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DERNIERES NOUVELLES DU CONTINENT

Une postérité rayonnante: réédition de nouvelles Oeuvres complètes,
Pléiade en vue, spectacles et colloques.

“Il y a longtemps que j'ai choisi mon coin, non pas au cimetière de l'Eglise, mais un point idéal sur le parcours d'un paquebot, là où un suicidé peut plonger à l'aise et flotter parmi les sargasses dans un grand cuveau d'indigo. Cela se situe par latitude zéro, un, deux, trois dixième au Sud, plutôt Sud, et par une, deux, trois douzaines de degrés de longitude Ouest, franchement Ouest, mettons treize ou trente-trois...

J'espère qu'on me laissera fixer ce point tranquillement.

Je n'aurai pas besoin d'une trompette.

Tout au plus d'un grand cachalot pour m'avaler. ”

(Lotissement du ciel, Folio, p.54)

Tout est dit : le poète a choisi sa façon de disparaître et personne n'a à s'en mêler. Cet effacement rend caduque toute volonté de commémoration, bien qu'il y ait quarante ans que le poète est décédé, le 21 janvier 1961. L'amateur de l'œuvre sait à quel point le poète méprisait les solennités, d'autant plus mortuaires ! Il est donc inutile d'évoquer sous cet angle la multitudes d'événements qui a ponctué cette année 2001: il faut simplement admettre que Cendrars est toujours plus lu, toujours plus apprécié.

En toute logique, les éditeurs ont réagi à cet engouement. La maison Denoël a lancé en novembre une nouvelle édition des œuvres complètes de Cendrars (la précédente n'est plus disponible) en publiant simultanément trois volumes : Les Poésies complètes, L'Or suivi de Rhum et du dossier de L'Argent, ainsi qu'un volume consacré au cinéma comprenant Hollywood, L'ABC du cinéma et Une Nuit dans la forêt. La collection, qui prévoit trois volumes par an pendant cinq ans, est destinée à un très vaste lectorat qui profitera aussi d'un appareil critique réalisé par Claude Leroy, éminent spécialiste du bourlingueur. La maison Grasset, quant à elle, promeut sa collection des Cahiers rouges en offrant Hollywood (et non Moravagine !), à ses lecteurs. Fata Morgana, à Montpellier, vient aussi de publier, en édition de luxe, un inédit daté de 1917, Les Armoires chinoises, dont l'histoire ne peut que surprendre le lecteur qui se souvient du poète manchot : dans cette fable, un jeune homme, invité par une vieille dame à visiter sa maison, entre dans une armoire à tortures qui lui sectionne le bras droit...

Enfin, grande nouvelle éditoriale: les éditions Gallimard ont inscrit Blaise Cendrars au programme de La Pléiade.

Cendrars académique ?

Les publications spécialisées ont elles aussi le vent en poupe et c'est pour réunir quelques spécialistes internationaux que s'est tenu à Berne, en novembre, l'assemblée plénière du Centre d'Etudes Blaise Cendrars, dont le but est la mise en valeur du fonds d'archives conservé aux Archives littéraires suisses ainsi que la publication ou l'organisation de colloques. Cendrars aurait sûrement rigolé de ces réunions d'intellectuels sagement installés pour évoquer ses écrits et ses archives ! De toute évidence, cette autre forme de rituel ne lui correspond pas. Il faut pourtant reconnaître que ces lecteurs avertis ont œuvré au succès posthume du poète puisqu'en le préfaçant, en l'éditant, en analysant ce qu'il avait écrit et non ce qu'il proposait de lui-même, ils ont permis de modifier la fameuse remarque de Malraux : “Cendrars, il est distraitement reconnu” !

Les textes si riches, si foisonnants de l'écrivain sont aussi happés par le théâtre. Ainsi, même avalée par un cachalot à l'autre bout du monde, la voix de Cendrars perdure et enchante un public qui se déplace sans hésiter. Le Centre culturel neuchâtelois a présenté tout au long du mois de novembre des conférences (Jean Bühler, Jean-Carlo Flückiger) et des spectacles très divers qui ont enthousiamé chacun ; qu'il s'agisse de La Prose du Transsibérien interprétée par Jacques Probst, du roman Emmène-moi au bout du monde , de la lecture théâtralisée de Dan Yack mis en scène par Muriel Matile, ou de celle de Vol à voile par Robert Bouvier. La Radio suisse romande, sur les ondes d'Espace 2, a elle aussi consacré son émission Entre les lignes du 24 novembre dernier au bourlingueur.

Dernier clin d’oeil: au printemps 2001, à Neuchâtel, a eu lieu l'inauguration, dans le cadre d'Expo 02, de la rame Blaise Cendrars: il vous est dorénavant possible de voyager dans un wagon consacré au poète, où images et citations stimulent le voyage, qu'il soit mouvement intérieur ou frénésie kilométrique ! N'hésitez pas, entrés dans le wagon comme dans le ventre du cachalot...

Christine Le Quellec Cottier

 

Page créée le 28.12.02
Dernière mise à jour le 28.12.02

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