Hommage à Doris
Jakubec
Les Textes comme aventures, Textes réunis
par Marion Graf, José-Flore Tappy et Alain Rochat, Editions Zoé,
2004
Hommage à
Doris Jakubec / Les Textes comme aventures |
ISBN 2-88182-472-2
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Cest en grande partie
à Doris Jakubec que les lettres romandes devront
dêtre sorties de leurs frontières
régionales : dune part, elles ont rejoint
lespace des littératures francophones,
de lautre, elles suscitent aujourdhui
des recherches universitaires de haut niveau et des
traductions dans divers pays européens et extra-européens.
Professeur invitée aux universités de
Montréal, de Stanford et dAlbuquerque,
mais aussi chargée de cours à lUniversité
de Tel-Aviv et à celle de Pékin, Doris
Jakubec a contribué de façon décisive
à donner à la littérature de
ce pays laccueil critique rigoureux et le rayonnement
international dont elle manquait.
Ce livre est un hommage à
Doris Jakubec, professeur de littérature
romande à lUniversité de Lausanne
et directrice du Centre de recherches sur les lettres
romandes de 1981 à 2003.
Les Textes comme aventures,
Textes réunis par Marion Graf, José-Flore
Tappy et Alain Rochat,
Editions Zoé, 2004
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Sommaire |
Isabelle Martin: Haïku pour Doris
Avant-propos: A mots découverts
Hommages
Antoine Maurice: Doris Jakubec
Gilles Revaz: à une lectrice exigeante
Elisabeth Mudimbe-Boyi: Article de dictionnaire : Doris
Jakubec
Jean-Jacques Rapin: Comment créer un pont entre l'Université
et le Conservatoire ?
Pierre Ducrey: Doris Jakubec et la Fondation Guy de Pourtalès
Michel Jeanneret: Les Dames de Coppet
Jacques Roman: L'interlocutrice
Fernand et Helga Auberjonois: Bons voyages, chère
Doris
Jean Hutter: Post-scriptum minoen
Loul Schopfer: Les Bouleaux, dessin
Création
Anne-Lise Grobéty: Ce serait
en des temps si troublés
Alain Lévêque: Chez l'ogre
Amélie Plume: En avoir le cur net
Ellen Hinsey: Twelve Reflections on the Elements
Pierre Voélin: Poèmes d'un été
Sylviane Dupuis: Présences muettes
Anne Perrier: Airs nocturnes
Pierre Chappuis: Le grand écart
Catherine Safonoff: Passage d'un oiseau
Philippe Renaud: Petite magie Paris-Lausanne
Aline Bergé-Joonekindt: Deux automnes
Pierre-Alain Tâche: Professer
Anne Brécart: Les vaches
Rose-Marie Pagnard: Le Collectionneur d'illusions
Jean-Marc Lovay: Demain s'endormira le Grillonneur
José-Flore Tappy: La pierre comme archive
François Debluë: Lyrisme et dissonance
Boris Pasternak: Trois poèmes, traduit par Marion
Graf
Nicolaz Rutz: Passion, peinture
Essais
Philippe Jaccottet: Qu'il y a fête
et fête
Brooks La Chance: Raconter pour survivre : fantaisie autour
d'un livre de David Grossman
Claire de Ribaupierre: La voix de l'idiot
Neil Forsyth: Language in Memory, Image in Mind
Alexandra Weber Berney: Les " Pesées secrètes
".
Aperçu du Journal inédit de Monique Saint-Hélier
*
Yvette Jaggi: Jean-Jacques Rousseau
et les villes
François Rosset: Coppet et la " culture "
européenne
Ute Heidmann et Jean-Michel Adam: Du théâtre
de Coppet aux contes des Grimm : les mutations génériques
d'un étrange récit
Etienne Barilier: Cheseaux, Tissot, Mozart
*
Jean Starobinski: Dire la beauté
Alain Rochat: C. F. Ramuz : " Sur la route "
Gérald Froidevaux: Ramuz et la peinture : du tableau
à l'image intérieure
C. F. Ramuz: The Tramp Reclining, " Le chemineau couché
", traduit par James Frank
Massimo Furlan: [sans-titre], peinture
*
Anne-Lise Delacrétaz: Connaissez-vous
ce visage ? 221
Roger Francillon: Amiel et la guerre de 1870 ou les sarcasmes
d'un professeur en vacances
Daniel Maggetti: Les vertiges de la narration : quelques
notes sur Corbehaut de Félix Vallotton
*
Jean-Bernard Racine: Des roses, des
lieux et des liens : d'un géographe à une
littéraire et réciproquement
Claire Jaquier: Gustave Roud, saint François et les
stigmates
Claude Reymond: Catherine Colomb à la recherche des
piétistes
Jérôme Meizoz: Pour rouvrir l'enquête
sur Novgorode
Laura Saggiorato: Charles-Albert Cingria commence ! Lecture
de quelques incipit
Iso Camartin: Die Viola d'amore und die bittersüsse
Liebe
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Avant-propos |
A mots découverts
Rendre hommage à Doris Jakubec,
c'est saluer une personnalité d'exception, singulière
et polyvalente, qui aura marqué notre génération
par un esprit d'aventure rare dans le monde universitaire.
C'est tenter de circonscrire à mots découverts
- une fois n'est pas coutume - la passion, l'audace et la
rigueur d'un esprit aussi bien intellectuel qu'intuitif,
qui sait prendre des risques et accorder à autrui
une disponibilité sans réserve.
Dans ses fonctions d'enseignante
à la Faculté des lettres de l'Université
de Lausanne et de directrice du Centre de recherches sur
les lettres romandes, où elle a succédé
au professeur Gilbert Guisan en 1981, Doris Jakubec a formé
de nombreux étudiants et doctorants, et suscité
une brillante relève universitaire. Les contributions
de Daniel Maggetti, nouveau directeur du Centre de recherches,
celles de Claire Jaquier, professeur à l'Université
de Neuchâtel, Claire de Ribaupierre et Jérôme
Meizoz, ou encore celles de Gilles Revaz et Aline Bergé,
chercheurs et maîtres d'enseignement à Paris,
en témoignent.
Elle a privilégié dans
son enseignement la poésie, les esthétiques
novatrices des romancières romandes du xxe siècle,
et les textes autobiographiques, qu'elle explore notamment
à travers la mise en valeur d'archives et l'édition
de correspondances et de journaux intimes. Parmi ses auteurs
de prédilection :Guy de Pourtalès, Charles-Albert
Cingria, Edmond Jeanneret, Félix Vallotton et surtout
C. F. Ramuz, dont l'uvre romanesque sera prochainement
publiée dans la Bibliothèque de la Pléiade
grâce aux travaux préliminaires de longue haleine
qu'elle a conduits et orchestrés.
C'est en grande partie à Doris
Jakubec que les lettres romandes devront d'être sorties
de leurs frontières régionales :d'une part,
elles ont rejoint l'espace des littératures francophones,
de l'autre, elles suscitent aujourd'hui des recherches universitaires
de haut niveau et des traductions dans divers pays européens
et extra-européens. Les contributions d'Ellen Hinsey,
de James Frank et d'Elisabeth Mudimbe-Boyi rappellent les
liens tissés lors de plusieurs séjours outre-Atlantique
:professeur invitée aux universités de Montréal,
de Stanford et d'Albuquerque, mais aussi chargée
de cours à l'Université de Tel-Aviv et à
celle de Pékin, Doris Jakubec a contribué
à sortir la littérature romande de son isolement
en la faisant dialoguer avec des littératures étrangères
et en l'intégrant à des recherches interdisciplinaires.
Par ailleurs, la présence dans ce recueil d'Yvette
Jaggi, présidente de Pro Helvetia, et d'Iso Camartin,
grand défenseur de la pluralité culturelle,
rappelle l'engagement de Doris Jakubec dans des institutions
nationales, au sein du Conseil de Fondation de Pro Helvetia
(où elle a présidé la section "
Littérature et sciences humaines ") et de la
Commission éditoriale de la Collection ch.
Les liens que Doris Jakubec entretient
avec un grand nombre d'écrivains et de peintres d'aujourd'hui
soulignent, dans la perspective qui est la sienne, la nécessité
vitale de l'échange entre réflexion et création.
À la maîtrise du savant répondent le
dessaisissement et le dénuement qu'exige l'écoute
de l'uvre d'art. Accompagner des artistes sur le chemin
difficile, solitaire, tâtonnant toujours, d'une création
originale, c'est partager les enjeux difficiles de l'art
; c'est aussi garder conscience de la dimension utopique
de l'analyse critique, qui passe par la formulation et ses
risques. À cet égard, ceux qui façonnent
les mondes de l'art et de la littérature ont toujours
été les plus précieux interlocuteurs
de Doris Jakubec, et par ses nombreux commentaires, ses
préfaces et ses chroniques, elle a toujours eu à
cur de leur répondre. Un rare don d'empathie
et d'intuition lui permet d'accueillir avec la même
réceptivité généreuse les expressions
les plus diverses :poètes en particulier, mais aussi
romanciers, dramaturges et artistes peintres, tous ceux
qui révolutionnent et ébranlent nos façons
de penser ; les mondes du théâtre et de l'enfance,
la fiction, les travestissements, les jeux et l'humour tissent
autour d'elle un univers chargé de sens et porteur
d'interrogations. Une telle attitude, qui associe étroitement
l'art, la recherche et l'enseignement à une vision
éthique du monde, s'inscrit dans l'héritage
le plus noble de la vie intellectuelle de ces deux derniers
siècles en Suisse romande. Alliant un doute permanent
aux convictions les plus fortes, Doris Jakubec, avec une
fraîcheur toujours vive, ne cesse de mettre en évidence
dans les
lettres romandes des aventures existentielles, intellectuelles
et artistiques de premier plan.
Marion Graf, José-Flore
Tappy et Alain Rochat
© Editions Zoé 2004,
tous droits réservés.
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Doris
Jakubec par Antoine Maurice |
Doris Jakubec par Antoine
Maurice
Du xixe siècle romantique
Doris a la courtoisie du cur qui ne cherche pas tant
à se prévaloir d'un code qu'à mettre
son interlocuteur en valeur. Intellectuelle, ni mondaine
ni grégaire, elle excelle dans le dialogue, c'est
pourquoi elle est si bonne enseignante. Elle ne s'adresse
jamais à une multitude, même pas à une
classe, mais à un groupe d'élèves où
les relations restent sagement nouées en faisceau,
un à un, comme disent les Anglais.
On entend dans ce colloque singulier
à plusieurs, presque intime, qu'elle reste attentive
à l'interlocuteur et à l'autre encore derrière
lui, voire aux relations entre ces deux ou davantage qui
se tissent sous sa main légère. Le face à
face n'est d'ailleurs pas son propos, car elle semble toujours
laisser à son vis-à-vis le privilège
d'une disposition de trois quarts. Son regard bleu et sa
voix haute, marqués d'une douce mais ferme interrogation,
laissent ainsi à l'interrogé le temps d'organiser
sa réponse.
La dirait-on autoritaire ? Certes
elle ne manque pas d'emprise sur les gens. Sa patiente exploration
littéraire ne s'aventure que dans les domaines où
elle a au moins aussi raison que les autres. Mais elle préfère
l'influence au pouvoir et sans refuser les responsabilités
qu'on lui confie en raison de ses compétences, elle
en abandonne volontiers les prestiges aux égoïsmes
masculins. Elle déplore parfois ces égoïsmes,
comme on déplore le mauvais temps et son arbitraire,
sans pour autant se lasser d'aimer le ciel et les nuages.
Si le féminisme consiste à négocier
sa place de femme dans un milieu où l'on est aussi
compétente qu'eux, comme le firent des femmes illustres
qu'elle étudie, alors Doris est d'un féminisme
exemplaire.
La lucidité inspire son uvre
et son métier d'analyste littéraire. Elle
y exerce une lecture scrupuleuse et éclairée,
nourrie de la critique génétique, et dont
la moisson s'exprime aussi bien dans les ouvrages savants
que sous la plume de la journaliste culturelle. Elle restitue
la vivacité des textes et ses prolongements vers
l'actualité. En ce sens, Doris est une personne des
Lumières comme le sont beaucoup de ses auteurs. Mme
de Staël, Ramuz ou Pourtalès, dialogants ou
explorateurs intérieurs, ne sont pas pour autant
dépourvus d'autorité et au besoin de pouvoir.
Mais on ne jurerait pas qu'à l'instar de la châtelaine
de Coppet, ce qui l'intéresse le plus, ce soit la
chose publique entravée par les rets des sentiments.
Je vois Doris s'intéresser,
à l'inverse, à la pesanteur de la chose publique
sur le libre mouvement des sentiments. La raison est toujours
présente, au sens des Lumières, mais l'objet
éclairé ici, ce sont les conditions de vie
et d'expression des émotions. À travers l'ampleur
de ses lectures et de ses intérêts, Doris semble
contribuer à une topologie des émotions. Bien
avant le freudisme et sans ses incivilités, un art
de vivre s'inventa à la charnière entre le
classicisme et le romantisme. Il s'agit d'une des meilleures
résolutions prises par l'esprit humain, qui consiste
à soutenir la raison par les sentiments et à
tempérer les passions par la raison. On peut juger
ces recettes désuètes ; pourtant notre époque
tente de renouer avec elles, car si elles avaient prévalu,
certaines grandes catastrophes du siècle achevé
ne se seraient pas produites.
Au moment où l'on critique
une certaine veine à la fois cosmopolite, bourgeoise
et romande de l'écriture, où l'on tire à
vue sur l'imposture de " l'esprit de Genève
" ou sur l'inauthenticité de la Riviera vaudoise,
Doris a choisi ces lieux pour leur richesse et pour l'originalité
de leurs créations.
Doris est une moderne, une intellectuelle
aux synthèses audacieuses intégrant le sujet
humain et le personnage littéraire. Derrière
son audace tranquille et sa voix flûtée se
lit une forte confiance en soi roborative pour ses amis
et ses élèves. On ne peut éviter de
situer une telle disposition dans la perspective du protestantisme
et de son terroir littéraire. La place de la minorité
et du petit pays dans de vastes horizons, le rôle
de l'intellectuel qui trempe sa plume dans l'encrier du
Léman oscillent sans cesse entre le registre de la
séduction et celui de la morale. Chez les protestants,
l'enseignement est la face profane de la prédication.
Éclairer les autres constitue le plus court chemin
vers l'amélioration de soi. L'enseignement est aussi
une des formes les plus élevées de l'amour
et de ces sentiments bien tempérés que Doris
sait interpréter.
Antoine Maurice
© Editions Zoé 2004,
tous droits réservés.
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Extraits
de presse |
[...]
Le livre qui lui est offert à cette occasion ne ressemble
guère aux traditionnels volumes d'hommage. Orné
en couverture du beau Clown au visage mangé par l'ombre
de Claire-Lise Monnier, il est ponctué d'autres reproductions:
un dessin à la mine de plomb de Loul Schopfer, une
empreinte-papier de Pierre Oulevay, une aquarelle de Nicolas
Rutz, une oeuvre sur papier de Massimo Furlan. Manière
de souligner la place centrale accordée par la destinataire
à la création, à l'écoute de
l'oeuvre d'art, au doute et au risque.
La cinquantaine de textes réunis
par Marion Graf, José-Flore Tappy et Alain Rochat
éclairent la personnalité de Doris Jakubec,
l'intuition, l'humour et la rigueur qui caractérisent
sa démarche, la diversité de ses intérêts
centrés autour de quelques figures phares des lettres
romandes, de Crisinel à Ramuz, de Pourtalès
à Mme de Staël, de Cingria à Catherine
Colomb, etc. Et ils proposent une sorte d'état des
lieux de la création et de la critique romandes.
[...]
Isabelle Martin
Samedi 7 février 2004
Page créée le: 27.02.04
Dernière mise à jour le 03.03.04
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