Petite chronique des chevaux
au printemps (3)
Donc elle sappelle Quinta,
la petite pouliche. Quinta, parce quelle est
la cinquième née ici dans cette maison
des chevaux heureux. Cest la fille de Consellera,
la petite sur de Camarón et Juncal. Elle
a quel âge ? Deux ans ? Oui, lâge
de Jaleo. Faits pour sentendre, ces deux-là
? Mais quimaginez-vous...
Non, vous nimaginez rien
; vous rêvez, cest tout. Vous vous dites
: quelle famille, ces chevaux. Il en est deux, de
familles, ici. Celle dAvignonesa avec Faraona,
Guapa, Jaleo, Vendaval ; et celle de Consellera.
Elle nest pas là,
Consellera. Elle est en vacances en Espagne. Elle
est là-bas avec Guapa. Parties peut-être
rencontrer lamour. Il est de beaux chevaux dans
de vastes prairies qui chercheront à les séduire.
Elles reviendront ?
Bien sûr, quelles
reviendront. Amoureuses ou pas amoureuses, séduites
ou pas. Il est difficile de séduire Guapa.
Peut-être cette fois ?
Oui, cette fois, peut-être.
En attendant, dans le ventre de Faraona, rêve
une petite pouliche, ou un poulain, on ne sait toujours
pas, on le saura fin juin, ou bien début juillet,
quand elle ou il naîtra, les chevaux ne sont
souvent pas pressés, cest quils
doivent être bien, bien au chaud, dans le ventre
de leur mère. Lautre matin, on se demandait
: à quoi peut rêver un poulain ces mois
durant où il grandit avant de naître
? que rêve la pouliche qui naîtra demain
?
Et lon imaginait la petite
pouliche qui rêve. Qui rêve à son
avenir. Quel avenir ? Elle ne voit rien encore. Entend.
Et certains bruits du monde quelquefois lui font peur,
cest pour cela que parfois elle tarde. On sait
quelle rêve en attendant. Rêve le
monde quelle ne connaît pas. Sait déjà.
Rêve lamour. Lamour bien sûr.
Dans le ventre de sa mère, cest vraiment
la chose quelle connaît.
© jean-pierre.cousin@bluewin.ch
juin 2001