Petite chronique des pluies
et des fleurs au printemps (2)
Il est dix heures du matin,
cest le printemps, lété.
On boit le thé de Chine sur le balcon dans
le vert des arbres. Cest un paysage immobile,
un paysage très calme, silencieux, mais dun
silencieux heureux plein de rires, de voix de jeunes
filles, plein doiseaux. La neige fond sur les
montagnes au loin, le ciel est dun bleu laiteux.
Cest une belle journée qui commence.
On le croit. On part à
pied par des rues hiératiques et des jardins
déserts. On saute dombre en ombre entre
des étendues inondées de lumière.
On rejoint celle quon aime. On goûte cet
instant plus quaucun autre instant.
Et puis plus tard : au bord
du lac. Il est trois heures, trois heures et demie
au bord du lac au printemps. Soleil. Ciel bleu. Toujours.
Mais un nuage noir, immense, sur une portion de la
ville seulement.
Terrasse du Beau-Rivage. On
sassied. On attend. On regarde le ciel bleu,
seulement le ciel bleu.
On aime cette terrasse du Beau-Rivage
Palace. On aime ces colonnades, ce carrelage mosaïque,
ces fauteuils en rotin, ces tables rondes cerclées
de laiton précieux et ces moineaux sans gêne
qui se posent partout. On déguste une bière
étrangère luxueuse comme le paysage.
On fume une cigarette à bout liège.
On offre un rêve à celle que lon
veut séduire.
Mais il pleut. Dabord,
on ne croit pas quil pleut. Personne na
jamais vu un ciel si bleu et en même temps la
pluie. Pourtant cest vrai : il pleut. Il pleut
en plein soleil.
On avait vu ce gros nuage noir,
si grand sur une portion de la ville. On se trouve
juste à sa lisière. En face sétend
un parterre de fleurs. Elles ont la pluie et le soleil,
elles nont plus soif, elles nont pas froid.
Le bonheur parfait.
jean-pierre.cousin@bluewin.ch
Samedi 13 mai 2000.