Petite chronique des pluies
et des fleurs au printemps
On entend
la pluie, qui tombe, cest
une première pluie de printemps, une première
grande pluie. On est assis sur le canapé. Cest
la nuit. On se sent bien sous la lumière jaune
qui tombe du lampadaire. On boit du thé. On
rêve à des problématiques inquiètes
et fondamentales. On pense à un visage, celui
delle là-bas que lon doit voir
demain, celle que lon aime. On voudrait commencer
avec elle un roman dont elle serait lhéroïne.
On goûte lamertume
du thé que lon fait sévaporer
sur la langue. On goûte les tanins lourds, les
fumées âcres du thé refroidi.
Ce nest pas du thé froid, cest
du thé qui sest refroidi. Et cest
un plaisir immense. Sans sucre, sans lait, forcément.
Dehors, la pluie, tombe toujours.
Cest le printemps. Il
pleut toujours au printemps. Il y a eu, dans laprès-midi,
un grand coup de tonnerre, seul et unique. Comme un
avertissement : attention, le printemps commence,
il commence vraiment. Et, très vite, ce sera
lété. Lété,
cest la saison des orages. Il faut choisir entre
un monde sans orages ou un monde sans été.
On choisira lété.
Dès les premiers jours du printemps, on apprendra
à lapprivoiser.
Cette semaine a vu les premiers
arbres en fleurs, les premières boules jaunes
des dents-de-lion. Après sêtre,
une première fois, fanées, elles revivront
sous forme de boules blanches que le vent défera.
Le pissenlit est une fleur à métamorphoses.
Larousse en a répandu la culture. On en fait
mille choses : de la salade de ses feuilles avec des
ufs, des croûtons, des lardons ; de la
confiture de ses fleurs, il paraîtrait, on en
mangeait pendant la guerre, dit-on. Et des médicaments
qui augmentent lappétit et rendent la
digestion facile. Sa racine peut se torréfier
; elle sert à falsifier la chicorée
à café, cest le dictionnaire Larousse
qui lécrit.
La météo,
demain, annonce un grand jour de soleil et des cerisiers
blancs.
jean-pierre.cousin@bluewin.ch
13/04/2000