Raconte les chevaux
Elle a dit :
Les chevaux. Oui, comme
ils sont beaux, les chevaux. Sens leur peau douce.
Caresse
Et lui :
Crois-tu quils nous
aiment ?
Oui, elle a répondu.
Plus que nous les aimons, plus que nous savons. Ils
savent.
Ils savent aimer. Ils
sont
Ils sont. Oui.
Puis il a demandé :
Parle-moi des chevaux.
Pour te dire quoi ? que
tu voudrais savoir
Raconte-moi les chevaux.
Dis-moi leurs noms.
Il y a Faraona. Guapa.
Et Vendaval.
ça veut dire quoi,
Vendaval ?
Tempête de vent.
Cest ton préféré,
Vendaval.
Oui. Ta préférée,
cest Faraona.
Oui. Tu aimes le vent.
Le vent fou dans tes cheveux fous.
Qui soulève la
crinière de Faraona.
Oui. Elle est belle, sa
crinière dans le vent, le vent de la tempête
de vent.
Sa tempête. Oui.
Celle de Vendaval.
Nous disons des bêtises,
tu crois ?
Oui.
Cest important de
se dire des bêtises ? Les chevaux sen
racontent le soir à lécurie parfois.
Cest une façon
de rêver.
Cest important,
rêver.
Rêver. Oui.
Rêver limpossible
surtout.
Comme les chevaux qui
parlent.
Ou comme Faraona et Vendaval
tout près ensemble tout près de lautre
et qui se racontent des histoires avant de sendormir.
Et puis Guapa qui est
jalouse. Guapa, cest une autre jument. Guapa,
ça veut dire " Belle ". " Jolie
". " Charmante ". Elle est jalouse
de Faraona.
Elle aimerait aussi des
caresses ?
Elle veut des caresses.
Oui.
Faraona est jalouse aussi
?
Faraona est très
jalouse. Elle veut quon la caresse elle seulement.
A Vendaval, quand il regarde
Guapa, elle lui dit quoi Faraona ?
Quil ne doit pas
regarder Guapa. Quil doit la regarder elle seulement.
Il accepte ?
Elle loblige. Il
vient vers elle, il revient se blottir contre elle.
Cest elle quil aime.
Ils se disent quoi, avant
de sendormir, le soir ?
Caresse, bisou, cest
ça quils disent. On ne sait pas, on ne
comprend pas toujours. Nous aussi, quand nous nous
parlons, nous ne nous comprenons pas toujours.
Mais ce que nous disons,
ils comprennent.
Ils comprennent. Oui.
Ils comprennent parce
quils saiment.
Ils saiment, oui.
Cest impossible
quils saiment ?
Cest impossible,
oui.
Et cest possible
aussi.
Cest possible. Oui.
Sans espoir. Ils rêvent. Rêvent de saimer.
Rêvent quils saiment. Saiment.
Cest beau.
Mais on les en empêche.
Cest interdit. Cest
interdit, pour eux, saimer.
Un jour, ils se révoltent.
Senfuient jusquà lhorizon
loin où vivent les chevaux libres.
Il faut les rattraper.
Les suivre. Partir vers
eux là-bas. Cest là-bas un très
beau pays, tu sais, lherbe y est verte, leau
claire, cest un très doux pays tout de
tendresse immense.
De tendresse. Oui.
Un rêve.
© jean-pierre.cousin@bluewin.ch
lu 26/03/2001