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Le Bateau Inter-lignes
Septième édition - Édition 2000
reportage -texte et photos- de Francesco Biamonte

   Une croisière pour la traduction

Un forum pour échanger

Un forum pour l'échange littéraire, un point de rencontre pour tous ceux que la littérature et l'interculturalité intéressent : voilà ce qu'est le Bateau inter-lignes. La manifestation est unique en son genre: vous montez à bord le matin, et vous voilà embarqué jusqu'au soir avec des libraires, des éditeurs, des écrivains, des traducteurs, des enseignants, et des gens de théâtre, des journalistes, des diffuseurs, des responsables d'institutions culturelles, des bibliothécaires, des libraires, des politiciens que le problème intéresse, des particuliers qui se sentent concernés (et ils ont bien raison). Tables rondes et ateliers sont au programme de cette croisière, et aussi des plages plus libres pour s'aborder (sic!), faire connaissance, échanger des points de vue, s'adresser des encouragements ou des critiques, s'informer, envisager des collaborations. C'est aussi le moyen d'attirer l'attention des médias et du public sur une activité centrale de la vie littéraire et un point crucial de l'interculturalité qui pourtant reste largement dans l'ombre: la traduction..

 

   Une croisade pour l'échange littéraire

Un bateau pour traverser

Il y a sept ans, à l'initiative de la Collection ch, dont la mission principale est de stimuler et de subventionner la traduction d'oeuvres littéraires suisses dans d'autres langues nationales, naissait le bateau inter-lignes; il vogue chaque année depuis, sur un plan d'eau alternativement alémanique, romand et tessinois. Un plan d'eau que l'on traverse pour franchir dans le même mouvement une frontière linguistique ou politique; pour franchir une frontière culturelle. Lorsque le navire vogue sur le Léman, tous les trois ans, le Centre de traduction littéraire de Lausanne (CTL), un institut à la fois universitaire et municipal qui se présente comme un forum pour la traduction littéraire, s'associe à l'organisation de l'événement. C'est aussi l'occasion de remettre à l'issue de la journée le Prix lémanique de la traduction.

L'édition 2000 mettait pour la première fois le cap sur la France voisine. L'Agence Rhône -Alpes pour le Livre et la Documentation (ARALD), qui conduit dans sa région un remarquable travail de promotion de la littérature, faisait à la fois figure d'invité d'honneur et de coorganisateur.

 

  Une édition ouverte sur la France

Il ne faisait pas beau ce 30 septembre, mais l'ambiance était chaleureuse sur "Le Lausanne" qui partait de la ville du même nom et mettait le cap sur la France voisine, de l'autre côté du Lac Léman.

Près de 270 passagers s'étaient arrachés à leurs pénates douillettes pour embarquer sous la bruine froide, preuve de l'attrait et de la notoriété croissante de la manifestation.

L'ouverture sur la France était la principale nouveauté de l'édition 2000.

Le Lausanne accoste à Thonon

Les organisateurs traditionnels du Bateau inter-lignes (la Collection ch et le CTL) s'étaient associés pour l'occasion à l'Agence Rhône-Alpes pour le Livre et la Documentation (ARALD).

C'est ainsi que parmi les invités officiels se trouvaient plusieurs personnalités du paysage littéraire français et de nombreux professionnels de la littérature étaient venus spontanément de France.

Des participants venus de Zurich ou de Besançon, de Lausanne ou de Locarno, de Strasbourg ou de St-Gall ont passé la journée ensemble, d'autant plus serrés les uns contre les autres que le temps n'incitait pas à la promenade sur le pont.

 

  Au programme


Le programme comprenait

au Château de Ripaille, un repas était offert

une table ronde destinée à comparer des pratiques et des points de vue entre France et Suisse, pendant le trajet qui conduisait les participants vers Thoron;

de là, on se rendait en bus au Château de Ripaille, où un repas était offert;

l'après-midi, trois ateliers autour de la
traduction avaient lieu simultanément au château;


pendant le voyage de retour, les participants pouvaient assister à des lectures en plusieurs langues regroupées sous le titre Le Léman dans la littérature.

A l'issue de la journée , Yla von Dach et Colette Kowalski recevaient au Château d'Ouchy le sixième Prix lémanique de la traduction.

 

François Deblüe et Yla von Dach,
lauréate du 6ème Prix lémanique de la traduction

Colette Kowalski
lauréate du 6ème Prix lémanique de la traduction

 

  La table ronde


La table ronde voulait comparer des pratiques et des points de vue entre France et Suisse. Etaient présents, Claude Bleton, directeur du Collège international des traducteurs littéraires (Arles) qui présidait; Bernard Cathomas, directeur de Pro Helvetia, fondation suisse pour la culture; Geneviève Dalbin, directrice de l'ARALD; la traductrice suisse Ursula Gaillard; le traducteur français Bernard Hoepffner, qui remplaçait Bernard Simeone, empêché; l'éditeur Henri Poncet, de Chambéry (éditions Comp'Act), très engagé pour la traduction.

Chacun s'est présenté: Ursula Gaillard exposait son parcours; Henri Poncet les difficultés qu'affronte un petit éditeur dans un marché contrôlé par les grands groupes éditoriaux; Bernard Cathomas soulignait l'importance d'un lieu pour parler de traduction et d'interculturalité, saluant la Collection ch, etc. Malheureusement, la discussion n'a pas pris forme. On a plutôt assisté a une juxtaposition d'exposés. C'est déjà ça. Et puis, le reste de la journée allait offrir mille occasions de réussir en petits groupes là où la table ronde avait échoué.

Les lectures

Le voyage de retour se présentait comme une plage plus libre. Au niveau du pont inférieur, des comédiens donnaient lecture de textes sur le Léman, en allemand, italien, anglais et français: Byron, Rousseau, Goethe, Alice Rivaz, Elias Canetti, Claire Genoux, C.-A. Cingria, Eugenio Montale, J.-L. Benoziglio, et d'autres étaient au programme.

 

  Les ateliers

Trois ateliers avaient lieu simultanément:
  • "Traduire la prose"
  • "Traduire la poésie"
  • "Traduire le théâtre"

La prose était représentée par les traductrices Marion Graf et Donata Berra qui comparaient leurs versions (respectivement française et italienne) d'un bref texte de Klaus Merz en compagnie de l'auteur avant de se lancer dans une lecture à haute voix des trois textes.

Le recueil Terre battue de José-Flore Tappy était au centre de l'atelier poésie, où l'écrivaine était accompagnée de sa traductrice allemande Eleonore Frey et du poète et traducteur Roger Dextre, tandis qu'Olivier Beetschen animait le débat.

L'auteur de ces lignes avait choisi l'atelier de traduction théâtrale, où l'étonnant Valère Novarina , sa traductrice italienne Gioia Costa, et la critique littéraire Sabine Günther comparaissaient devant un public remarquablement attentif et pertinent dans ses rares interventions. L'intérêt spécifique de cet atelier venait de ce que les textes proposés ne fonctionnent pas avec des personnages qui feraient avancer par leurs répliques une action compréhensible et structurée: ces textes difficiles d'accès, voire incompréhensibles sur le papier, sont théâtraux en ceci que les paroles des personnages développent leur étrange force seulement dans l'oralité, dans le fait d'être dites; c'est alors que leur rythme et leur logique propre se révèlent, et aussi que le pouvoir sémantique des mots se réveille. L'atelier imposait donc un changement de perspective: ne plus considérer le rythme du dire comme un élément subordonné à l'action, et à respecter dans la traduction "dans la mesure du possible", mais comme une dimension essentielle et fondatrice du texte, qui ne se puisse subordonner à rien (et certainement pas à l'aspect sémantique).

 

  L'essentiel

De l'avis de nombreux participants, c'est hors-programme que l'essentiel a eu lieu: au cours des rencontres que chacun a pu faire tout au long de la journée.

La grande qualité du bateau inter-lignes est de permettre une sociabilité particulière, dans une atmosphère qui en fait nettement plus qu'un événement mondain. Pour beaucoup de passagers, c'est une journée pour se découvrir les uns les autres, par hasard ou parce que l'on n'en attendait l'occasion; d'échanger des encouragements ou des critiques, des suggestions; de s'informer du devenir de telle revue, de telle librairie; d'envisager des collaborations; de faire ensemble des projets. Un creuset: voilà ce que veut être le bateau inter-lignes; voilà ce qu'il a su être en cette édition que beaucoup d'habitués ont jugée spécialement réussie.

I. Weber Henking, directrice du CTL, université- Lausanne
André Baltensperger, Président de la Fondation ch
Jean-Louis Courriol, professeur de littérature roumaine à l'Université de Lyon III

La grande qualité du bateau inter-lignes est de permettre une sociabilité particulière, dans une atmosphère qui en fait nettement plus qu'un événement mondain. Pour beaucoup de passagers, c'est une journée pour se découvrir les uns les autres, par hasard ou parce que l'on n'en attendait l'occasion; d'échanger des encouragements ou des critiques, des suggestions; de s'informer du devenir de telle revue, de telle librairie; d'envisager des collaborations; de faire ensemble des projets. Un creuset: voilà ce que veut être le bateau inter-lignes; voilà ce qu'il a su être en cette édition que beaucoup d'habitués ont jugée spécialement réussie.

 

  Le sixième Prix lémanique de la traduction

Yla von Dach et Colette Kowalski, lauréates
Walter Lenschen , président de la Fondation du Prix lémanique de la traduction

Colette Kowalski avec Eveline Hasler à sa droite
a également traduit des auteurs suisses

La journée se concluait au Château d'Ouchy par la Remise du sixième Prix lémanique de la traduction. Doté de deux fois 10'000 CHF, il couronne l'oeuvre de deux traducteurs s'étant respectivement illustrés dans la traduction littéraire d'allemand en français et réciproquement. Il a été décerné ces dernières années à des personnalités telles que Gilbert Musy, Etienne Barilier, Philippe Jaccottet, ainsi qu'à d'autres figures moins connues du grand public.

Cette année, il récompensait Yla von Dach (français-allemand) et Colette Kowalski (allemand-français), deux traductrices qui se sont surtout consacrées à la littérature contemporaine

Yla von Dach a presque exclusivement traduit des écrivains suisses pour des éditeurs suisses: Alexandre Voisard, Catherine Safonoff, Monique Laederach, Catherine Colomb, Sylviane Châtelain, Janine Massard, Christophe Gallaz et d'autres encore.

Colette Kowalski a également traduit des auteurs suisses tels que Eveline Hasler, Iso Camartin, Markus Werner ou Peter Weber, mais aussi des écrivains comme Botho Strauss, Pham Thi Hoai, Elfriede Kern, tantôt pour des maisons suisses, tantôt pour des maisons françaises.

L'engagement pour la littérature suisse était donc visiblement à l'honneur, et si les lauréates ont toutes deux largement mérité leur prix par la ferveur et la constance de leur engagement, il faut souhaiter que le comité et les sponsors sauront dans les années qui viennent maintenir le caractère du Prix lémanique de la traduction, qui perdrait un peu de son âme s'il devait s'incliner devant des frontières politiques

 

Page créée le: 09.10.01
Dernière mise à jour le 09.10.01

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