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Petite chronique d'automne

 

Présentation de l'auteur
Petite chronique d'automne (1)
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Petite chronique d'automne (3)
Petite chronique d'automne (4)
Petite chronique d'automne (5)
Petite chronique d'extrême automne
Petit mot du soir

Petite chronique d'automne (4)

Une fois de plus, le soir est tombé, et le soir a passé, il est minuit et pire encore et c’est l’instant d’une chronique de nuit. Cette habitude des longs soirs d’été n’a pas été perdue : impossible d’aller dormir tôt. Sacha Guitry disait détester deux choses : se coucher le soir et se lever le matin :-) Se lever tôt demain sera bien difficile. Tant pis : ce soir, la nuit est si belle, même sans lune, car c’est une nuit sans lune, et c’est un tel plaisir d’écrire dans cette nuit, le silence de cette nuit, tout en buvant du thé noir de Chine, cette fois, comme du thé vert parfumé aux fleurs de lotus, d’autres fois. Seulement existe le bruit moelleux feutré des touches du clavier dans ce silence et la paix de cette nuit. Et c’est une nuit d’été. On nous a dit : c’est l’automne. On s’est un peu trompé : cette soirée fut d’été, autrement on n’aurait pu boire un pot sur une terrasse à dix heures et demie du soir après une virée en trottinette entre Val-Vert et Fauconnières dans les hauts de la ville (on fit cela ce soir :-) Et puis : les anges veillent. A ce propos, il faudra voir le film de Wim Wenders " Der Himmel über Berlin " (en français : " Les ailes du désir ") où Bruno Ganz interprète le rôle d'un ange et descend visiter les humains dont certains, dans une grande bibliothèque, recherchent peut-être le comment des choses dans l’espoir d’en trouver le pourquoi (on peut peut-être écrire cela). Et l’ange rencontre l’amour, Marion, la trapéziste, et décide de rester sur terre, de n’être plus ange, mais humain. C’est un beau film, en noir et blanc et en couleurs, monochrome côté vision des anges, polychrome côté vision des humains, qui date de 1987. On se demande encore comment l’on a pu passer à côté alors même que l’on n’avait pas été insensible au charme de Solveig Dommartin sur son trapèze avec ses ailes, l’image que l’on avait conservée.

Le cinéma, c’est de la littérature, rien d’autre. C’est de la littérature au départ, ça s’incarne en un film au lieu de s’incarner dans un livre, c’est tout. Le mieux, pour la littérature, c’est de s’incarner partout : en livre, au théâtre ou en film, en revue, en journaux, en chanson, en images, sur Internet, sans oublier les lettres que l’on adresse à des amies proches ou lointaines auxquelles on écrit parfois.

Il est encore un film, de noir de blanc toujours, qui approche les secrets du monde : “ PI ”, un thriller incroyable de Darren Aronofsky (1998). Un beau site Internet y est tout entier consacré. On s’en est repassé tout l’été cent fois la bande annonce. Ça se passe à New York. Ça parle de bien des choses auxquelles on s’était quelque part déjà un peu intéressé : Kabbale, théorie du chaos, spirale d’or, jeu de Go. Et d’autres choses auxquelles on s’intéressait moins : la finance, le New York Stock Exchange. Et puis d’électronique et d’atroces migraines, et puis du nombre pi. “ Que j’aime à faire apprendre un nombre utile aux sages ! / Immortel Archimède, artiste, ingénieur, / Qui de ton jugement peut priser la valeur ? / Pour moi, ton problème eut de pareils avantages " écrivait l’auteur resté inconnu de ce quatrain mnémonique où le nombre de lettres dans chaque mot indique le chiffre de chacune des 31 premières décimales de pi. Manque de chance : la trente-deuxième décimale est un zéro qu’il aurait fallu figurer par un mot sans aucune lettre. ça n’existe pas, un mot sans lettres, autrement le poème aurait continué. Un jour, une fois, on inventera un mot sans lettre, et l’univers en sera changé : voilà qui ouvre bien des possibles ; aux cris silencieux de l’amour surtout.

Mais l’on s’égare. Tant mieux. Ces lignes sont faites pour s’égarer. Ainsi, d’une petite chronique née d’une nuit où l’on glissait en trottinette sous l’aile protectrice des anges, on glisse vers une chronique autour de pi, d’aleph et d’autres nombres mystérieux. L’aleph, c’est un nombre impossible à croire, un nombre plus grand que l’infini, celui peut-être qui rendit fou Cantor, le génial mathématicien dont Louis Pauwels et Jacques Bergier évoquent les théories sur le Transfini dans " Le matin des magiciens ", un livre fou lui aussi. De celui-ci jusqu’à comprendre les secrets des anges, il est peu de distance, même que c’est celle d’un aleph seulement. Ensuite on reviendra sur terre ; les anges y descendent, parfois. Un soir de trop grande tristesse, l’un posera sa main sur votre épaule, comme dans le film de Wenders. Vous ne l’aurez pas vu, sauf si vous êtes un enfant ou si, par un très grand miracle, vous avez conservé un rien de votre âme d’enfant. Vous aurez en tout cas senti sa présence. Vous vous serez senti requinqué. C’est ainsi que cela arrive, aussi parfois par le biais d’un message reçu de quelqu’un que l’on aime et qui rend le soir fou heureux.

© jean-pierre.cousin@bluewin.ch
me 27/09/2000

 

Page créée le 01.08.01
Dernière mise à jour le 01.08.01

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