V L'éveil jaune
Réveillée d'un
sommeil rouge, je bois l'aube de la douleur. L'assaut
du soleil me jette, un instant, l'élan coupable
d'un désir. Mais l'écume renverse mes
yeux et ma colère limite l'horizon.
Je sors dans le petit matin
froid qui m'arrache un frisson et m'empoigne le visage.
Il n'y a rien, il y a tout. Ça me déchire!
Sur le banc en bois gris, je
suis restée des heures, n'osant presque pas
bouger, collée au mur, comme au bord d'un précipice,
de peur de glisser vers ces étendues vertes
où tu ne cours plus. Les prés froids
abritent désormais un sanctuaire interdit.
Je ne franchirai plus leur porte sacréé.
Où est Nine?
Partout où je regarde,
je te vois, absence réelle contre présence
irréelle! En moi, hors de moi, le miroir s'oriente.
Tout devient sensible...
L'ici se creuse d'un gouffre,
frappé par la hauteur des cimes et du soleil,
et le bleu intransigeant du ciel( trop bleu! comme
ma douleur?). Au milieu de ce cirque ouvert, figé
dans dans sa nudité d'automne, je suis comme
happée, déracinée. La montagne
écoute. Elle se tait. Puis roule, déchaînée,
sur les fragments d'azur...
Une vibration dans l'insoumission!
Je les regarde, eux, les complices
de ton regard louaient ton départ dans leur
langage. Le non-dit! On remonte à l'origine!
Dans le sapin, les rouge-gorge
murmurent une prière verte qui déracinent
les pierres. Plus personne, l'absence siffle! Là-bas
dans la vallée hurle l'écho de ma souffrance.
Je ne sais pas ce qui m'arrive,
le paysage me traverse... Mon âme se répand
sur un éboulis. Dans le grand éclatement,
un petit monde s'est recrée à ton image,
un champs, limité à mon regard, où
tout se mélange et s'immobilise. Le temps s'y
effondre.
Halte! Je sens vibrer le pouls
de cet unique battement.
Que faire maintenant? Là-bas,
le temps gémit encore.
Il est midi. Je me pends
au ciel avec des grappes de sanglots.
© Julie Delaloye
jdelaloye@hotmail.com