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Petites chroniques

 

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Chronique de mars, "pequeña crónica de Malika y Gitana"
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Chronique de mars, " pequeña crónica de Malika y Gitana "

Ce pourrait être un conte. Un conte plein d’animaux comme, enfant, l’on rêvait. Ce serait en mars au printemps, il y aurait Gitana.

Gitana, c’est un nom d’Espagne. Cette Gitana est une gitane d’Espagne. Quand elle arrive, c’est toute l’Andalousie qui débarque. L’Andalousie et son soleil, ses rêves et ses folies d’amour.

Vous aviez besoin de soleil, vous pensez. Il est là. Elle est là. Gitana.

Puis un deuxième soleil débarque. Malika.

Puis vous pensez : tout n’est pas toujours simple avec elles. Et vous vous souvenez.

Elle était arrivée vers vous, la maîtresse de Gitana. Elle riait. Elle avait dit :

— Elle a dévoré tous les anges…

— ¿ Todos los ángeles ?

— Sí, sí… Tous les jolis petits anges que tu m’as donnés.

Ce que c’est que laisser une ribambelle de petits anges sans surveillance à la portée de Gitana. Des petits anges arrivés par la poste dans un mignon carton. Elle avait dit :

— Tu vois dans quel état elle les a mis, tes petits anges ? ça ne fait rien ; faut pardonner à Gitana. Ce n’est encore qu’une petite fille.

C’était il y a deux années en décembre, un peu avant Noël. L’enfant gracieuse et cajoleuse s’est depuis bien assagie. Regardez : lorsqu’elle pose une patte, deux pattes sur le rebord du lit, qu’elle veut monter, qu’elle vous regarde de ses grands yeux amoureux…

— ¡ No ! Gitana !

Claquant. Y a pas plus pire. Mais elle a compris.

— ¡ Tu ne viens pas dans le lit !

Malika, non ; elle n’a rien compris. Elle n’obéit pas, n’obéit pas comme Gitana a appris. Et personne ne résiste à ses beaux yeux d’amour. Il faut dire qu’elle est bien plus petite, bien moins grande, ça s’accepte mieux qu’elle monte dans le lit, monte sur vous, monte partout.

— No es una buena educación. Un perro debe dormir al los pies de la cama.

— ¿ Porque no en la cama ? Es natural para un animal : dormir en su cama…

— Tu peux toujours jouer avec les mots, en español si ça te chante. No es su cama. Es mi cama. No es una buena educación, c’est tout.

— C’est sûr qu’elle n’est pas toujours bien élevée, Malika… Mais on l’aime tant !

— No es una excusa, l’amour, pas dans ce cas. Gitana, on l’aime beaucoup. Mais je sais bien : pour Malika, c’est trop tard ; elle a pris l’habitude de venir dans le lit, elle viendra toujours dans le lit. Gitana a pris l’habitude de ne plus dévorer les anges, elle ne dévore plus les anges. Mais l’habitude a été prise plus tôt.

Remarquez : une petite Lhassa Apso noire et blanche d’à peine un peu plus d’une année qui vient se blottir contre vous et vous apporte un peu de sa chaleur câline, c’est quand même agréablement doux ; tandis qu’une belle et grande Flat Coated Retriever noire de deux ans, aussi séduisante soit-elle, qui saute sur l’édredon, vous écrase de tendresse et dévore au passage tous les objets sur la table de nuit…

— C’est peut-être un peu différent, sí.

Mais comme on les adore, ces deux chiennes, deux demoiselles qui savent si bien s’y prendre pour se faire caresser, mamourer.

Le mois de mars a commencé ainsi, par la visite de Gitana, puis l’arrivée de Malika venue passer le week-end chez vous. Tout de suite, elle vous a fait la fête. Elle s’est roulée par terre et s’est mise sur le dos, il a fallu lui caresser le ventre. Ensuite sont survenues les choses moins faciles.

Par exemple : c’est à l’heure du déjeuner, elle grimpe sur une chaise libre à côté de vous, vous regarde, vous regarde avec insistance ; elle espère quoi ?

Non, vous ne craquerez pas. Una buena educación, c’est quand on ne craque pas, vous tiendrez bon. Sauf tout à la fin, peut-être ? Et puis à l’heure du chocolat… elle adore le chocolat, Malika…

— ¡ No ! Malika !

C’est cela qu’il faudrait dire. Claquant comme il n’y aurait pas pire.

Elle retourne pourtant se coucher sous la table, à vos pieds, comme il sied à une jeune fille bien élevée. Et puis vous vous levez pour chercher quelque chose. Vous revenez. Elle est assise où, Malika ?

— ¡ Malika !

Mais comme elle vous regarde… Alors bien sûr… Gitana, elle, a appris à rester sous la table sans jamais quémander. Enfin, presque jamais. De temps en temps, forcément qu’elle vient poser son joli museau par-dessus vos genoux, qu’elle vous regarde, qu’elle quête des caresses… Voilà peut-être un peu plus d’une année, elle agissait de manière différente. Tenez : vous auriez déposé quelques plats sur la table basse du salon, vous seriez reparti chercher le vin, le Sangre de Toro, la cervoise. Au retour : plus de chorizo, plus de tapas, plats nets elle aurait fait. Malika ne s’est jamais servie elle-même, mais pour attendre et espérer autre chose en plus des caresses, elle est quand même constamment là. Enfin… Malika est en visite chez vous, vous n’allez pas lui faire de peine…

Vous auriez dû. No es una buena educación tout ça.

Et puis, l’heure du coucher : son panier, dans la chambre, est déjà prêt au pied du lit. Elle est où, Malika ? installée où déjà ?

Vous vous endormez avec elle. Vous n’avez rien pu faire, pas su faire autrement. Et vous sentez cette présence, vous la sentez tout contre vous. Et ce n’est point désagréable. C’est même un peu de chaleur qui rassure.

Le mois de mars ainsi commence. Comme un conte d’amour.

© jean-pierre.cousin@bluewin.ch
mars 2001

 

Page créée le 01.08.01
Dernière mise à jour le 01.08.01

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