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Pierre Lepori

  poèmes traduits par Pierre Lepori

 

Gustave Roud - Anne Perrier - Pierre-Louis Matthey - Monique Laederach
Jean-Pierre Schlunegger - José-Flore Tappy - Edmond-Henri Crisinel
Françoise Matthey - Corinna Bille - Claire Genoux

 

  Pierre-Louis Matthey

 

Ritta in piedi, ma da quanto? Ritta in piedi
in questa povertà, le orecchie come
fauci di tromba
sotto la granaiuola feroce dei tuoni e delle
folgori, e tuttavia scavata,
a poco a poco sempre più spoglia
come se fosse necessario
che il corpo venga arato per fiorire,
troppe domeniche una dopo l’altra sotto il vuoto del cielo,
quanti sguardi dal cielo e mai
un occhio veggente,
ritta in piedi assurdamente, senza radici e fronde
mentre tutto si scava e si denuda,
la mia povertà,
quest’oscurità vacillante,
questa regressiva tentazione verso l’ordine
Questa la Carne Questo lo Spirito
Ecco la Pietra e l’Acqua, il Pane,
un ritorno corrucciato alla fame primigenia
quando ancora bastava sentire
ad occhi chiusi
le parole di coloro che credevo sapessero
ma che invece non sapevano.

Peggio così, adesso in piedi. Ordine di povertà,
la paura accovacciata come un coltello tra la lingua
e il palato, gli occhi aperti.
Gli occhi aperti. Gli occhi aperti.

 

II

A piedi sono entrata dentro il bosco,
tra il terriccio, tra l’erba e le alte felci,
come tante altre volte, senza avere timori -
E bruscamente ho sentito
lo schiocco delle scorze, lo stridere e le grida
nella terra e nelle piante,
ho sentito lo stesso grido nel mio corpo,
vecchio grido dissipato, e tuttavia come un nodo,
il grido dell’Ordine e dell’Occhio, quel
grido antico della mia paura
e ho visto i serpenti nell’erba,
il brulicare degli insetti,
il brulicare delle larve,
ho sentito il ventre della terra
gonfiarsi di terrore e di miseria,
l’ho visto esplodere sotto il suo silenzio -

Allora, d’improvviso mi sono fatta furtiva,
mi sono ripiegata,
ho tratto a me la solita coperta mia paura,
quell’antica coperta,
l’ho stretta a me
e sono uscita dall’ombra come si esce da una ruberia.

Ed era proprio una ruberia, ammassata là sotto,
intrecciata a guisa di corona,
tesoro di furto, fonte inconsolabile
in cui il mio piede, ben vedevo,
esattamente sul bordo, era stato posato
nella traccia del mio piede di allora, molto tempo fa,
quando ancora camminavo protetta,
perché le Loro voci, credevo, sapevano
tenere unite le estremità del buio,
il loro veleno
e i nostri passi disegnavano i confini di un regno
esente d’ombra e di furore,
disegnavano nei sentieri una sorta di triangolo
tra gli alberi,
perché eravamo Tre, e la terra
ci riconobbe in quella cifra.
Credevo.

 

Debout, depuis quand ? debout
dans cette pauvreté, les oreilles comme des
embouchures de trompettes
sous le ruissellement féroce des tonnerres et des
foudres, et creusée cependant,
pas à pas dépouillée davantage,
comme s'il fallait
que le corps soit labouré pour qu'il fleurisse,
trop de dimanches se succédant sous un ciel vide,
tant de regards du ciel et
pas un oeil voyant,
debout absurdement, sans racine, sans couronne,
et tout cela se creuse et se dénude,
ma pauvreté,
cette vacillante obscurité,
cette régressive tentation d'ordre
Ceci la Chair Ceci l'Esprit,
Voici la Pierre et l'Eau, le Pain,
ce retour ombrageux à la première faim
quand encore il suffisait d'entendre
les yeux fermés
les mots de ceux dont je croyais qu'ils savent
quand ils ne savaient pas.

Tant pis debout maintenant. Ordre de pauvreté,
la peur lovée comme un couteau entre
la langue et le palais, les yeux ouverts.
Les yeux ouverts. Les yeux ouverts.

 

II

Je suis allée marcher dans la forêt
parmi l'humus, les herbes hautes, les fougères,
comme tant de fois, sans nulle appréhension -
Et brusquement, j'ai entendu
le craquement des écorces, les grincements et les cris
dans la terre et dans les plantes,
j'ai entendu ce même cri dans mon corps,
ce vieux cri dispersé, et pourtant comme un noeud,
le cri de l'Ordre et de l'Oeil, ce
vieux cri de ma peur,
et j'ai vu les serpents dans l'herbe,
le grouillement des insectes, le
grouillement des larves,
j'ai entendu le ventre de l'humus
se bomber de frayeur et de misère,
je l'ai vu éclater sous son silence -

Alors, je me suis faite furtive tout d'un coup,
je me suis repliée,
j'ai ramené contre moi cette couverture ma peur,
cette vieille couverture,
je l'ai serrée contre moi
et je suis ressortie de l'ombre comme d'un larcin.

Et c'était un larcin, c'était cela qui s'était amassé là-bas
tressé comme une couronne,
un trésor de larcin, un puits inconsolable
où mon pied, voyais-je,
juste à la lisière, restait posé exactement
dans la trace de mon pied de jadis, il y a très longtemps,
quand je marchais encore protégée
parce que Leurs voix, croyais-je, savaient
retenir enchaînées les pointes de l'obscurité,
leur venin,
et que nos pas marquaient la trace d'un royaume
exempté d'ombre et de fureur,
marquaient sur les sentiers comme un triangle
parmi les arbres,
parce que nous étions Trois, et que la terre
nous avait reconnus pour chiffre.
Croyais-je.

© Monique Laederach, Si vivre est tel, L'Age d'Homme, 1998.

 

Page créée le 09.10.01
Dernière mise à jour le 09.10.01

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