Petite chronique des fleurs
et des oiseaux au printemps (3)
Le 25 mars 1903, Ramuz notait
dans son journal : " La verdure a gagné
subitement en puissance ; [
] Linvasion
et le débordement ont été soudains,
quelques jours y ont suffi, maintenant le regard sétonne,
[
] Chaque printemps il en est ainsi : on demeure
stupéfait. On retrouve ce remords de navoir
pas su jouir de la grande éclosion et de lui
être resté étranger. "
Le 25 mars, quatre-vingt-dix-sept
ans plus tard, la même chose peut sécrire.
La nature au printemps se réveille sans attendre
que lon y prenne garde. La vie en laisse-t-elle
le temps ? A chacun den exiger le loisir et
découter, à dix-huit heures, le
chant du merle se mêler aux cloches qui annoncent
un samedi soir heureux.
Le vingt-six, à deux
heures du matin heure dhiver, il sera trois
heures. Heure dété. Les cloches,
en ce dimanche, sonneront plus tôt. Les oiseaux
ne changeront rien à leur horaire. La lune
et le soleil non plus. Les vaches shabitueront.
Mais ce sera un tel plaisir de croire que la nuit
vient plus tard quil faudra considérer
lheure dété comme une bénédiction.
Suivront des jours emmêlés
de soleil et deau et peut-être de flocons
de neige. Rien nest impossible au printemps.
Ni le grésil, le tonnerre, ni toutes les giboulées
quannonce la télévision, ni lennui
gris. Cest cela le pire : lennui gris
des jours très ordinaires.
Mais suivra ce matin, ce ciel
bleu, encore une fois un dimanche de ciel bleu après
ces jours incertains qui donnent des gris à
lâme on ne peut dire des bleus,
le bleu est trop magique.
Au loin, les montagnes de Savoie
étincelleront de blanc. Si beau cliché.
On en fera une carte postale à envoyer à
celle que lon aime, on lui dira que tout le
bleu du ciel est la couleur de ses yeux. On naura
pas peur de lui dire des bêtises. On naura
pas peur daimer.
jean-pierre.cousin@bluewin.ch
Samedi 02/04/2000.