Petite chronique des chevaux
au printemps (2)
Il est des soirs sans beaucoup
de bonheur, sans beaucoup de courage. Vous vous dites
quil faudrait fuir très loin. Partir.
Et un soir vous partez. Vous
allez droit vers les montagnes bleues, la chaîne
des montagnes qui sont bleues dans le soir couchant,
celles à louest au loin derrière
lesquelles le soleil disparaît, direction le
pays du soleil, vous diriez, celui où il habite
la nuit, où lon narrive jamais.
Lhorizon. Et cest au pied des montagnes
bleues là-bas que vous vous arrêtez.
Cest là quand lhorizon sarrête.
Vers là quand la campagne finit.
Des bâtiments. Des maisons.
Une porte est ouverte. Vous entrez.
Et là : vous la voyez.
Elle est là. Et comme si elle vous attendait.
Elle vous accueille par comme
un cri, mais comme un cri de tendresse folle. Et vous
allez vers elle. Et vous caressez son visage. Elle
vous regarde de ses grands yeux si beaux.
Vous approchez votre visage
du sien. Joue contre joue vous serez.
Ce sera doux.
Elle, elle ne dira rien. Mais
vous lui parlerez et vous murmurerez à son
oreille des mots quelle finira par comprendre.
Et vous vous comprendrez. Vous resterez longtemps
ainsi tout contre elle.
Et puis vous partirez.
Alors elle vous appellera.
Elle frappera les parois de bois jusquà
ce que vous reveniez. Vous trouverez cela merveilleux.
Vous reviendrez. Vers elle, vous reviendrez. Encore
la caresser, encore. Là, sous le cou. Elle
léchera votre main. Et ce sera très
doux. Vous ne le saviez pas, que ce serait si doux,
une telle douceur, vous ne la saviez pas.
Vous la savez maintenant. Vous
la connaissez cette douceur. Illimitée.
Vous vous dites : cest
bien là celle que vous aimez.
Et cest illimité,
cet amour. Comme une bouffée qui vous enveloppe.
ça vous console, de laimer, ça
vous console, quelle vous aime.
Le soir devient différent.
Vous lui contez vos chagrins
et vos peines, vos attentes et les incertitudes qui
rendent si pénibles vos attentes, vos désespoirs
et vos colères, vos rages. Elle ne dit rien,
mais comprend, ne répond rien mais vous console.
ça vous console dêtre là,
de rester là tout près delle.
Au moins, elle ne dit rien
; mais montre quelle vous comprend. Pas comme
ceux-là qui disant parler pour votre bien vous
assassinent de discours et despoirs non fondés.
Près delle, vous
resterez longtemps.
Jusques à quand ?
Jusquaux premières
étoiles qui sallument dans le soir. Ensuite,
il faudra rentrer. Et la laisser dormir.
La laisser, elle ; rêver
dans un abandon doux. Comme vous, elle en a besoin.
Penser à elle, ça
va vous réchauffer le cur pendant des
jours. Si on vous lavait dit : que vous tomberiez
amoureux dune jument ?
Vous reviendrez. Chaque fois
que vous vous sentirez sans courage, vous reviendrez.
© jean-pierre.cousin@bluewin.ch
je 26/04/2001