

1.1. L'ut pictura poesis walsérien.

1.1.1. Déviances stylistiques.

Au cour de cette problématique d'ensemble sur l'écriture critique, voire mimétique de Robert Walser avec la peinture, se trouve soulevée la relation plus instable entre la peinture et la poésie, entre ce qu'on pourrait qualifier de " erzählte Bilder " et de " gemalte Texte." Cette concomitance se lit volontiers entre les lignes de Ein Maler par exemple. T.S Evans pose indirectement une question fondamentale dans un article s'intéressant à cette sorte de synesthésie esthétique lorsqu'elle déclare :" why and how did Walser write about painters and paintings if art is discussed in the local grocery store as if it were a ' bouillon cube'." L'image du 'bouillon cube' associe avec justesse les éléments du feu et de l'eau, et porte à une possible distillation de la peinture dans la poésie, oul'inverse. Cet engagement esthétique en faveur d'une composition de la peinture avec les mots rappelle les confusions de la Renaissance. Dans un style littéraire le plus souvent, les peintres de la Renaissance ont essayé de masquer leur compréhension de la nature derrière des figures rhétoriques davantage mises à profit en poésie. De même, les poètes et écrivains rénovent en profondeur leur art de manière à conjuguer inspirations antiques et nouvelles figures allégoriques. Ce qui devait insuffler un courant nouveau à l'Europe se traduit par la suite par un style exagérément ronflant, maniériste. Réduits à imiter la " maniera " des Anciens, ces artistes parmi lesquels on compte Arcimboldo, ou encore Pontorno, marquaient leur besoin de rompre avec une peinture seulement figurative, ils souhaitaient avant toute chose arriver à un équilibre esthétique entre le sujet et l'objet et affirmer ainsi leur volonté d'aller au-delà du naturel. Robert Walser a été particulièrement sensible à ces différentes orientations esthétiques comme ceci transpire lorsqu'il parle de Bruegel, et participe indirectement à la redécouverte du courant maniériste en ce début de 20ème siècle. Dans son ouvre, il se plait à esquisser les traits d'un homme capable de dépasser les préceptes de l'ut pictura antique afin d'opérer un changement de compréhension dans le rapport entre les arts, entre la main et le pinceau." L'oil est comme un oiseau de proie, écrit-il dans Ein Maler, il perçoit la moindre déviation d'un mouvement. Et la main de son côté redoute l'oil dont elle est l'éternel souffre-douleur." Un article de Renata Buzzo Margari, intitulé simulation d'un échec, tient à faire la distinction établie implicitement par Walser dans les Enfants Tanner entre peintre et paysagiste . Walser, nous apprend R. B Margari, acquiesce volontiers à ce " caractère décoratif de l'écriture." Et d'y voir, par delà cette surimpression, la présence forte d'un " 'moi poétique' qui, construit selon une intention artistique précise, renferme les fragments d'une intériorité fondamentalement inconnaissable."

1.1.2. Une archéologie picturale.

Ulf Bleckmann, dans son article Thematisierung und Realisierung der bildenden Kunst im Werk Robert Walsers, montre la difficile lecture du binôme écriture/peinture dans le travail walsérien. Cette dernière ne considère plus sa recherche littéraire que comme un contenu désorganisé d'images poétiques sans lien particulier les uns avec les autres. Elle devine, dans le travail de Robert Walser, un réseau sous-tendant l'ensemble de sa réflexion sur l'art, une sorte de trame archéologique et sémiotique qui sereporterait presque fidèlement dans chacun des 'tableaux-poèmes' ; relecture à laquelle le lecteur participerait activement. En effet, c'est lui qui rompt l'isolement de l'image poétique lorsqu'il se décide à l'investir à l'intérieur de sa conception imaginaire du tableau. D'un geste de dépit, d'abord, il se désengage de ce poème qu'il ne comprend pas, mais bien rapidement de se raviser, et de poursuivre de l'intérieur le cheminement walsérien. Walser perçoit de son côté dans la toile ce que Ulf Bleckmann nomme un " potentiel narratif " qui lui permet de laisser libre cours à son imagination et de construire autour du tableau sa propre histoire. Cette deuxième perception du tableau explique les possibles erreurs de retranscription qui ne pouvaient pas être seulement imputables à une défaillance mnésique. Ces erreurs réfléchies témoignent d'une sorte de liberté intrinsèque contenue dans la toile et que l'écrivain visionnaire met à jour. Dans das Ankeralbum et ein ABC in Bilbern von Max Liebermann, Walser s'acharne à raconter sans mot, à disparaître et à s'oublier dans l'image poétique." Walser's language, écrit Susan Bernofsky, tends to call attention to itself by other, more playful means, flirting with awkwardness, affecting a bureaucratic-sounding or sublime tone in discussing trifles, or making logical connections based, often comically, on the sounds of the words involved rather than their meanings." Cette tentative fait écho aux expérimentations provocantes d'Apollinaire dont les calligrammes adoptent la forme d'un dessin et d'un poème se lisant comme des saccades ou des circonvolutions graphiques afin d'approcher simultanément et la portée sémantique du texte et son poids visuel. Le vers pour Apollinaire devient le lieux de toutes les facéties figuratives, de toutes les expériences visuelles. Dans ces deux poèmes en prose, le message poétique est véhiculé par le poids de l'expérience qui semble le seul à même de donner un certain dynamisme à l'ensemble. L'écrivain cherche à établir un mouvement unifiant le sens et la forme par delà toute allégeance à un ordre supérieur, il nuance ensuite à partir de ce thème les possibilités d'investigation afin d'en accroître le sens. Ainsi, l'image n'a plus rien de l'unité, elle brille par ses combinaisons réutilisables à l'infini. Robert Walser écrit sur des supports aussi divers que des papiers d'emballage, des articles de journaux, des feuilles de calendrier que des lettres de refus d'éditeurs potentiels comme s'il désirait ainsi renvoyer à la face du monde toute son amertume. Création esthétique, ils revêtent un aspect pictural certain. Paradoxe suprême : l'écrivain cherche à réduire de plus en plus son écriture afin que ce repli sur soi puisse lui offrir le plus de lisibilité possible. Il existe 526 de ces compositions dites en microgrammes conservées aux archives Robert Walser à propos desquels Carl Seeling écrivait dès 1957 : " Cette écriture secrète non déchiffrable inventée par le poète dans les années vingt et qu' il a utilisée dès le début de sa mélancolie doit sans doute être interprétée comme une fuite timide hors de la vue du public, comme un ravissant camouflage calligraphique destiné à lui cacher ses idées." A la manière d'un César, peut-être, il compresse son texte poétique et adopte le ton "leichtfertig oder kindlich oder weitschweifig, der Ton von flüchtigen Worten, die von selbst verklingen." En quête de disparition, Robert Walser ressemble à ces artistes japonais qui peignent de plus en plus petitement et qui décident de poser leur pinceau pour se peindre entrant dans leur création. Les microgrammes walsériens peuvent être lus en terme de mouvement interne comme la tension " insistante d'un 'moi' suspendue entre le figürlich et l'autorlich, le rapport ambigu entre ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas, la tension entre le travail d'artiste et le travail subalterne, le plaisir de servir, de se faire petit." Autant que faire se peut, l'écrivain essaie, futilement, de remplir cette feuille, d'empeser ses idées dans le mot, de les remettre entre les mains de quelque chose de concret et de fixe, de les enveloppe à l'intérieur d'un tissu de significations qui s'écrasent contre le mur de la réalité. A l'origine orienté vers un commentaire sur les manuscrits de Walser, l'article d'Hans Nöhbauer exploite l'image de Champollion pour rendre compte de la tâche pharaonique de Echte et Greven. Ces petites proses le rendaient grands. En ce soir de Décembre 56, tout restait à écrire, à retrouver sur ce tapis de neige immaculée. Il meurt dans le froid, laissant aux générations futures le soin d'apprendre son alphabet. Son écriture menait à une destitution de la lisibilité, programmait un abandon de la lecture, et cependant, certain se sont aventurés dans des sphères inexplorées jusque là, dans lesquelles le texte walsérien était encore épointé par un crayon intéressé par le seul mouvement de la main qui l'entraîne de gauche à droite, de haut en bas. "Wie ein Detektiv muss der Herausgeber dabei auf die unscheinbarsten Kleinigkeiten achten, muss sehen welches Papier verwendet wurde und ob irgendhein Aufdruck zu finden ist, denn Walser bevorzugte für die erste Niderschrift gern alte Notizblätter, Fetzen von Packpapier, Teil,. " L'écrivain a une vision intuitive du monde et accorde un support matériel à sa réflexion, son discours poétique ne repose pas sur rien, sur le glacis d'une feuille sagement décrochée d'un carnet tout neuf, les mots sont déjà comme des récupérations, des vieilleries qu'on poserait à plat. Sa démarche se prête volontiers à un conception recyclée du langage poétique. "It seems that Walser's choice of these papers was deliberate, écrit-on dans un article s'interrogeant sur la relation entre Walser et l'artiste Joan Nelson, not necessitated by financial constraints. Artistic concerns and a delight in playing informed his fiction from the beginning. Walser accepted the size of these envelopes or letters as parameters of his own narrative. Indeed, he often cut the sheets into the smallest possible rectangle and adapted the lenght of his texts accordingly. " Se servant de support aussi divers, il témoigne d'une volonté de délivrer son message dans le quotidien , dans le 'tous les jours.' Klee utilise à des fins signifiantes le papier journal afin de distinguer l'atemporalité de son travail avec le quotidien, Walser, au contraire, isolé des événements politiques, se plaque contre l'histoire, tout contre. La prose se promène sur ces instants présents afin deréinventer une autre forme de représentation palimpseste, le peintre walsérien s'aventurant toujours au-delà des choses. Son Verbe part d'un point-limite et s'étend, mystérieuse et froide, dans la plénitude de sa réflexion. C'est pour cette direction qu'il faut comprendre pourquoi il écrit avec autant d'insensibilité : sachant peut-être qu'il n'exprimera rien, il exprime tout. " Ja, es gab Leute, die ihn um seines Sehnens willen, etwas Schönes und nützliches aus sich zu machen, liebten .Jedenfalls strebte er nachhaltig nach diesem und jenem." Une chanson d'Olivier Messiaen, Le vitrail et des oiseaux, évoque cette volonté de percevoir un monde de derrière.

1.1.3. Définition personnelle de l'Art Bildnis.

" Prosa, écrit Tanja Baumann, ist für ihn die Sprache der Kunstgeschichte und Kunstkritik." Chez ce dernier, le concept du " texte-image " est prégnant, et ce, jusque dans les lettres qu'il écrit à son éditeur à propos d'une possible illustration du volume Seeland." Aufrichtig gesprochen bin ich immerhin überzeugt, dass gerade Seeland sich entweder keineswegs oder nur in geringem, d. h. in allzu geringem Grad zum illustrieren eignet, und zwar deshalb nicht, weil der Autor hier zu wenig Lücken offen lässt, mit der Schreibfeder, mit den sprachlichen Worten - malt und illustriert." Seul Karl voit les textes de son frère jusqu'à atteindre une vision presque idéelle de son travail. L'un, nous explique Tanja Baumann, " der erste transformiert einen wirkliche existierenden Baum in ein Bild, der zweite transformiert das Bild in einen Text." Dans cet enfilement de subjectivité, l'écrivain a-t-il amoindri la perception de la réalité ou l'a-t-il renforcée dans sa véritable signification. Magritte parlera en 1930 de " trahison des images." Walser expérimente une nouvelle approche de l'art critique en burinant son langage de manière à ôter au tableau toute maladresse, toute scorie. Il fait en sorte de rendre le motif aussi familier et aussi sympathique que possible et de résorber l'écart entre celui-ci et le discours poétique. " Ebenso wie der Rezipient eines Kunstwerks durch eine allzu genaue Darstellung ermüdet und umgekehrt durch eine verschwiegene Gestaltung in seinem (nach-) schaffenden Vermögen bestärkt wird, erfährt auch der Inhalt eines Kunstwerks durch dieses Verfahren eine Belebung, durch jenes aber eine petrifizierende Fest-Stellung " remarque Ulf Bleckmann. L'écrivain n'arrache des tableaux que des détails prégnants autour desquels il s'arrange de sa rêverie. Son univers poétique ne se dessine pas exactement sur les lignes de la toile, il le thématise plus volontiers afin de grandement l'investir d'une autre modalité expressive. Sans cela, la toile se pétrifierait et mourrait sans que personne ne se souvienne plus d'elle. Robert Walser, selon Bleckmann, reprend à partir d'un matériau littéraire ou pictural existants un thème qu'il conceptualise. Lorsqu'il écrit sur la peinture, il n'esquisse qu'une toile de fond sur laquelle il jette ses impressions premières. Par là même, il lui est plus facile de se détacher du tableau originel pour se retirer à l'intérieur de sa propre création. Par pudeur, encore étonné peut-être de son larcin, il tente de mimer ironiquement toujours un geste de recul, un geste de dépit. Mais alors qu'il croit ne valoir rien en s'assujettissant les créations d'autrui, il commet là sa plus impardonnable bévue. Walser, à forcer le trait, tombe dans lepiège de la caricature. Ses poèmes en prose sont autant de portraits personnels qu'il se plait à se reconnaître de double. Dédoubler sa manière de voir le monde l'amène à tourner plus facilement autour de lui-même, à apprécier la profondeur de sa personne. Ces nouvelles perspectives ne le confinent plus dans la seule phrase, l'écrivain se libère de cette écriture fausse qui ne vise qu'à remplir uniformément la page pour écrire en mots de couleur des tableaux qui éclatent de mille feux. Bleckman élabore une théorie en trois temps dans laquelle Walser imagine, envisage puis intériorise le tableau. Dans un premier moment, l'écrivain est celui qui imagine une fiction qui " vor dem im Bild festgehaltenen Zustand liegt, so dass sich die Erzählung gleichsam auf das Bild zubewegt und dieses zum Ziel von jener wird." Ensuite, cette narration est envisagée dans une acception moins rigoureuse de manière à permettre une introspection dans l'univers intérieur de Walser. Ce mouvement particulier rappelle les jours de fête où l'on tire un feu d'artifice et où l'on redevient un enfant. L'écriture walsérienne va ainsi, elle se jette dans le blanc inquiétant de la page pour s'éployer dans des filaments de lumière qui retombent en émotions enfantines. Pour l'écrivain, l'art permet d'assigner un rôle à chacune des figures qui le hantent. A loisir, il intervertit les caractéristiques propres en ayant soin de toujours garder la même forme. La critique parle de 'figure' pour tenter d'apposer une grille de lecture sur l'ouvre walsérienne, mais elle se bat contre des moulins à vent tant cette dernière est ductile. Elle n'a d'autre recours que de montrer comment le narrateur permet à une " Art Bild " d'être une " Art Bildnis ", comment l'image poétique se singularise en devenant comme une icône." Le peintre, remarque Renata Buzzo Margari, constituerait donc pour l'écrivain comme un point de référence nécessaire, une sorte d'alter ego positif, dont le succès souligne et rend irrévocable sa propre négativité." Le noyau 'irradiant' de notre travail est là mis à plat, lequel renforce l'idée d'une sorte d'inhérence, de concomitance entre le peintre et l'écrivain chez Robert Walser, tant l'un permet à l'autre de retrouver son " équilibre instable." Ce mouvement de l'écrivain vers le peintre, cette démarche esthétique en somme, le rend plus vrai, moins complaisant à l'égard de sa propre disparition, mais il implique aussi " une comparaison plus ou moins explicite avec le procédé verbal et le procédé pictural." Walser écoute le langage secret de la nature afin de ne pas s'empêtrer les pieds dans une description trop détaillée. Il préfère à ces dispositions réalistes - notons qu'il n'a guère écrit sur le mouvement réaliste - une forme d'art plus cérébrale, et plus lyrique à la fois, qui " sert surtout à créer des arabesques verbales modelées selon une ligne ondulée typique du Jugendstil. Mais cette ondulation est très souvent interrompue par une pointe d'ironie ou une réflexion insistante sur le langage." Un tel jeu de ricochet laisse une succession de cercles concentriques à la surface de son écriture de manière à ce que les propos ironiques ou profonds temporisent l'action. Dès lors, le langage ornemental fait partie intégrante du processus scriptural. L'esthéticien italien, Giorgio Agamben, engage dans La communauté qui vient une réflexion sur l'indétermination en tant que tel, c'est-à-dire se sachant elle-même indétermination. Walser a fait le choix légitime de cette disparition, de cette " déroute " pour Nicolas Bouvier, de cet état " quelconque " pour Agamben. A aucun moment, il ne s'émeut du sort de Vincent van Gogh, de son existence misérable dans laquelle il peignait pour ne pas se consumer dans la mesure où il se définit volontiers " nach " cette exigence d'indétermination." Ce que le quelconque ajoute à la singularité n'est qu'un vide, une limite ; le quelconque est une singularité plus un espace vide, une singularité finie et, toutefois, indéterminable selon un concept " écrit Agamben avant de poursuivre : " mais une singularité plus un espace vide ne peut être autre chose qu'une extériorité pure, une pure exposition." Le personnage walsérien, en homme arrivé, cristallise, un instant, son besoin de reprendre son souffle sur la page, puis, voyant qu'il ne peut saisir le " concept " repart en quête de cette " pure exposition." Les toiles d'un Rembrandt ou d'un Fragonard dessinent dans son esprit un lieu de création, une sorte de béance infinie par l'intermédiaire de laquelle son imagination de poète se distingue de celle du peintre. Walser représente l'archétype du héros solaire qui " a cru qu'il pouvait éblouir la vie en écrivant comme une tempête de grandes choses (.) mais de plus en plus, il s'est retiré dans un petit trou de souris." Il endosse le costume d'un " schaffende Maler " qui recrée " beyond the reaches of painting " un monde quelconque prônant les valeurs singulières de la métaphore.

1.2. La métaphore romantique de la forêt.

1.2.1. Le langage secret de la nature.

L'usage de la figure de style ne correspond pas comme dans la critique d'un Diderot à une ornementation, elle ouvre sur un espace personnel dans lequel Walser " benutzt Metaphern aus dem Bereich der bildenden Kunst nicht nur, um seine Prosastücke zu betiteln ; seine Äusserungen über die Malerei und Zeichenkunst stehen oft in nächster Nähe zu seinen poetologischen Überlegungen und können dann selbst als solche gelesen werden." La forêt dans l'ouvre de Walser représente le modèle paradigmatique de la nature, qui évoque dans son esprit un langage personnel fait de bruissements de feuilles et de chuchotements. Dans les Enfants Tanner déjà, Sylvie apparaît comme une fée de la maison. Elle est associée à l'idée de promenade et reste indissociable du destin de l'homme. Mais ce rapport particulier éclate avec plus de force dans un poème en prose composé en l'honneur du peintre français, Narcisse Diaz de la Pena. Ce dernier appartient à l'école paysagiste de Barbizon, désireuse de récuser les sujets d'inspiration religieuse et la peinture d'atelier pour leur préférer le motif en extérieur. Dès 1836, Théodore Rousseau invite à Barbizon les artistes, dont Diaz, voulant se libérer du joug académique et ouvrir la voie à un mouvement paysagiste moderne. Jusqu'alors, la peinture de paysage est considérée comme un genre mineur, et ne trouve de justification sérieuse que par l'intermédiaire de références religieuses, historiques ou mythologiques. Succédant au mouvement romantique, qui a été l'élément libérateur ayant permis l'épanouissement du panthéisme, le naturalisme s'affiche en faux contre les dogmes du passé. La forêt de Fontainebleau offre aux peintres de l'école de Barbizon un cadre privilégié pour travailler sur le motif et se rapprocher et se familiariser avec la nature. Des peintres tels que Millet, invité par Diaz lui-même, Corot ou encore Charles Jacque, animés d'une semblable passion, vivent là au gré des saisons les petits bonheurs et les meurtrissures du monde paysan. A l'Exposition Universelle de 1855, les peintres paysagistes se font un nom et reçoivent l'opinion favorable de critiques tels que Thoré Burger ou de Th. Silvestre. Millet ira jusqu'à écrire : " qu'on ne croie pas qu'on me forcera à amoindrir les types de terroir, j'aimerais ne rien dire que de m'exprimer faiblement." Les travaux de " Millet le père " sur ce terroir seront repris par Van Gogh dans des toiles telles que Le Semeur ou bien Paysan bêchant qui sut reconnaître en lui un guide spirituel et un maître audacieux. Le thème de la forêt n'est guère exploité dans sa recherche esthétique, si ce n'est à quelques allusions comme dans Le Bûcheron (1889) ou Ramasseurs de bois mort dans la neige. Cette dernière toile s'inscrit à l'intérieur d'une entreprise plus large, celle de composer une copie du cycle des saisons de Millet. Ce thème reste cependant mineur dans l'ouvre de Millet qui ne découvrit Barbizon que fort tard, à l'instar de Diaz chez lequel celui-ci est au cour d'une démarche esthétique et intellectuelle presque existentielle. Robert Walser a écrit der Wald von Diaz de manière originale en ayant soin de lui sacrifier une autre réalité. Il campe son histoire " in einem von Diaz gemalten Wald " et simule un échange entre une mère et son fils. Surprend-t-il véritablement les propos que tient la mère à son enfant, lit-il simplement sur ses lèvres? L'écrivain a-t-il percé dans ce poème en prose l'instant en suspension qui se joue entre cette mère et ce fils ou bien a-t-il été sensible à la solitude de l'enfant et a tenté de retrouver la mère par l'écriture ? De telles questions sont indissociables afin de comprendre ce tableau-poème.

1.2.2. La forêt de Diaz.

L'oil de l'écrivain, en effet, ne se pose pas directement sur un arbre, un sous-bois ou une clairière, il s'attarde sur l'échange presque existentiel qui naît au cour de cette forêt, sur cette sorte de respiration haletante et nasillarde qui émane du plus profond de l'espace vert. Le paysage, là, à l'instar de celui chanté par les peintres de l'école de Barbizon, ne porte en soi aucune signification, les troncs participent à ce débat, à cette conduite au même titre que la mère. A l'image d'un chour antique, ils épient chaque mouvement de lèvre afin de le retranscrire. Le poète walsérien capte alors les évanescences verbales qui se dégagent aussi bien des arbres de la forêt que du souffle d'effroi né de la conversation. Le thème de la forêt est exploité par Walser à seule fin d'argumenter sur la conduite immature de l'enfant. Il est d'autant plus touché par ses réprimandes ( ou sa solitude si l'on lit la saynète plus en avant ) qu'il semble s'y dédoubler. Par l'entremise de la forêt, l'écrivain entend ces propos moralisants qui l' atteignent violemment tant il a pu lui-même les essuyer. La mère ressemble à la marâtre des contes abandonnant sa progéniture dans l'impénétrable forêt. Car il faut, nous dévoile en substance le texte walsérien, que l'enfant apprenne à penser, la mère le laisse transi de froid aux chuchotements de cette forêt, qui, nous apprend malicieusement Walser, représente notre monde." Die Mutter war gegangen. Das Kind stand allein da. Vor ihm stand die Aufgabe, sich in der Welt, die auch ein Wald ist, zurechtzufinden, von sich selbst eine geringe Meinung hegen zu lernen, die Selbstgefälligkeit aus sich zu vertreiben, damit es gefalle." A l'abri des regards de la société, cette dernière enferme pour la mère toutes les paresses, toutes les
suffisances. Mal lui en prend, cependant, nous dit le narrateur, qui se range du côté de ce " Kindchen " pour qui l'odieuse forêt va exacerber son imagination et va susciter en lui des bourrasques de créativité. La mère rêve que son rejeton embrasse la carrière de banquier ou de notable, mais Walser a déjà ses idées bien rangées sur la question : il l'honore du costume de l'artiste, qui laissé à sa solitude, cherche dans la compagnie des arbres une réponse spirituelle simple. Il commente sur le ton de la plaisanterie l'irréalité de sa perception du tableau, et par là même de l'univers tout entier : " Was in diesem kleinen Aufsatz steht, ist scheinbar sehr einfach, aber es gibt Zeiten, darin alles Einfache und Leichtbegreifliche sich vom Menschenverstand total entfernt und daher nur mit grosser Mühe begriffen wird." La forêt doit se comprendre comme l'occasion pour l'enfant d'une épiphanie, d'une révélation du désir fondamental de son être, d'une " vision panthéiste de la nature, orchestré par l'homme qui en est le trait d'union." Il demeure confronté à un désir qui se sait désir et qui, de ce point de vue, prolonge la finitude humaine. Les artistes du Land Art s'inscrivent dans cette mouvance qui établit avec la nature un lien consanguin afin de sceller plus étroitement le devenir de l'un avec l'autre." A mi-chemin entre un vagabondage de la sensibilité à la manière du voyageur romantique et le refus dadaïste des pratiques artistiques habituelles " , ce mouvement trouve des antécédents dans le travail de Robert Walser pour qui la forêt se voit et s'appréhende au présent. Dans une de ses pièces, l'écrivain relate un incendie de forêt, mais reste distant sur la possible vérité du fait. Il décrit ainsi les flammes venant lécher la montagne :" Le jour suivant, chacun put voir à la place de la montagne verte une montagne noire et fumante, la belle forêt était calcinée, tous les endroits charmants et tenus secrets, la mousse sur les hauts rochers, les halliers de plantes et de buissons, les grands sapins et les chênes avec leur belle charge de feuilles vertes dans les bras, tout cela ne faisait plus qu'un spectacle lamentable. " Et de conclure : " Un peintre a fait de cela un tableau, il s'appelle Hans Kunz, c'est un ivrogne et un contemplateur des bonnes mours et des bonnes manières." Encore une fois, il semble que le tableau du dit Kunz contamine la description walsérienne de manière à piquer davantage au vif la curiosité du lecteur. Ce peintre " in Rosenheim soll, wie Lipowsky, angibt, um 1334, die Marienstatue, die heute noch als Gnadenbild auf dem Choraltar der Wallfahrtskirche zu Tutenhausen steht, geschnitzt haben." Rien ne nous permet d'affirmer avec certitude qu'il s'agit du peintre graveur auquel fait allusion Walser dans Un incendie de forêt, mais le thème de la forêt apparaît, hasard ou non, avec trop d'insistance pour qu'on ne lui accorde pas crédit. L'écrivain perçoit la réalité de la forêt envahie par " cette terrible rougeur " sous le signe de la métamorphose. Il ne reconnaît plus dans ce décor apocalyptique les vallons verdoyants qui donnaient à ses rêveries un goût si authentique." Quelquefois, remarque-t-il, cela ressemblait à une peinture murale de grand format, une fresque décorative, représentant un incendie, jusqu'à ce qu'un bruit quelconque vint nous rappeler la plastique et mobile réalité." Médiation entre la terre et le ciel, entre le terreux, l'humain, et le céleste, l'arbre possède chez Walserune forte valeur expressive et renseigne sur sa propre sensibilité. On se souvient du dramatique contenu dans la peinture d'une forêt chez Dürer ou encore Ruysdaël et du passage presque messianique du plus sombre à la lumière. Dans un incendie de forêt, le " schaffende Maler " embrase l'horizon de manière mystique et rend plus proche, non le crépitement du feu, mais le feu lui-même. Dans Vorschule der Ästhetik, Caspar David Friedrich écrivait : " der Maler soll nicht blos malen was er vor sich sieht, sondern auch was er in sich sieht. Sieht er aber nichts in sich, so unterlasse er auch zu malen, was er vor sich sieht." Nous voilà au cour de sa peinture : une maîtrise parfaite du détail, une sensibilité encourageant la rêverie, une nature infinie décrite par un regard fini. Walser se réclame de ce peintre nouveau qui ne peut encore directement regarder " in sich " ( Cf. le surréalisme ) " Il n'y a que des fumistes pour vouloir étudier, peindre, et rassembler des observations, écrit-il dans l'Institut Benjamenta. Qu'on vive d'abord, et les observations se feront d'elles-mêmes." Et il se tourne, gêné par son audace, vers la nature dans la mesure où il a une vision parcellaire de cette réalité qu'il agence, ordonne et unifie dans le rêve. On est loin des élans passionnés des écrivains romantiques, cependant, puisqu'il éprouve à l'égard de cette nature les mêmes sentiments qu'une mère a pour son fils. Cette faculté de voir doublement lui permet de reconquérir le monde des hommes en donnant un nom aux choses, et en comprenant ses contraintes." Eine ganze Generation , écrit métaphoriquement Walser dans Eine Art Bild, war anschienend aufs Wandern im Freien versessen. Nun ist ja häufiges Umherspazieren zweifellos gesund, verführt jedoch anderseits, uns illusionistische Lebensauffassungen anzueignen, d.h sich über sich und die Mitwelt angenehm zu täuschen." Pour Frenhofern, dans Le chef-d'ouvre inconnu de Balzac, la ligne est une pure création humaine pour suppléer à la béance qu'il suppose entre lui et la nature. La ligne n'évoque que cette intention avortée de coloriser la nature. Pour cette dernière, nous dit le maître, tout se tient : le rouge des feuilles d'Automne, diluées par la rosée du matin, s'atténue dans le blanc du ciel . Tout doit être subordonné à de telles compositions de couleurs, lesquelles n'interviennent en rien dans les contours, remplissages ou autre débordements. Paradoxe : la nature ne déborde jamais, et cependant elle ne peut se limiter à un simple coloriage d'espace. Devant Catherine Lescault, son modèle imaginaire, voilà les propos qu'il tient : " vous ne vous attendiez pas à tant de perfection !Vous êtes devant une femme et vous cherchez un tableau. Il y a tant de profondeur sur cette toile, l'air y est si vrai que vous ne pouvez plus le distinguer de l'air qui nous environne. Où est l'art ? Perdu, disparu ! Voilà les formes même d'une jeune fille." Ce discours, en contradiction avec la leçon de choses tenue par Porbus, met cependant en exergue le modèle au dépend de la toile, lequel est sorti de son cadre et se promène dans la réalité. Seul l'artiste, fatigué par sa longue quête, voit réaliser son chef d'ouvre : " ce vieillard, écrit le romancier français, était devenu, par une transformation subite, l'Art lui-même, l'art avec ses secrets, ses fougues et ses rêveries." La vision balzacienne de l'artiste sublime imprègne cette allégorie, dans laquelle l'art, chagrin, à la fois synonyme de vitalité et de démesure, consumerait l'homme et le grandirait. On perçoit ce double mouvement dans les poèmes en prose de Robert Walser, mais ce dans l'unité de l'écriture.

1.3. Le mot en mouvement.

1.3.1. L'alphabet des couleurs.

Il convient de fixer quelques termes génériques avant de montrer l'art walsérien donner au quotidien, au banal une tonalité esthétique manifeste. Les images sont dans son esprit semblables à des " coupes ", des instants en suspension qui n'appartiennent aucunement au mouvement. Cette fixité imprègne par exemple le travail de Cézanne dont les pommes ne tombent jamais de la table ni ne s'échappent hors du tableau comme si elles étaient maîtrisées dans leur élan par la main de l'artiste. A l'instar du peintre français, Robert Walser écrit d'un seul jet, se relit rarement. Jamais il ne lui vient à l'idée de tracer un quadrillage qui délimiterait sa pensée. Au moment de l'énonciation, l'émerveillement du regard est tel que le mot acquiert sa propre centralité. Il est doublement motivé : par sa substitution par rapport à l'objet pictural et par le regard substantiel que lui porte l'écrivain. Cette tension entre " Gleichnis und Rapport " est sensible dans Das Alphabet, publié en 1921 dans le " Neue Zürcher Zeitung." " A reitet als Amazone durch eine Allee. Was für ein nobler prächtiger Anblick. Ick könnte mich in die schöne Gestalt beinah's verlieben. B ist ein Berg. Du bist ja auch ein Freund vom Bergsteigen. C bleibt unbestimmt, aber in D seh'ich eine Droschke, die ins Land hinausfährt. Gern möcht'ich auch mit drinsitzen." Walser épelle dans le poème son alphabet de manière à rendre l'association poétique la plus vibrante correspondant à la forme de la lettre. Le C ouvre sur le monde, il ne circonscrit l'espace que pour mieux lui découvrir d'infini. Le langage se comprend comme une promenade (Cf. récurrence des verbes dynamiques.) L'arc-bouture du A évoque dans l'esprit de Walser une fière amazone chevauchant son destrier et partant à la conquête des vingt-cinq autres lettres." M gleicht der Meer. Ich und du und noch jemand Drittes ergingen uns am kühlen, blumingen Ufer. Du denkt doch noch bisweilen daran ! N stellt sich als mondhelle Hacht dar. Ich stehe und schaue wie ein echter Poet mit Lockenhaar zu den Sternen hinauf. Locken hab' ich zwar leider keine." Crescendo, l'écrivain va au contact des mots poétiques de telle sorte qu'il se construit, à part égal avec le lecteur pour qui il fait don de son émotion esthétique, un monde étoilé. Le poète, dans l'esprit de Walser, apparaît comme celui qui, depuis le langage, écoute une musique sourde, une musique que seul rend compte le choc des mots. ( Cf. le jeu des chuintantes et des dentales dans " ich stehe und schaue wie ein echter Poet." ) Cette tentative de synesthésie rend des sons rimbaldiens." A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles " écrivait le poète maudit. Robert Walser, de prime abord, ne semble pas écrire la couleur par les seules voyelles. Son poème jaillit dans le blanc de la page comme un éclatement solaire. Depuis cette amazone, cavalière effrayée par " l'avenir " du texte, le narrateur a réfréné ses intentions picaresques, voire exotiques. Il a posé sa plume afin de mieux s'éprendre de cette " mondhelle Nacht." L'écriture walsérienne naît de l'écriture elle-même, qui, non contente d'avancer sur la page, crie son besoin de conter par la couleur toutes les harmoniques de la nature." M gleicht dem Meer " :dans ces tableaux successifs, l'écrivain donne à penser différemment le mot. Pénurie d'adjectifs dans de telles évocations qui mettent à profit l'élan interne du texte, les adjectifs comme " mondhelle " ou " unbestimmt " portant le véritable sens. Par l'écriture, Walser réussit à exorciser ses vieux démons et se réconcilie avec la Lumière." S breitet sich wie ein See, T leuchtet als goldiger Tag, U wird wohl der Ulmerdom sein. V hör'ich Vöglein singen, bei W weht ein Wind, der den Wald rauschen macht. X hat nix. Über Y weg komm 'ich zu Z, einem Zeitungsbureau und gehe mein Alphabet ab." Fait à noter : le U walsérien évoque directement le poème rimbaldien, en ce sens qu'il s'associe à la nature. Dans cette ultime strophe, l'écrivain mobilise les quatre éléments comme pour appuyer l'idée d'une nature poétisée.

" U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux. "

Arthur Rimbaud, à travers ces formes elliptiques, révèle déjà l'immédiate présente du langage. Le vent, l'eau et le soleil fonctionnent dans das Alphabet aussi comme trois déités : la mer, par exemple, est vue de manière identique, enlevée par ce " Wind " compris comme le symbole de l'âme agissante de l'artiste. Le thème de la terre, associé bassement à "Zeitungsbureau " permet de faire la distinction avec un poème traditionnel. Il renvoie à ce qui porte au plus près l'écriture walsérienne, c'est-à-dire l'acte d'écrire lui-même.

1.3.2. L'écriture fantaisiste chez Walser.

Astrid Stark cherche à démontrer que Les Enfants Tanner joue avec le regard comme s'il s'agissait d'une arme pour échapper à une écriture trop aliénante. Simon, selon elle, s'amuse avec les formes subversives de ce regard qui le place dans un monde de ' l'entre-deux', entre la double vision du critique et celle présente de l'homme. Cet article s'insère dans notre approche critique de la peinture, car il jette une attention autre sur la compréhension de l'être et du paraître, et sur le problème de la représentation en général. Selon Walser, ceci transparaît clairement dans ses poèmes en prose, Walser n'attend rien de ses sujets. Il agit comme s'il était unique maître de sa destinée, et de ce fait, accorde maigre intérêt, en apparence du moins, au regard des autres. Pourtant, sans être assujetti à une quelconque force, il s'effraie souvent à l'idée de ne pas recevoir en échange les regards qu'il donne. Monsieur Meili, par exemple, ne lui rend pas, dans La Promenade, sa malicieuse oillade. Séjournant chez sa sour, Simon éprouve le regard de la nature, l'apprivoise, joue avec lui comme d'un " faisceau dans lequel on peut se déplacer." De retour dans la grande Ville, une impression de manque le tenaille et lui fait prendre conscience de son atrophie. Débat roussauiste entre la nature et la culture, Les Enfants Tanner apparaissent comme une "cristallisation des aspirations de Simon et leur matérialisation visuelle." Cette remarque rend la définition de la peinture plus juste, elle lui assigne une dimension temporelle. Robert Walser la comprend comme une fulgurance de couleurs à l'intérieur d'un cadre fixe. Les images sont comme fixées sur la cimaise du temps, mais agitées dans un grand vent de couleurs. Le rêve et la fantaisie inversent les données initiales et régulent le flux de réalité jusqu'à en apaiser la représentation. Avant que l'écrivain ne porte son attention sur le mot objectivé chaise par exemple, celui-ci n'avait aucun poids esthétique. Le lecteur de Walser voit pour la première fois cette chaise, restituée avec passion, et continue, angéliquement, la promenade qu'a engagé ce dernier avec les mots.

2.1. La figure de l'ange.

Quelques occurrences permettent d'affirmer que cette utilisation de la figure angélique dans les Prosastücke n'a rien d'hasardeux ni d'abusif. Elle répond à une volonté signifiante des plus manifestes. L'ange walsérien est caractérisé par sa légèreté et sa blancheur, il s'ébat dans les cieux sans se soucier de l'attraction terrestre. Il est seul capable d'atteindre à une conception purifiée du monde, de se placer entre cette terre qu'on éventre d'un sillon et celle-ci, plus dansante, qu'on foule lors d'une promenade, et l'écrivain se prête volontiers dans ses écrits à de telles évocations. " Du ciel s'ouvrant comme un rideau, décrit-il dans Les Enfants Tanner, un ange venait de s'élancer vers la terre."

" Einst dem Grau der Nacht enttaucht
Dann schwer und teuer
Und stark vom Feuer
Abends voll von Gott und gebeugt

Nun ätherlings vom Blau umschauert,
Entschwebt über Firnen
Zu klugen gestirnen."

Etablir une relation entre Robert Walser et Paul Klee est pure fantaisie dans la mesure où il semble ne s'être jamais rencontrés ni avoir parlé l'un de l'autre. "Une étonnante coïncidence, rapporte cependant Carl Seeling : je lui raconte [à Walser bien évidemment] que j'ai appris par son frère Karl que quelqu'un avait proposé à Cassirer de faire illustrer les poèmes de Robert et de Morgenstern par Paul Klee. " Et d'ajouter, presque désappointé: "Mais Morgenstern, qui était à l'époque lecteur aux éditions Cassirer, avait décliné cette proposition parce qu'il trouvait Klee trop maniéré. " Une relation de principe se dessine entre les textes walsériens et les tableaux de Paul Klee. Tamara S. Evans compare Walser à un "Paul Klee in prose " en esquissant des affinités entre les deux hommes. Dans sa démonstration, la " ligne active " a ceci de nouveau qu'elle renseigne sur la relation entre le trait incisif ou caressant du peintre et le pas traînant ou alerte du promeneur. Mais cette linéarité walsérienne se ressent aussi dans la totale compréhension de l'espace et du temps. De montrer que " the structural impact of Walser's poems can be better understood with the help of Klee's theories concerning linear principles. " Le poème-tableau de Paul Klee, einst dem Grau der Nacht enttaucht, est composé de manière
instable, et cet " équilibre instable " pour reprendre le titre d'une toile du même Klee, est également reconduit par l'emploi dichotomique et isotopique des milieux aqueux et aérien. Même si la figure de l'ange n'est pas implicitement développée, son double mouvement est figuré par les verbes " enttauchen " (surgir) et " umschauern." (s'envoler) ." Les lignes, constate Bonfand, ne représentent pas l'ange, elles sont l'ange. " Bachelard ne doit ni rester en marge d'une possible interprétation psychanalytique de ces sept vers, qui, comme nous l'apprécierons, transparaissent aussi chez Walser, ni faire oublier une possible rêverie des éléments dans son travail. Entre les deux strophes s'établit un jeu sonore entre le Blau et le Grau, la couleur de " l'entre-deux " pour le peintre, entre l'élévation et le nocturne. Klee rencontre la couleur en Tunisie lors de son séjour avec Moilliet, et Auguste Macke. " La couleur me possède, écrit-il dans son Journal. Point n'est besoin de chercher à la saisir. Elle me possède, je le sais. Voilà le sens du moment heureux : la couleur et moi sommes un. Je suis peintre. " A partir de cette épiphanie, Klee se démarque de ses acquis et de ses influences pour mettre en pratique un art dans lequel le Moi se lit " d'après nature. " Cependant, cette explication binaire masque l'explication logique du poème de Paul Klee. En effet, celui-ci omet d'apposer un sujet à ces deux phrases si l'on peut ainsi les définir. Qui parle ? De qui est-il question ? Le déroulement de l'ensemble impose un sujet renvoyant plus implicitement à un " hors-texte ", à un "hors-tableau." Le titre de la toile, habituellement fort empreint de poésie, s'affirme ici comme la reprise décevante du premier vers. Un passage emprunté aux Enfants Tanner jette un nouvel éclairage sur le tableau. Walser écrit à propos de Simon : " il aimait en été le passage du soir à la nuit, ce lent effacement de la forêt rougeoyante dans l'obscurité finale de la nuit." Robert Walser semble moins tourmenté que Paul Klee ; le glissement du soir à la nuit s'opère également à l'intérieur de deux phrases, mais cette fois, celles-ci sont juxtaposées. La première reprend les substantifs " soir " et " matin ", la seconde la thématique du feu et de l'opacité. Le " je " du narrateur s'affiche chez Walser avec beaucoup plus de prise, il s' étend sur la description de telle manière que la référence à Dieu demeure inutile. Klee, au contraire, n'affirme pas ce " je ", ou plutôt, il l' enferme dans des mots-prison tels que " umschauert ", ou encore " klugen." Les deux esthétiques se confrontent sans jamais s'être connues. Dans son poème-tableau, Paul Klee distingue le poème du tableau dans la mesure où ils ne reprennent pas les mêmes thèmes. Pour lui, peinture et littérature, quoiqu'en dise Kandinsky lorsqu'il parle de son principe de nécessité intérieur, ne seront jamais parfaitement identiques." Les mots, écrivait Kandinsky, ne sont et ne peuvent pas être autre chose que des allusions aux couleurs, des signes visibles et tout extérieurs. C'est cette impossibilité de substituer à l'élément essentiel de la couleur le mot, ou tout autre moyen d'expression, qui rend possible l'Art Monumental." Ce projet d'Art Monumental se retrouve dans la peinture polyphonique de Paul Klee et, à moindre égard, dans l'écriture promenade de Walser. Bien que le poème soit incrusté dans le tableau, celui-ci n'est pas traduit d'après ce qu'il dégage. Le gris et le bleu chromatiques ne se répondent pas aussi ouvertement que dans la poème, comme si la couleur grise figurait l'équilibre retrouvé entre le blanc et le noir. En effet, sur la palette de Klee, le gris ajoute un peu d'innocence au noir, mais aussi un peu d'opacité à cette même innocence. A l'intérieur d'un tel espace manichéiste, le flamboiement écrit différemment par Paul Klee et Robert Walser pose un problème de compréhension, ou plutôt non, car il évite toute interprétation délictueuse et complaisante. Ce flamboiement ne renvoie nullement à une conception artistique de l'Enfer bien que le contexte de la Grande Guerre ne soit pas effacé des mémoires, ce flamboiement est tout simplement celui de la couleur. Instant de feu au cours duquel le soleil incandescent se noie dans le bleu noir de la nuit, instant de plénitude où le gris peut rivaliser avec le bleu : Klee tente d'approcher par l'écriture et par la peinture un moment de rupture. " La ligne de texte, commente Michel Butor à propos du poème de Klee, soigneusement manuscrite, possède un vecteur d'autant plus puissant qu'elle est langue.(.) Notre oil doit suivre ce trajet pour comprendre. " La lettre, selon Butor, s'enfante dans un sol chromatique, elle croît à l'ombre de la couleur du tableau. Dans le poème de Paul Klee, on devine un va-et-vient continuel entre le mot, c'est-à-dire le poème, et la lettre, c'est-à-dire la couleur. La nasale " n " de Nacht, par exemple, permet de faire la distinction entre deux teintes de marron de part et d'autre de la diagonale. Elle a comme substrat naturel la couleur. Cette capture de l'instant liminaire est particulièrement prégnante dans le tableau Séparation du soir (1922) figuré par deux flèches, l'une montante, l'autre descendante. Klee n'a pas la rigueur mathématique de Mondrian, et ses deux pivots portent en eux le signe de leur inefficacité dans la mesure où l'artiste tente là d'expliquer une alchimie de couleurs en dosant de manière infinitésimale ce qui n'est qu'une impression immédiate. Le poème de Klee peut se comprendre comme une réflexion sur le temps et sur le mouvement du temps : quatre actualisateurs temporels se déséquilibrent et donnent une unité interne aux sept vers. " Paul Klee s'en prend à l'éphémère " lançait Roger Vitrac. Avec le " einst " ( jadis), on appartient encore à une sorte d'écriture de conte, à un temps hors le temps, le " dann " ( ensuite) lui procurant une impulsion qui, bien qu'une chronologie n'ait pas été établie,la recentre dans un présent plus palpable. Progressivement, le temps devient déliquescent et se restreint jusqu'à ce " nun " qui rappelle étrangement le " hic et nunc " du poète." " Klee and Walser freed themselves provocatively from the representation of space and time as separate categories. Clocks and yardsticks were buried either to recreate a world uncorrupted by cognition or to create a world structured by the impulses of the self. " La langue poétique, constate Alain Bonfand dans un essai sur le peintre, se veut alors, dans l'ordre des mots, l'analogue des dessins. " Dans une sorte d'alphabet glagolitique, le peintre travaille à traquer l'invisible, à le faire sortir de sa tanière afin de l'exposer au grand jour. " On peut lire et comparer toute chose visible et claire, écrit Robert Walser dans Ballonfahrt. Il y a sur toute chose une clarté presque brunâtre. La belle nuit de lune semble prendre le magnifique ballon dans ses bras invisibles. " Seul, " l'oil unique " de l'écrivain ne réussit pas à pénétrer l'opacité des choses. Son imagination l'entraîne au-delà des formes visibles jusqu'au plus proche de leur substance. Dans son art, la couleur joue un rôle prépondérant dans la mesure où Klee a su en exploiter au mieux les combinaisons à l'infini, du plus chatoyant au plus subtil, du plus sombre au plus ténu. Ses promenades au royaume des monstres, ou encore de l'opacité, confèrent à son travail une sorte de prescience. Cette dichotomie entre visible et invisible rappelle la leçon esthétique de Paul Klee qui écrivait dans son Journal : "Ce que nous voyons est une proposition, une possibilité, un expédient. La vérité réside d'abord invisible à la base de toute chose. " Et de poursuivre : " Du point de vue chromatique, ce qui nous fascine n'est point l'éclairage, mais la lumière. La lumière et l'ombre constituent le monde graphique. " Chez le peintre, deux mouvements se laissent apprécier : la tonalité (du clair vers l'obscur), et le chromatisme. La ligne, au centre de son expérience artistique, porte les secrets espoirs de cette quête angoissée jusqu'à devenir elle aussi une quête angoissée. Elle " se trouve au premier plan de l'intérêt visuel " , elle forme des abstractions à même de répondre à son engourdissement. Parvenu à la Vision - aveuglante quête-, il peut à l'infini être imprégné par la musicalité, la plasticité de son ouvre. Le regard du peintre se fait multiple, sa création devient 'polymorphique', polyphonique. Cette démultiplication du voir initial est sensible dans la toile Routes principales et routes secondaires. La parallèle verticale allonge les limites, donne à l'ensemble une force nouvelle en même temps qu'elle le canalise. L'échelle choisie par Klee renforce l'impression de rigidité et se prête à cette ascension vers les derniers échelons de la toile. Les droites parallèles découpent l'espace et le subdivise de façon à pervertir le bon déroulement du mouvement linéaire. Dans ce tableau, ce n'est plus l'épaisseur du trait qui témoigne ou non de l l'importance d'une route, c'est la linéarité, son parallélisme, " la troisième dimension adjointe par le faux semblant de la perspective " pour Klee.

2.2. Mise en place d'un travail structurel.

Robert Walser entend, quant à lui, la parallèle comme " la progression simultanée, prolongée, côte à côte, de divers désirs, intentions ou inspirations qui ne sont pas semblables à s'y tromper. " L'écrivain nous explique le principe régissant sa démarche critique, il préfère l'idée d'un " équilibre instable " à l'imitatio insipiens. Au contact de la toile, de nombreuses impressions de lecture naissent : le peintre semble s'être approprié l'espace afin de figurer et l'horizontalité et la verticalité d'un paysage. Cette montée de lignes et de couleurs vers le haut du tableau dégage un chemin, jusque là invisible, de singularités qui conduit le regard. " Walser's treatment of linear structures is thus comparable to Klee 's écrit Tamara S. Evans. By shifting balances, by making minute additions or omissions, both Klee and Walser are playing with simple formal elements until a counter world of complexities and ironies is created. Walser's poems and Klee's drawings are studies in structural as well as semantic antitheses and ambiguities. " Tamara S. Evans a laissé une question sans réponse : les tableaux de Walser et les poèmes de Klee répondent-ils à un tel fonctionnement ? Il ne semble plus l'heure pour démontrer le poids sémantique de l'image chez Walser, ceci nous ayant mené jusqu'ici. L'enfance de Paul Klee, pour sa part, a été bercé par la lecture des tragédies classiques, des romantiques allemands ou des " burlesken und kritischen Geister : wie Rabelais und Voltaire. " Sa sensibilité le porte au contact de " l'expressionnisme berlinois ", du mouvements dadaïste au sein desquels son besoin radical de provocation trouve une pleine expansion. L'art réfractaire prôné par Tzara donne à ses tableaux une impulsion poétique qui prend source dans un ailleurs esthétique. " Neben der Umkreisung des Dichterischen von der bildnerischen Seite her erscheint das sprachliche Element als starke künstlerische Potenz in Klees Werk und er selbst als Schöpfer des Wortes, dem eigentlichen Medium der poetischen Vision. Denn Sprache ist für Klee durchaus nicht nur ein rationales Mitteilungsinstrument, sondern Sprache erfährt bei ihm immer eine eindrückliche poetische Erhöhung. " Le tableau Tout le monde suit peint par Klee en 1940 renseigne parfaitement sur cette constante lutte entre la recherche d'une poésie riche et la toute puissance de l'image. Par son allure grossière en apparence, la toile de Klee renvoie à la maturité et à l'expérience de son auteur. Grise ( notons l'importance de ce juste milieu entre la naissance et la disparition de la couleur), elle nous présente à plat une succession de 'personnages' à qui l'on tarde à prêter le nom d'humain. L'homme-fanfare, à l'extrémité de ce cocasse défilement, serait la plus proche représentation de l'homme, il tient comme Mademoiselle Benjamenta ses Mitlaüfer à la baguette. Enfilée dans une coquette toilette, une dame du mode accompagne une précieuse à la coiffe extravagante. Toutes deux pérorent, jacassent pendant que Monsieur le dandy se croise les jambes en attendant son heure pour entrer dans le tableau. Sa position excentrée dans le tableau, ainsi que la surface qu'il occupe, le rendent insignifiant. En fait, on devine comme une progression de cette surface dès l'instant où le regard se rapproche du chef d'orchestre, une sorte d'amplitude spatiale et temporelle. L'homme se relève, il n'a plus honte de sa condition dans un premier temps. Il se découvre ensuite une intériorité qui le force à se vêtir. Recouvert d'un vêtement, il peut choisir de partir découvrir le monde et attirer vers lui toutes les possibilités de découvertes.

2.3. Kandinsky ou " le tournant spirituel. "

Klee et Kandinsky ont appris à se connaître au Bauhaus de Weimar et leurs ouvres respectives ont subi les effets de cette amitié. Cette " maison de la construction ", voulue par Walter Gropius, se voulait une union entre les Arts et l'architecture. Un tableau de Klee, Livre ouvert (1930), appréhende la réalité comme une création mathématique de l'esprit. Le peintre part d'un triangle isocèle mais se refuse à lui adjoindre un autre triangle isocèle pour ne pas poursuivre l'équilibre qui " dérange. " Toujours cette limitation de la forme : un carré donne toujours un carré. C'est pour cette raison que Klee baigne l'un dans l'autre, sans frottements. Il préfère la sobriété, l'égale mesure dans la restitution de ce livre ouvert. Progressivement, le peintre nous convie à des assemblages de plus en plus audacieux, dans lesquels on perçoit une troisième dimension, la " pensée de derrière ", dans la tranche. Dans celui-ci, objectivé, on retrouve la tranche, la deuxième de couverture, quelques feuillets, mais aussi, ce qui peut surprendre, une échelle. Cette norme de construction, au bas de l'objet livre, donne au lecteur un angle de vision possible de son ouvre, mais n'impose aucunement une lecture de l'ouvre. Walser joue aussi de cette perspective changeante en modifiant les points de vue et en multipliant les angles de compréhension de manière à ce que " quelque chose, qui de soi-même ne faisait pas le poids, gonflait et montait à la surface dans [le] livre. " Kandinsky compare dans Du spirituel dans l'art l'humanité à un triangle qui aura ce " mouvement à peine sensible avance et monte lentement. " . Tandis que Nietzsche et Kant mettaient à mal la conception universellement reconnue de la nature en tant qu'entité stable, et ainsi bousculaient la vision matérialiste de la réalité, Kandinsky, dans son essai, retrace les moments qui l'ont conduit à préférer ce qu'il appelle " la nécessité intérieure. " Le peintre refuse les préceptes du mouvement de " l'art pour l'art ", lequel ne se fait l'écho que d'une beauté toute ornementale, et préfère trouver, par son enthousiasme créateur, une voie dans laquelle il puisse pleinement se satisfaire. " L'objet de sa recherche n'est pas l'objet matériel concret auquel on s'attachait exclusivement à l'époque précédente - étape dépassée-, ce sera le contenu même de l'art, son essence, son âme sans laquelle les moyens qui le servent ne sont jamais que des organes languissants et inutiles. " A aucun moment, Kandinsky, ou Klee, .ou Walser ne parlent pas de l'inutilité de leur art, ils s'interrogent sur l'essence même de cet art qui leur procurent tant de joie. Implicitement, ils soulèvent une question fondamentale : que dit un artiste quand il crée ? L'impressionniste se bornait à rendre compte de leur Moi baignant dans une nature lumineuse, mais cette esthétique semble en ces années d'avant-guerre se fragiliser au contact d'un moi du peintre qui ne se trouve plus en face d'une nature à reproduire mais d'une infinité de couleurs et de formes à agencer en vue d' une harmonie presque originelle. La peinture moderne entend jouer avec tous les registres et toutes les modulations de l'art (musique, poésie, architecture, littérature.) car ils pressentent q'il existe un " tournant spirituel " capable de fédérer les différents modes de pensée. Pourtant, dans l'esprit de Kandinsky, reconnaître une relation entre musique et peinture par exemple ne revient pas à substituer les deux arts. Tous deux se complètent sans que jamais l'un puisse se faire l'écho parfait de l'autre. " Un mot qu'on répète, jeu auquel la jeunesse aime à se livrer et qu'elle oublie ensuite, finit par perdre toute référence à son sens extérieur. La valeur devenue abstraite de l'objet désigné disparaît ; seul, le 'son' du mot demeure. " Cette dénaturation du réalisme produit et conduit à l'abstraction de l'art : le peintre, néanmoins, refuse l'abstraction pure, sans autre sujet que l'abstraction elle-même. Dans son travail, il entend supprimer les contours par trop précis de l'objet, les démembrer pour en mieux savourer les nouveaux contours. L'objet n'est plus inspiré par la nature tel que pouvait l'être un arbre par exemple, il en revêt la forme sans que cela signifie qu'il soit évincé d'un tel système de compréhension du monde. Dans la mesure où l'artiste n'est plus réfréné dans son élan créateur, et que la nature ne lui impose plus de schémas conceptuels précis, il se décharge sur la feuille de ses impressions les plus tenaces. C'est la répétition d'un objet qui lui confère une certaine stabilité, une existence dans le mot. La couleur agit différemment sur le spectateur qui doit l'entendre respirer. L'essai de Kandinsky jette les bases d'un nouvel art où tout devient possible grâce à l'infinie puissance de la couleur, des formes et des objets eux-mêmes. Paul Klee ne voulait guère d'un tableau photographique reproduisant la surface de l'objet, désirant davantage s'insérer à l'intérieur de chacun. Ainsi, Alain Bonfand, dans Le geste en sursis, note une étrange relation entre sa sclérodermie et la surface de ses toiles. Il parle, référence faite à Aloïs Riegl, d'un espace haptique, propre au toucher. " Difficultés de l'écriture, son épaisseur dès l'origine, écrit l'écrivain français Michel Butor, tout l'espace laborieux de son invention, de son apprentissage, de sa pratique, tous ses entours : bâtons, brouillons, ratures. " Robert Walser agit de la sorte lorsqu'il critique la peinture en articulant ses réflexions autour d'un mouvement introspectif. Ce " mouvement simple que rien d'extérieur ne paraît motiver cache un trésor immense de possibilités " écrit Kandinsky. Et de poursuivre : " On ne le sent jamais mieux que lorsqu'on est plongé dans des pensées abstraites. Elles arrachent l'homme au train-train utilitaire de la vie quotidienne. " Le promeneur walsérien côtoie ce " mouvement simple " à partir duquel il peut penser l'abstraction. Et Kandinsky, à vouloir qu'on le compare à Walser, ajoute la danse à son " Art Monumental ",conscient que cette dernière retranscrit ce mouvement de l'intérieur.

Cependant, remarque Renata Buzzo Margari, Walser et Klee ont " une façon tout à fait opposée de comprendre le rôle de l'homme et de l'artiste dans la société." Et de poursuivre : " Klee cherche donc à reproduire la réalité dans sa structure originelle (.) Chez Walser, on note au contraire une sorte de défiance envers son moyen d'expression." La visibilité dans son travail ne relève que d'une incompréhension et d'une disparition face au monde réel. Conscient de cette atrophie, Paul Klee avoue dans son ouvre une impossible tentative pour remonter aux premiers balbutiements du monde, pour symboliser la création , pire, pour vivre. L'écriture, un vague souvenir des hiéroglyphes vus lors de son voyage en Egypte en 1928, sonne comme " la dernière tentative d'approcher du réel, son ultime mode de représentation." " In seiner weiteren Entwicklung aber war Klee immer mehr zu den 'Müttern', zu den Urquellen herabgestiegen, um zu einer symbolhaften Bildsprache vorzudringen, mit der er Begriffliches und Emotionales zu fassen suchte, Symbole, die nicht attackierten, sondern die 'tröstend' waren - wie er es formulierte-, weil sie über den tragischen Einzelfall hinauswiesen in eine höhere Welt der allgemeingültigen Beziehungen und Gesetze. "

CONCLUSION

Il n'est plus temps de considérer les rapports de Robert Walser avec la peinture européenne. Sans être explicitement dites, de telles connexions sont fondées sur une conception nouvelle de la création esthétique, comprise comme une réconciliation entre le pictural et le verbal. La plume walsérienne devient un pinceau qui apprend à rendre toutes les 'fluctuances' de la nature. " Tout cela, lit-on dans Les Enfants Tanner, on pouvait le voir distinctement sur le mur que regardait Simon, qui avait beau n'être qu'un mur, qui n'en reproduisait pas moins le tableau d'un dimanche heureux parce que le reflet de ciel bleu y respirait." Parler de peinture est dans l'esprit de l'écrivain l'occasion d'une projection au devant de lui-même. Le texte critique fonctionne comme un premier niveau de compréhension à partir duquel l'écrivain peut rendre compte de sa relation avec la peinture. La relation qui unit l'écriture et la peinture ne s'exprime pas en terme de tension, mais plutôt de dualité. Le commentaire de Walser parlant de peinture est tout en contrastes, ses mots s'élancent vers le ciel pour signifier le moment entre l'émoi et la mise en écriture de cet émoi. Il semble que l'écrivain cherche à entraîner son lecteur dans une folle chasse à travers la vie et l'ouvre du peintre, dans ce qu'elles recèlent de plus intime et de plus original. "Si rapide, l'oil du peintre, et si lente, si lourde peut être sa main" confesse-t-il. D'une nature peut-être trop romantique, il embrasse les élans du siècle avec un tel détachement qu'il est impossible de lui reconnaître des influences artistiques. Il ne se réclame d'aucune école, d'aucun maître, mais en même temps, il s'identifie si pleinement à ceux dont il brosse le portait qu'il évite tout isolement. On lui devine des périodes d'écriture influencées par le Jugendstil, ou l'expressionnisme allemand, on s'accorde à reconnaître dans son parcours trois moments au cours desquels son style s'aiguise sous l'influence de telle ou telle circonstance. C'est en particulier le cas lorsque son frère Karl contribue à lui ouvrir les portes des cénacles berlinois. Ils se découvrent les mêmes enthousiasmes pour le théâtre et la peinture. A Berlin, Walser ressent le talent comme une affaire de rencontres et d'intérêts communs. En dépit des illustrations de son frère, ses livres ne se lisent pas et pire, attirent des commentaires critiques. Ces dernières jettent un regard autrement plus complexe sur la production littéraire de Robert. La forme poétique de sa peinture entre souvent en concurrence avec la peinture réaliste de Karl, mais on dénote une influence manifeste entre les deux démarches esthétiques, une formulation identique entre la prouesse raffinée des huiles d'une part, et l'ironie et la candeur délibérée des mots de l'autre. Ce contact n'agit pas de manière sporadique, il intime une existence à leur lecture créatrice du monde, à la différence près, peut-être que pour Robert, "l'art doit se placer avant tout sous le signe de la vraie vie." Sans trop y croire, celui-ci tente de courir là après les honneurs, mais il finit par écrire sa propre disparition. Dans son esprit, la ligne et le mot s'entremêlent afin d'imprimer une dimension totalitaire à lacréation, et un parallèle prégnant entre l'image ( picturale ou verbale ) et le temps humain. Ce qui perdure dans les textes de Walser consacrés à la peinture, ce n'est pas tant l'idée d'une fuite du temps que la conscience d'une écriture consciente de s'écrire à l'intérieur d'un mouvement ordonné. Désireux de déconstruire le temps de l'expérience, l'écrivain compose essentiellement avec une représentation spatiale et temporelle de la peinture.

L'influence de Walser sur nombre d'artistes contemporaines marquent ce renouveau de l'écriture plurielle, d'un choix distancié entre le verbal et le pictural. Dans son article, Towards a promenadology and about peripheries, Hans-Ulrich Obrist recense quelques photographes, en particulier, qui se sont inspirés de l'ouvre walsérienne pour signifier cette discordante ressemblance entre "erzählte Bilder" et "gemalte Texte."Le photographe allemand, Thomas Ruff, par exemple, organise, comme Walser, l'espace en complémentarité avec les objets qu'il désire voir de manière à ne pas donner à sa composition un sens de lecture unique. Une impression d'impersonnalité habite ses clichés qui ne cherchent pas tant l'originalité qu'une certaine pertinence dans le quotidien. Thomas Ruff ressemble en cela à Walser qui s'interroge toujours, même de la plus allusive façon, sur le pouvoir des images. Ce qui transparaît au premier abord dans les séries de Thomas Ruff, c'est la présentation progressive des personnages, leur dévoilement depuis le plus profond de l'espace photographique. Mais cette excitation temporisée de la pellicule laisse une image fragmentée par de nombreux détails qui, bien qu'inspirés par la nature, rendent une tonalité abstraite. Jamais l'objectivité nuancée de Robert Walser ne parvient à un tel vis-à-vis face à la réalité. Parlant d'un tableau, l'écrivain semble se souvenir qu'il n'en est qu'un des spectateurs. Sa voix a l'humilité de l'enchantement, elle se porte un étonnement enfantin sur quelques coups de pinceau bien couchés. Hans-Ulrich Obrist est d'avis que le Lyonnais Paul-Armand Gette s'inspire dans son travail des promeneurs walsériens sans développer davantage cette association. Il est au cour de ce débat walsérien entre science et arts, peinture et photographie, texte et image. Sa formation scientifique lui procure les dispositions nécessaires pour photographier les choses les plus quotidiennes, mais en cela les plus admirables. " Ce qui met mal à l'aise une partie du public, ce ne sont pas les images que je montre mais celles qu'ils imaginent" pense ce dernier. Le monde minéral tient dans son imaginaire un rôle déterminant qui cristallise toutes ses inspirations poétiques. Il répond en 1992 par l'affirmative à la suggestion du fonds auvergnat d'art contemporain pour réaliser une exposition sur la chaîne des Puys. Au gré de ses excursions, son regard se porte sur cette terre volcanique qui a jeté sur son chemin des morceaux de basalte et blocs de lave. " Au fur et à mesure que se précise l'identification de P-A Gette avec sa recherche sur la Nature, écrit Marie Lapalus dans le catalogue de l'exposition, son champ d'investigation se rétrécit, devient banal ou bien l'exotisme est désigné de manière dérisoire. (...) La réalité géographique, géologique, morphologique est annulée par la juxtaposition d'éléments qui relèvent des lisières, des marges ou plutôt de la marginalité. La mosaïque d'images, de notes, de dessins rassemblés tend à montrer, comme chez Claude Monet, l'insignifiance du sujet pour le seul plaisir de la variation." Paul-Armand Gette refuse, comme Walser, de ne considérer que la partie visible du monde, et par-là même démontre l'impossibilité d'une création esthétique par un "oil unique." "Il est assis là, le visage penché en avant, comme s'il devait être prêt pour le saut mortel dans l'image de cette belle profondeur, écrit Walser dans Kleist à Thoune. Il voudrait expirer en elle. Il voudrait n'avoir plus que des yeux, n'être plus qu'un oil unique." Cette pensée a quelque chose de tragique: l'écrivain se reconnaît des possibilités de création infinies, mais en même temps il a le pressentiment que celles-ci le fragilisent et le détruisent. L'essentiel de la réalité walsérienne se traduit par ce mouvement périlleux dans l'image, en même temps qu'il progresse vers une restriction de son exploration. Il lui semble impossible d'atteindre l'émoi esthétique, et ce jusque dans les formes que prend sa création. Il jalouse les peintres qui dans leur élan ne travestissent pas la réalité, mais qui laissent au temps l'occasion d'une ivresse. Ce péché d'envie le grandit puisqu'il provoque de telle façon la peinture qu'il parvient à une expression transcendante de sa poésie. Robert Walser ne s'est jamais essayé à la peinture, pas plus qu'à la photographie. Il aurait pourtant excellé dans cette dernière discipline en cherchant à figer sur la pellicule un passé reconquis et à établir un apport d'adéquation entre ses aspirations à la disparition et ses rêves de feuilletoniste d'art.

BIBLIOGRAPHIE

1. Werke und Briefe von Robert Walser

  • Sämtliche Werke in Einzelausgaben. Hrsg. Von Jochen Greven, Zürich, Frankfurt am Main, Ed. Suhrkamp, 1985.
  • Aus dem Bleistiftgebiet, Mikrogramme 1924.1925, 'Räuber'-Roman
  • 'Felix'-Szenen, Ed. Suhramp, Frankfurt am Main, 1985.
  • Sur quelques-uns et sur lui-même, trad. par Jean-Claude Schneider, coll. Arcades, Ed. Gallimard, 1993, Paris.
  • La Promenade, trad. par Bernard Lortholary, Ed. Gallimard, 1987, Paris.
  • La Rose, trad. par Bernard Lortholary, Ed. Gallimard, 1987, Paris.
  • Rêveries et autres petites proses, trad. par Frédéric Brument, Ed. Le Passeur, 1996, Nantes.
  • Le Brigand, trad. par Jean Launay, coll. Folio, Ed. Gallimard, 1996, Paris.
  • La Promenade, trad. par Bernard Lortholary, Ed. Gallimard, 1987, Paris.
  • L'Institut Benjamenta, trad. par Marthe Robert, coll. L'imaginaire Gallimard, Ed. Grasset, 1993, Paris.
  • Les Rédactions de Fritz Kocher, trad. par Jean Launay, Ed. Gallimard, 1999, Paris.

2. Literatur zu Robert Walser

2.1. Zeitungsartikel

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  • Ulf Bleckmann, Thematisierung und Realisierung der bildenden Kunst im Werk Robert Walsers, in Intermedialität vom Bild zum Text, Aisthesis Verlag, 1994, Biel.
  • Roberto Calasso, der Schlaf des Kalligraphen, Über Robert Walser, band 3, Suhrkamp éditions, 1979, Frankfurt am Main.
  • Tamara S. Evans, ' a Paul Klee in prose' : Design, space and time in the work of Robert Walser, in (the) German Quaterly Philadelphia, volume 57, n°1; 1987, USA.
  • Anna Fattori, le poème-tableau " Apollon et Diane ", in Revue Sud, 1992, Marseille.
  • Marion Gees, der Autor und die Weibliche Maske, Schauspielerinnen im Werk Robert Walsers, in Revue Recherches germaniques, Université des Sciences Humaines, n°24, 1994, Strasbourg.
  • Jochen Greven, Révision d'un cas littéraire, Texte prononcé à l'occasion de l'exposition sur Robert Walser et Karl Walser, Centre culturel Allemand, Goethe Institut, 24 Avril, 6 Juin 1979.
  • Mark Harman, Robert Walser and Vincent van Gogh, in dossier Pro Helvétia, Robert Walser and the visual arts, The city of New York, 1996.
  • Carin Kuoni, Fragments of imaginary landscapes. Joan Nelson and Robert Walser, Swiss Institute of New York, 1994, New York.
  • Werner Morlang, Ce singulier bonheur de la méthode au crayon, in Robert Walser, dossier Pro Helvétia, Ed. l'âge d'homme, 1987, Lausanne.
  • Hans Nöhbauer, Aussenseiter des Jugendstils, in Abend Zeitung, München, 30nov. 1dec. 1968.
  • Christophe Pochon, Anker und Walser : spürsinn Schafft Querverbindungen, Bieler Tagblatt, Samstag, 24 April, 1999.
  • Elsbeth Pulver, Spaziergänger und Weltreisender. Robert Walser und Adolf Wölfli - eine Gegenüberstellung anlässlich, in der zeitschrift der Engel des Herrn im Küchenschurz, Ed. Elka Spoerri, Frankfurt am Main, 1987.
  • Elisabeth Ryan-Gurley, Albert Anker, peintre de la vie paysanne, in L'Estampille, n°183, Juillet 1985, Dijon.
  • Carl Seeling, Robert Walser als Dichter der Armut, in Volksrecht, Zürich, 3janvier 1957.
  • Ilona Siegel, Robert Walser und der Expressionnismus, in Runa, Revista portuguesa de estudos germanisticos, n°21 (1, 1994), Portugal.
  • Astrid Stark, Geschwister Tanner de Robert Walser ou le roman du regard, in Recherches germaniques, n°21, Université des Sciences humaines de Strasbourg, 1989.
  • Werner Weber, Umgänge bei Robert Walser, Literatur und Kunst in Neue Zürcher
    Zeitung, 26 Mars 1972, Zürich.
  • Werner Weber, Robert Walser vor Bildern, Harmonie im Gedränge, Literature und Kunst, in Neue Zürcher Zeitung, 30 Juli 1972, n°351, Zürich.
  • Werner Weber, Robert Walser vor Bildern, vom Liebeslichte, in Neue Zürcher Zeitung, 6 septembre 1972, n°77, Zürich.

2.2. Mehrere Arbeiten.

  • Giorgio Agamben, La Communauté qui vient, ou la théorie de la singularité quelconque, trad. de l'italien par Marilène Raiolo, coll. ' La Librairie du 20ème Siècle', Editions du Seuil, 1990, Paris.
  • Jürg Amann, Robert Walser : auf der Suche nach einem verlorenen Sohn, Piper éditions, Zürich, 1985.
  • Marie-Louise Audiberti, Le Vagabond immobile, coll. " l'un et l'autre ", Ed. Gallimard, 1996, Paris.
  • Tanja Baumann, Erzälhte Bilder und gemalte Texte. Texte von Robert Walser zu Bildern seines Bruders Karl, Institut für Germanistik der Univ. Bern, 1998.
  • Jochen Greven, " er fährt nach dem Schwabenland ", Karl und Robert Walser in Stuttgart, Spuren 34, Deutsche Shillergesellschaft, oct. 96, Marbach am Neckar.
  • Irma Kellenberger, der Jugendstil und Robert Walser, Studien zur Wechselbeziehung von Kunstgewerbe und Literatur, Ed. Francke, 1981, Berne.
  • Raymond Lauener, Robert Walser ou la primauté du jeu, Publications Universitaires Européennes, Ed. Herbert Lang and Cie., 1970, Berne.
  • Andréas Meier, Karls Walsers Illustrationen zu den Werken seines Bruders Robert Walser, in " der sanfte Trug des berner Milieus ", Künstler und Emigranten, 1910.1920, J. Helfenstein und Tavel Verlag, Berne, 1988.
  • Andréas Meier, Karl und Robert Walsers frühe Interesse an der Kunst von van Gogh, in van Gogh und die Moderne, 1890.1914. Muséum Folkwang éditions, Essen, RFA, 1990.
  • Werner Morlang , Robert Walser in Bern, Editions Paul Haupt, Berne, 1995.
  • Dominik Müller, Künstlerbrüder - Schwesterkünste. Robert und Karl Walser, Ein Brösmeli für Peter dem zünftigen Walserjüpfenbäcker, 25.08.1996, Verlag JB Metzler, Stuttgart.
  • Paul Nizon , Marcher à l'écriture, trad. par Jean-Claude Rambach, Ed. Actes Sud, 1991, Arles.
  • Paul Nizon, Stolz, Coll. " Thessaurus ", Ed. Actes Sud, trad. par Jean-Louis de Rambures, 1997, Arles.
  • Shinja Park, Robert Walsers Prosa und die bildende Kunst der Jahrhundertwende, inaugural dissertation zur Erlangung des Doktorgrades der Philosophischen Fakultät der Universität zu Köln, Köln, 1994.
  • Shinja Park, Robert Walsers Prosa und die bildende Kunst der Jahrhundertwende.
  • Nicole Pelletier, Robert Walser, Franz Kafka, Etude d'une relation littéraire, in Stuttgarter Arbeiten zur Germanistik, n°148, Hans-Dieter Heinz, Akademischer Verlag, Stuttgart, 1985.
  • Carl Seeling, Promenades avec Robert Walser, Ed. Rivages, 1989, Paris.
  • Peter Utz, Tanz auf den Rändern Robert Walser 'jetzteitstil', suhrkamp Verlag, Frankfurt am Main, 1998.

3. Weitere Literatur

  • Allgemeines Lexicon der Bildenden Künstler von der antike bis zur Gegenwart, Band XXII, Editions E.A Seemann, 1928, Leipzig.
  • Antonin Artaud, Van Gogh, le suicidé de la société, Ed. Gallimard, 1974, Paris.
  • Honoré de Balzac, Le chef-d'ouvre inconnu, in coll. " La Pléiade ", Gallimard Editions, 1950, Paris.
  • Charles Baudelaire, Vers pour le portrait de Mr Honoré Daumier, coll. " La pléiade ", Ed. Gallimard, 1993, Paris.
  • Stefan Biffiger, Ernst Morgenthaler, Ed. Bentelli, Berne, 1994.
  • Alain Bonfand, Paul Klee, le geste en sursis, Ed. Hachette, 1995, Paris.
  • Michel Butor, Les mots dans l'écriture, coll.' Les sentiers de la création',Albert Skira Editions, 1969, Genève.
  • Der kuriose Dichter Hans Morgenthaler, Briefwechsel mit Ernst Morgenthaler und Hermann Hess, Lenos Verlag, Basel, 1984.
  • Peter Handke, La Leçon de Sainte-Victoire, trad. de Georges-Arthur Goldschmidt, coll. Folio bilingue, Ed. Gallimard, 1991, Paris.
  • Josef Helfenstein, Chronologie, in der sanfte Trug des Berner Milieus, Künstler und Emigration, 1910.1920, Ausstellungskatalog Kunstmuseum Bern, Bern, 1988.
  • Kandinsky, Du spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier, trad.de l'all. par Pierre Volboudt, Ed.

Nous remercions l'auteur de nous avoir autorisé à reproduire ce travail.
Pour en savoir plus sur les recherches de F. Pouzol
http://www.chez.com/frpouzol/


Page créée le 09.10.01
Dernière mise à jour le 09.10.01

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