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Petites chroniques d'arrière-printemps en Méditerranée

 

Présentation de l'auteur
Petite chronique d'arrière-printemps en Méditerranée (1)
Petite chronique d'arrière-printemps en Méditerranée (2)
Petite chronique d'arrière-printemps en Méditerranée (3)
Petite chronique d'arrière-printemps en Méditerranée (4)
Petite chronique d'arrière-printemps en Méditerranée (5)
Petite chronique d'arrière-printemps en Méditerranée (6)
Chronique de février en Méditerranée
Chronique de février en Méditerranée (2)
Chronique de février en Méditerranée (3)

Petite chronique d’arrière-printemps en Méditerranée (1)

Ce matin, le coq a chanté.

Une fois de plus, on boit le thé de Chine, sur le balcon, mais sur un autre balcon, un balcon dans le Sud, tout au sud du Pays. Il est neuf heures et demie du matin et le coq vient encore de chanter.

A maintes et maintes reprises, on a entendu son cri noyé dans les rumeurs de la ville et dans ce long roulement glissement grondement qui coule ininterrompu de l'autoroute proche, et dans les pépiements des oiseaux, les aboiements des chiens, les jacassements des pies et tous les bruits de la ville et de la campagne à la fois.

Mais pas encore étouffé par le chant des cigales. Il est encore trop tôt. Trop tôt dans le matin, trop tôt dans la saison surtout.

On regarde du côté des collines. Au loin : comme la forme d’un volcan éteint. On regarde les collines et les pins, les buissons, les genets jaunes. En face du balcon, sur une barre de rochers, un grand pin penché. Plus loin : toute une étendue de maisons aux toits rouges. Plus loin, plus loin : la mer.

On sent la chaleur qui monte.

On écoute les rumeurs qui s’élèvent de tout ce paysage. Sirènes de police, mobylettes, une tondeuse à gazon. Trois tourniquets que le vent fait tourner et qui grincent et se taisent quand le vent ne les agite plus.

On plonge dans la cour entre les immeubles et les pins. Une femme passe. Personne d’autre.

Un merle des Indes siffle à intervalles réguliers. Il demeure sur un autre balcon. On ne peut pas le voir.

Une petite fille joue du piano. On ne peut pas la voir non plus. On sait que c’est une petite fille parce que quelqu’un l’a dit. On sait que c’est la fille des gens qui habitent tout en bas, ceux qui n’ont pas de balcon mais un grand jardin.

Un ruisseau longe la piste cyclable qui passe un peu plus loin. Le soir, il y a quelques années, on entendait chanter les grenouilles. On n’a pas entendu chanter les grenouilles cette nuit. Il ne pleut pas. Il fait trop sec. On n’entend pas chanter les grenouilles quand le temps est au sec. Et on ne les entendra plus, même s’il pleut. Il n’y a plus de grenouilles. On les a " déplacées ". Elles dérangeaient le voisinage. Elles empêchaient les gens de dormir. Elles n’ont pas empêché de dormir ceux qui les ont " déplacées ", comme on dit.

Un papillon vient saluer les fleurs du balcon. Il n’y a pas beaucoup de fleurs. Il y a, dans un grand bac, une toute petite plante à petites fleurs rouges, seulement. Un champ entier d’œillets tiendrait dans cet espace. Cet espace n’est encore que désert. Les œillets sont censés pousser. Mais quand ? C’est quand la saison des œillets ? Sur ce balcon, il y a comme une erreur.

Et l’on écoute le pigeon qui roucoule et agace la dame d’à côté. " Ce n’est pas un pigeon ", dit-elle. " C’est une tourterelle, une tourterelle, c’est plus élégant qu’un pigeon. Mais ça agace tout autant… "

Elle aurait dit aussi : " Une fois, je sortirai mon fusil ! "

Tous les oiseaux ont ri.

On écoute les oiseaux qui rient.

© jean-pierre.cousin@bluewin.ch
ve 02/06/2000

 

Page créée le 01.08.01
Dernière mise à jour le 01.08.01

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