II La porte nocturne
Fou, flou, un feu glacial s'agite
sous les larmes, sous les pétales du souffle
dernier, qui se dilue. Je suis comme arrachée.
Ce souffle, ton souffle!
Combien de fois l'ai-je cherché,
angoissée, à travers le silence, de
peur qu'il ne cessât, cette odeur humide et
claire, qui s'élevait avec la légerté
de la sève et retombait avec la certitude du
bonheur.
Oscillation immuable et magique
de ta respiration!
La conscience, comme un éclair,
s'attache aux rayons de lune, pour éviter la
fêlure impatiente qui siffle dans ma poitrine.
Les mains s'effleurent et se rassemblent. Dans la
chaleur tremblante de leur impuissance, elles se résignent
et dessinent les fleurs du voyage. L'âme pourpre
encore estampillée de rosée se pose
et se repose dans ce brasier d'effusions. Puis, peu
à peu,elle s'abandonne, tachée d'illuminations
mystiques.
Je veille la mort dans une
couverture de neige blanche!
En palpant l'inévitable
passage, une peur hagarde, prête à déverser
une coulée de larmes noires, brûle en
mes artères les derniers rayons de notre union.
La révolte sanglante est proche. Mais devant
la paix de ton regard s'éveille en moi le silence
et la douceur troublante de l'attente.
A l'aube de ton absence, je
ne veux que la transparence des poussières
de blé et non la furie du despéré.
Je ne veux que ton rire, testament de ta joie, ton
sourire, immobile à jamais sur ma blessure.
Et si je ne soutiens le silence proche des ténèbres,
le chant des lilas nous enveloppera.
Mais la brume nocturne grandit
sur ton visage et me dévoile pour la première
fois le reflet de ta finitude. Tout cesse alors d'exister!
Tout se mélange, dans le balancement gris de
la nuit, la vie, tes yeux, mon sang, la mort!
Qui dira les peurs des prunelles,
les sursauts de soleil?
Son regard fleuri des étoiles
et de mes baisers se dresse encore une fois sur la
plaine. Elle joue la danse verte et jaune du talus.
Entre mes mains, immobile, elle n'a jamais été
si vivante, traversée par la lumière
d'or de cet unique automne. Mes doigts en ont gardé
la couleur du miel!
Elle a la forme des hivers
comme celle des étés.
Un baiser monte... L'amour
a flambé!
Sa tête s'endort
dans mes mains. Mon âme roule en ses songes.
© Julie Delaloye
jdelaloye@hotmail.com