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NOUVELLES

Ophélie
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Le Retour
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Le chauffeur défie la foule de son regard fort. La Grande Dame elle-même se tourne vers lui, subjuguée par ce mélange de douceur et de force. Maximilienne pense aux lions dans les cages de la ménagerie qu’ils visitent parfois avec leurs enfants.

L’ayant aperçue, il sourit. Soudain, la petite foule frileuse change. L'hostilité face à ce couple qui se forme sous ses yeux est perceptible. Tous les regards se tournent vers cette femme ridicule, amoureuse, désirante et aimante. La voilà piégée par les fils imperceptibles que l'araignée de l'incompréhension et de l'hostilité a soigneusement tissés autour d'elle. La distance minuscule qui la sépare de la portière devient insurmontable. Prise au piège, comme un oiseau englué dans une marée noire, elle se tourne désespérée vers la Mort pour lui tendre les bras et l'implorer de l'arracher à cette puissante toile. Mais celle-ci, ayant déjà oublié l'amoureuse qui la délaisse pour un autre, s’éloigne tranquillement en direction du pont et de ses turbulentes voitures.

La désapprobation se fait compacte et dense. Elle atteint Maximilienne comme des immenses billes transparentes et glaciales. Une immense compassion la retient pourtant auprès de cette foule. Elle voudrait toucher ces boules d'incompréhension, d'hostilité et de désapprobation, les prendre dans ses bras et les bercer, les caresser et les embrasser. Elles perdraient ainsi, petit à petit, leur dureté et deviendraient molles et douces, comme de tout petits bébés chauds et parfumés.

Jérôme l’appelle d’un regard teinté d’impatience. Maximilienne toute entière est maintenant concentrée à se détacher définitivement du groupe. Les larmes de la foule se rassemblent dans ses yeux. Toutes ses larmes de douleur que jamais personne, même pas ce dieu de bonté dont il est question aux baptêmes et aux mariages n’ont recueilli et aimé, se déversent sur la rue en un flot impressionnant.

La voiture aux rideaux fleuris, son conducteur naïf et distrait qui passe à toute trombe, détourne l’attention de la foule. Maximilienne réussit à se dégager et se précipite haletante dans la voiture. Jérôme accélère. La circulation folle de cette fin d’après-midi les avale pour les recracher à la sortie de l’autoroute. Les voici sur les chemins peu fréquentés qu’il leur reste à parcourir jusqu’à la maison.

© Viviane Mermoud

 

Page créée le 17.05.01
Dernière mise à jour le 17.05.01

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