L'invité du mois
Les Éditions Empreintes contributions
et réflexions de
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Les Livres : Des bouteilles
à la mer ! / Par François Rossel |
Éditions Empreintes
Les Livres : Des bouteilles à la mer !
par François Rossel
Qu'ils nous fassent suer les livres!
Qu'ils nous débordent! Nous les jetons comme des
bouteilles à la mer.
Enfant, j'avais cette idée que
tout livre contenait un trésor et que je pouvais le
découvrir en une sorte de lente dégustation.
Je pensais aussi que tout ce qui était imprimé
ne pouvait être que vrai. La présence des livres
me rassurait. Je comparais leurs odeurs. J'imaginais qu'ils
aimaient se trouver là ensemble dans la grande bibliothèque.
Adolescent, je découvrais grâce
à plusieurs maîtres de collège et de gymnase
quelques poètes. Parmi lesquelles : Eluard, Jaccottet,
Guillevic. J'admirais la Collection
grise de Bertil Galland et je passais de longues soirées
à me nourrir de poèmes, à couper les
pages, à rendre ces livres miens. La poésie
me parlait, répondait à mes coups de gueule,
accompagnaient mes interrogations existentielles. Je prenais
plaisir à côtoyer une telle liberté dans
le langage et une telle vigueur. Les poètes étaient
mes pères bienveillants et néanmoins subversifs.
A 24 ans, je commençais ma première
année d'enseignement. C'était le premier jour.
J'allais entrer dans la classe. Et je me cramponnais, pour
contrer mes craintes, aux quelques recommandations que mes
maîtres de l'école normale m'avaient soufflées.
Le Département de l'Instruction publique m'avait placé
dans une classe de dernière année, une de ces
classes d'élèves, à qui l'école
n'a pas distribué grand chose d'autre que des échecs.
Je suis derrière la porte. J'entends le chahut qu'ils
font. J'ouvre. J'entre en classe.
Quelques heures plus tard, j'en ressortais
avec une tête pleine de projets. Je venais en effet
de découvrir un atelier de typographie au sein même
de la classe. Plusieurs presses, des casses pleines de caractères
en plomb, des réserves de papier, des poèmes
d'élèves, l'odeur de l'encre, des bidons d'acétone.
Je découvrais des mots nouveaux, tels que "cicéro",
"corps", "point", "chasser une ligne",
"lier un texte", "espace" (qui en imprimerie
est féminin), "mastique", "justifier
en drapeau", et tant d'autres. Bref, un nouveau monde.
Les mois qui suivirent furent difficiles pour l'instituteur
qu'on n'épargnait de rien. Toutefois je me sentais
prêt à supporter bien pire, avec un atelier de
typographie à portée de main. Je retrouvais
une vieille fascination dont je ne soupçonnais même
plus l'existence. On a en nous des rivières souterraines
dont on ignore même le cours et qui réapparaissent.
A cette époque aussi paraissait
un livre de Maurice Chappaz, A
rire et à mourir. Une phrase (que je dis comme
un vers), je la cite telle qu'elle s'est promenée en
moi avec ses hiatus qui heurtent: "Pattes d'oiseaux sur
un névé où il y a eu un envol".
De la vie restent les signes. J'y vois la neige des livres,
les traces infimes qu'on y abandonne. Les oeuvres.
"Pattes d'oiseaux sur un
névé où il y a eu un envol". J'y
reconnais aussi le travail d'impression et d'édition
que j'ai entrepris plus tard. Je dois à mes élèves
ce qu'ils m'ont enseigné: puiser les caractères,
les assembler en une composition qu'on ficelle et qu'on dépose
sur le marbre. On tend alors une feuille à la presse
qui l'avale en un coup de manivelle. Voici les pattes d'oiseaux
sur le névé! Voici les empreintes toute fraîches!
Alain Rochat s'est joint à moi
depuis. Nous avons cherché ensemble les gestes du métier,
dans une cave insalubre, humide et froide. Le plus beau geste,
c'est le plus sûr. Savoir faire, c'est apprendre à
aimer.
Chappaz nous a tendu un manuscrit bouleversant,
Octobre 79, journal des derniers jours de son épouse
Corinna Bille, qui s'en est allée "par la petite
fenêtre bleue des icônes", comme elle l'a
confié quelques jours avant de mourir. Cent soixante-deux
pages tirées à la main, feuille à feuille...
Pour nous, le temps a cessé d'être, une année
durant, les soirs et les week-end. Chaque coup de manivelle
nous rapprochait de l'envol de Corinna et de ceux qui nous
quittent. Nous avons suivi son départ pas à
pas, mot à mot. Nous étions en 1986.
Aujourd'
hui les temps ont changé, "Empreintes"
s'est fait sa place discrète et sûre dans le
monde littéraire suisse romand. Notre catalogue compte
94 titres. Nous avons troqué notre presse à
épreuves contre des écrans d'ordinateur. Ce
qui demeure, c'est la valeur que j'accorde à la poésie
et aux livres.
Originaire du Jura, François
Rossel est né en 1955 à Lausanne. Il
s'est marié avec Sarah, avec qui il a eu deux enfants:
Noé et Camille. A ce jour, il a publié trois
recueils de poèmes. Il dirige les Editions Empreintes
avec Alain Rochat depuis 1984 et exerce la profession de psychologue
pour enfants à Moudon (VD).
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Cent livres, et
après ? / par Alain Rochat |
Éditions
Empreintes
Cent livres, et après
?
par Alain Rochat
Au printemps prochain, les Éditions
Empreintes publieront leur centième livre (entre autres).
Quand certains entreront dans un nouveau millénaire,
nous nous contenterons modestie obligée de la
poésie
dune nouvelle centaine. Même
si lépoque est friande de statistiques, de bilans
et de prospectives, je nai guère lhumeur
à cela : je sais bien la diffuse tristesse qui naîtra
de ce type danalyses ; cest quon n'applique
pas impunément à un éditeur de poésie
des méthodes propres à lactivité
économique.
Mais bon, cent livres ? Jen ai
nonante-quatre sous les yeux qui occupent la bibliothèque,
à ma gauche, avec leur dos, leur couleur, leur toile
(leur poussière aussi) et, vraiment, leur silhouette.
Chaque livre a gardé des traits de lhistoire
de son apparition (oui, apparition !), que je retrouve quand
je rêve devant ces rayons tard le soir, telle paperasse
enfin mise en ordre, telle lettre écrite, telle mise
en page provisoirement au point. Comment dire exactement ce
sentiment ? Tant dénergie, tant dillusions,
tant de longues conciliations, tant de moments uniques partagés
avec tant de personnes, tant de colères aussi, voire
de dépit. Je crains alors autant la vanité,
suffisamment répandue dans les milieux littéraires
et si constamment ridicule, que le misérabilisme, assez
souvent attaché aux " petits éditeurs de
littérature, si courageux " (et que les autres
pillent).
Ces rayons de livres témoignent
dun miracle : le fidèle soutien de nombre de
collectivités publiques ou de fondations, soutien sans
lequel les Éditions Empreintes nexisteraient
pas . Et nest-il pas paradoxal que tant dinstitutions
nous soutiennent alors même que le petit nombre qui
" fait lopinion " ne cache pas son mépris
pour des livres " que personne ne lit " (ce qui
est faux, notre public le prouve) ? Beaucoup de manuscrits
que nous recevons montrent lextrême urgence dune
parole vraie, dun discours personnel, et font preuve,
parfois de " talent littéraire ", souvent
dune générosité, dun besoin
de lautre bouleversant, inquiétant aussi, parce
quexcessif. Deux signes qui font que je crois, aussi
matérialiste notre société soit-elle,
aussi conformistes et mercantilistes certains médias
soient-ils, que bien des personnes accordent un haut crédit
aux livres de poèmes. Faisons le pas : et si cela était
une des caractéristiques (réjouissante) de la
culture des cantons romands ? Voyez, pour prendre un exemple
récent, la place faite aux poètes dans la magnifique
Anthologie de la littérature jurassienne 1965
2000 qui vient de paraître !
Bon, bien, mais cent livres
Jai
parfois le sentiment que cette " aventure " des
Éditions Empreintes est une lutte perpétuelle.
Et que la fatigue prend le lutteur toujours au pire moment.
Il faut répéter, et je nen tire
aucune gloire, nécessité fait loi que
tout le travail des éditeurs, François Rossel
et moi-même, est bénévole. Que donc le
cur (ou le nerf) de cette " entreprise " a
la solidité et la fragilité de personnes qui
trouvent, très souvent, dans leur amical commerce,
lhumour nécessaire pour ne pas envoyer le tout
par-dessus bord. Aventure humaine ; goût dentreprendre
; joie de tenir dans ses doigts le livre qui vient de paraître
(joie physique, vraie joie enfantine) ; bonheur de la relecture
dun texte découvert dans un manuscrit, et alors
bonheur de la lecture ; surprise de découvrir chez
lautre, inconnu, tant de points communs, une familiarité
desprit ; merveille de la conversation ; fierté
aussi dentendre lestime que certains ont pour
notre travail ; tant de choses qui maintenant, en fait, mapparaissent
assez banalement partie de nimporte quelle histoire
passionnée
Cent livres, et après ? Le cent
unième !
Alain Rochat
est né en 1961, à Lausanne. Marié,
trois enfants. Vit à Chavannes-près-Renens.
Etudes de lettres (philosophie, français,
histoire de lart), brevet daptitude à lenseignement
secondaire. A été délégué
du Comité International de la Croix-Rouge, en Afrique
australe, de 1989 à 1991, puis maître secondaire.
Il travaille depuis 1997 au Centre
de recherches sur les lettres romandes de lUniversité
de Lausanne, comme coordinateur dédition des
uvres de C. F. Ramuz (romans dans La Bibliothèque
de la Pléiade, chez Gallimard, uvres complètes
chez Bernard Campiche Editeur), après avoir dirigé
pendant deux ans linventaire, le classement et la sauvegarde
des manuscrits de cet écrivain.
A publié avec Patrick Williamson,
poète et traducteur, un numéro bilingue de The
Chariton review (Université du Missouri) consacré
aux poètes suisses francophones de 1950 à nos
jours.
Prépare, avec Philippe Girard,
chef dorchestre et professeur, un livre sur la genèse
de Histoire du soldat.
Publications
- Mon visage
nébuleuse, poèmes, Empreintes, 1984
(épuisé).
- Cest
un peu deau qui nous sépare, récit
et livret dopéra, musique de Jean-Luc Darbellay,
avec des lithographies dAnne-Hélène
Darbellay, Empreintes, 1987 (épuisé).
- Fuir pour
être celui qui ne fuit pas, poèmes,
Prix de poésie C. F. Ramuz 1992, Empreintes 1993,
(épuisé) ; réédition aux Editions
de lAire, Vevey, 1998, collection LAire bleue,
préface de Christian Sulser.
- Désert
entre ces murs, Empreintes, 1993, avec dix gravures
de Saïd Fahran.
- Litanies
des villes meurtries, Editions Perdtemps, 1998, gravures
et monotypes de Claire Nydegger.
- Orients,
poèmes, Empreintes, 2000.
- Poèmes publiés dans
les revues Ecriture, La Revue
de Belles-Lettres, Conférence.
- Poèmes traduits en tchèque,
portugais, espagnol, anglais et allemand.
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Editions Empreintes
: Publications 2001 |
Publications 2001
Printemps
- Jean Pache, Nodales
suivi de Tuer nest pas
rien
- Alexandre S. Pouchkine, Le
Conte du pêcheur et du petit poisson,
traduction de Raphaël Aubert
- Hughes Richard,
A toi seule je dis oui, nouvelle édition revue
et augmentée
Automne
- Pierre-Alain Tâche, LInhabité
suivi de Poésie
est son nom et de Celle
qui règne à Carona. Collection Poche
Poésie, n° 13
- François Debluë, Naissance
de la lumière
- Bernard Dov Hersenberg, La
Grange et le sanctuaire
Salon du Livre de Genève
Édition de livres de poèmes
au Salon du Livre de Genève, 27 avril au 1er mai :
Lédition de poésie
au Salon. Les Éditions Empreintes, en collaboration
avec lAtelier Le Cadratin (Vevey), CIDELE (Centre International
de Diffusion et dÉdition des Littératures
et des Écritures, Angoulême) et Le Temps éditeront
chaque jour du Salon un livre de poèmes. Le public
pourra assister à la composition (en plomb, à
la main) des textes, à leur impression sur une presse
typographique à cylindre et à leur reliure.
Les auteurs, suisses et étrangers,
seront présents le jour de la parution de leur ouvrage,
et en feront une lecture publique sur le stand du Temps. Ils
seront à disposition des visiteurs pour dialoguer et
dédicacer leur nouveau livre.
Au fil des cinq jours du Salon, cest
une collection de poèmes inédits qui verra le
jour, montrant la vitalité de la poésie et de
lédition, en Suisse et à létranger.
Projets pour 2002 et 2003 - Anthologies
- Les Éditions Empreintes préparent
une série danthologies de la poésie
en Suisse au vingtième siècle. Elles couvriront
les quatre aires linguistiques du pays. Les textes allemands,
italiens et romanches seront publiés en édition
bilingue.
- Au printemps 2002, nous publierons
une réédition du Journal de Gustave Roud (texte
intégral).
Page créée le 09.10.01
Dernière mise à jour le 09.10.01
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