Petite chronique des dangers
de l'amour (1)
Vous attendiez chaque soir
un message, un mot, quelque chose delle. Elle
nécrivait jamais. Et ce soir, ce jeudi
4 du mois de mai, arrivait la lettre.
- I love you
disait-elle.
Cétait un piège.
Il ne fallait surtout pas louvrir
; le piège se refermerait. Et ce ne seraient
pas les bras de la douce et chérie que vous
espériez qui vous enserreraient. Mais ceux
dune autre. Une virtuelle qui nexistait
pas et se faisait passer pour elle. Dune imposture,
vous étiez la victime.
Car il semblait : cétait
bien son nom, son adresse, le nom de la délicate
et chérie que vous nespériez plus,
qui figurait en tête de ce courrier. Vous le
lisiez sans plus attendre.. Très vite, vous
ne lisiez plus rien. Un voile noir recouvrait lécran,
brouillait vos yeux.
Et vous réalisiez cette
chose que vous niiez jusquà présent
de toutes vos forces : que lamour aussi peut
tuer. Et votre ordinateur, vos rêves et vos
illusions. Donc vous, puisque sans illusions et sans
rêves vous risquiez de nêtre plus
rien. Et sans ordinateur, encore plus rien que rien.
Vous voici mort comme votre
ordinateur, découragé, anéanti.
Vous allez au frigo vous chercher
une bière, vous vous choisissez un whisky.
Il faut bien consoler votre chagrin damour.
Il faut bien que vous loubliiez, la douce et
la cruelle.
Vous allumez la radio, ou la
télévision. Un mot ravive votre peine
: " Iloveyou ". On parle dIloveyou
partout. Trop tard pour vous, mais vous finissez par
comprendre toute la mécanique qui entraîna
votre malheur, et cette chose importante aussi : que
ce dernier inespéré et fatal message
venait bien de son ordinateur, mais quelle ne
le savait pas.
Ainsi vous avez pensé
qu'elle vous aimait un tout petit peu puisqu'elle
vous avait mis dans son carnet d'adresse. Douce consolation.
Vous vous êtes dit aussi
qu'elle ne pourrait pas vous écrire avant un
assez long temps. Son ordinateur devait être
en lambeaux, son disque dur en poussière. Et
comme, les sauvegardes, elle les faisait le 29 février,
sauf les années bissextiles, elle devait avoir
en plus perdu votre adresse.
Alors, vous lui avez téléphoné.
Vous aviez un prétexte enfin : ce message venu
delle, soi-disant.
Comme vous aviez compris toute
la mécanique dont elle et vous étiez
victimes, vous lui avez tout expliqué. Au vu
de vos compétences, elle vous a tout de suite
invité à venir chez elle réinstaller
son ordinateur.
Quelle belle soirée
vous avez passée.
© jean-pierre.cousin@bluewin.ch
je 04/05 di 23/07/2000