IV Le rêve
Une seule image m'accroche
en rêve. Je cours sur la terre froide, à
travers les châtaigniers. Dévale des
pentes avec la brume, comme une folle égaréé.
Qu'y a-t-il au bout?
Ton corps! Au milieu des feuilles
jaunes tassées par l'humidité, un coussin
de soleil sur de la mousse! Je te vois, tu m'appelles
dans le silence gris. La buée transpire des
gouttes de réalité. Un instant mon ciel
gicle des éclaircies: la mort ne t'a pas attrapéé!
Tout recommence alors, le paradis s'ouvre et m'offre
du temps pour toucher à ce que j'ai perdu.
Ton être!
L'osmose me délivre
d'un ver.
Mais la course reprend et une
angoisse vertigineuse fond sur moi. Tu fuis, comme
traquée, sur la ligne de l'autre monde, en
équilibre avec le vent, tandis que ton âme,
affolée, oscille entre deux ciels, s'accroche
instinctivement au passage. Je saisis l'éclair:
tu ne sais pas mourir. Mon coeur éclate en
deux!
S'en aller, il faut t'en aller.
"Aide-moi, par-delà
la douleur!".
Je t'accompagne devant l'autel
des sapins. Je t'aide à basculer.
Au bout de ta vie, tu as accompli
l'ultime acte d'amour: on est parti ensemble en voyage.
Hors du rêve, je suis
seule. Je veille. Je ne sens plus rien.
On pose des gouttes de larme
sur l'âme desséchée!
Je sais, déjà,
que j'ai perdu, dans cet automne en cendres, la clarté
de mon enfance.
© Julie Delaloye
jdelaloye@hotmail.com