Petite chronique d'automne
(1)
Quand commence lautomne
?
On ne sait pas.
Et quand finit lété
?
On ne sait vraiment pas.
Surtout cet été-ci,
cet automne-là, lautomne-été
2000.
Lautomne ? ça
commence nimporte quand, vers fin août,
ou septembre, et parfois ça sarrête,
ça recommence, sarrête, ça
ne soccupe pas vraiment des dates du calendrier.
Elles ne font plus dans le scientifique, les saisons,
elles nont plus grand rapport avec lastronomie,
davantage avec lastrologie, la météo
les suit plutôt dassez loin et pour finir
fait à peu près comme elle pense.
Et quand finit lété
? En octobre parfois. En novembre. Parfois même,
il ne finit pas.
Il faut parler dautomnes
qui commencent en avance et détés
qui ne finissent pas et de tout ça qui se mélange.
Entre elles, les saisons ont comme leur no weathers
land. Cétait lété,
cest lautomne, cest de nouveau lété,
et ça nen finit plus.
Puis ça finit quand
même.
Le premier dimanche vrai dautomne
eut lieu le 3 septembre sous un ciel infiniment gris.
Il fallut allumer la lumière à cinq
heures de laprès-midi et lon se
surprit à rêver de biscuits de Noël,
de thé à la cannelle et dautres
gâteries dhiver. Puis quelques jours plus
tard, le vendredi suivant, on revenait sur le balcon.
Il avait de nouveau fait beau temps tout le jour.
Pourtant, quelquun disait
: " Nous commençons à sentir la
fraîcheur du soir. Nous ne sommes plus au cur
de lété. Lautomne vient.
"
Et cétait donc
un soir plus tout à fait dété,
mais encore en été et presque comme
en été. On buvait une vodka glacée,
de celles qui brûlent et réchauffent
lâme. On écoutait " India
Song ", une des plus belles musiques du monde,
composée par Carlos dAlessio pour le
film de Marguerite Duras. Géniale. Forcément.
En même temps, on écrivait.
On écrivait sur cette
musique qui allait bien avec la nuit. On écrivait
sur cette nuit qui tombe, plus vite, toujours plus
tôt, et sur les jours qui racourcissent, sur
cette angoisse qui nous prend parfois à lapproche
des mois sans lumière. On écrivait sur
les saisons, celles qui naissent, celles qui meurent,
et sur celle-ci quon espérait : un été
illimité qui se fondrait dans lautomne
comme on se fondrait dans les bras dune femme
que lon aime.
De cet amour, illimité,
pourrait naître une saison inconnue, très
belle, dors de soleil et de perles heureuses
de pluie, illimitée, elle aussi.
© jean-pierre.cousin@bluewin.ch
di 03 ve 08/09/2000