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Petites chroniques

 

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L'hiver 2001

L’hiver : on ne sait pas quand il a commencé ; si c’était le 21 décembre, comme on le dit toujours, ou le 22 ou le 20, ni à quelle heure ; on ne cherchera pas. L’hiver ne se fait pas, c’est cela qu’on constate. Pas de neige : c’est tant mieux.

De l’hiver 2001, on va retenir quoi ?

On pourrait parler de Bush : un président élu par décision judiciaire, un inconditionnel de la peine de mort ; on pourrait parler de ça, ici, de la peine de mort, et de " Dancer in the Dark ", le film qui montre la peine de mort. Et de Davos. C’est une jolie station, Davos. On y passa toute une semaine d’un été pourri à boire des tequila sunrise au piano-bar du Central Sporthotel. La montagne magique, celle de Thomas Mann, c’était ici. On y venait pour guérir, on y tombait amoureux, on souffrait. On pourrait parler de ça, de cet enfermement là-haut dans les sanatoriums de la tuberculose, et du Davos retranché d’aujourd’hui derrière des barbelés, des gardes armés, à cause d’un grand forum qui a lieu là-haut. On imagine des gens qui débattent et festoient, on imagine un vaste cocktail mondain, une fête privée protégée par l’armée. C’est un forum sur l’économie, qu’on dit, qui rassemble des gens tous très importants. Mais ce n’est pas un forum officiel, c’est un forum privé, qu’on dit aussi. Est-ce vraiment une fête ? On ne sait pas, ça s’observe de si loin, ça s’aperçoit si mal. En 1971, l’armée protégeait les aéroports. Aujourd’hui, il faut l’armée pour protéger une fête privée. Quel fait peut provoquer des troubles ? La fête ? L’injustice ?

Cette fête aurait lieu sur une île du Pacifique Sud, du côté où s’écrasera la station spatiale Mir, l’ordre public ici serait-il donc troublé ? Faudrait-il envoyer l’armée au fond du Pacifique ? Ne seraient-ils pas heureux, les gens de la fête de Davos, d’être là-bas où c’est l’été, où il fait beau, où le ciel est si bleu, la mer si merveilleuse et les filles si belles ? Ils ont tout l’argent du monde pour aller festoyer là-bas et ils préfèrent venir ici, dans les montagnes, le froid… Eux là-bas, ici tout serait calme.

C’est donc ça, l’hiver 2001 : un nouveau président, une fête à Davos, des chars d’assaut pour garder la fête, pour interdire la fête à ceux privés de fête tous les jours de l’année. Mais l’ordre a régné à Davos. Tout est donc bien.

L’ordre a régné à Santiago, l’ordre a régné à Varsovie, beaucoup de choses se sont ensuite passées. On peut garder l’espoir pour Davos. C’est important, l’espoir. ça ne nourrit pas toujours, mais c’est essentiel à la vie.

Ce devrait être ça, l’hiver 2001 : l’espoir. Malgré les horreurs du monde, les tremblements de terre, de très grands froids en Sibérie et pas de neige ici, et des chagrins d’amour partout. Mais les chagrins d’amour, ça ne passe pas dans les journaux, sauf ceux des vedettes, que souvent les journalistes inventent, et ceux des géraniums à la cave dont on rend compte au moins ici ; ils boiraient, pour se consoler, de l’alcool de dent-de-lion, un souverain remède.

Justement : les premières salades de dent-de-lion avec des croûtons, des lardons, des œufs durs, apparaissent dans les restaurants. En janvier déjà. Chaque année, c’est ainsi. La tante Nelly est allée cueillir la dent-de-lion des montagnes. L’absence de neige a du bon. Ce n’était pas à Davos.

A part ça : on peut toujours raconter l’écriture, et la folie d’écrire et celle de raconter. Raconter la folie d’aimer, la folie d’ " India Song ", la folie des livres et des films que l’on aime. Rien d’actuel ; quelque chose de toujours seulement.

© jean-pierre.cousin@bluewin.ch
janvier 2001

 

Page créée le 01.08.01
Dernière mise à jour le 01.08.01

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