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Petites chroniques d'arrière-printemps en Méditerranée

 

Présentation de l'auteur
Petite chronique d'arrière-printemps en Méditerranée (1)
Petite chronique d'arrière-printemps en Méditerranée (2)
Petite chronique d'arrière-printemps en Méditerranée (3)
Petite chronique d'arrière-printemps en Méditerranée (4)
Petite chronique d'arrière-printemps en Méditerranée (5)
Petite chronique d'arrière-printemps en Méditerranée (6)
Chronique de février en Méditerranée
Chronique de février en Méditerranée (2)
Chronique de février en Méditerranée (3)

Petite chronique d’arrière-printemps en Méditerranée (6)

La poésie, quand on regarde un paysage, c’est voir un autre paysage et l’écrire. Et faire voir à la lectrice, au lecteur, d’autres paysages encore, ceux qu’ils imagineront. C’est ouvrir des abîmes, des abysses, au fond des mers comme au fond du ciel, au tréfonds d’ailleurs comme au tréfonds de soi. Ouvrir des grottes, des souterrains, des tunnels et des caves, des greniers, des combles inexplorés dans des cathédrales, des châteaux, où il est interdit d’entrer.

A Paris, c’est dans les réservoirs de Montsouris, au fond des eaux potables, que l’on comprend peut-être l’infini. Et tout en bas dans les catacombes, pas loin de là. Et puis ici, loin de Paris, dans l’infini horizon du ciel, dans celui infini de la mer, jusqu’au large très loin, profond.

On s’en va vers ce large, on roule vers la mer sur les routes qui conduisent à la mer, des routes lisses au bitume noir qui coule rapide entre les rocailles et les pins. On s’abandonne à la vitesse, à l’accélération, on se laisse aller à l’ivresse. C’est l’accélération qui enivre, la vitesse ne se ressent pas. On n’a pas peur, ou presque pas. On sait que l’on roule vers elle, la mer, et celle qu’on aime, ses yeux de perle, ses lèvres de corail, vers un rêve qui rend fou heureux. On se sent bien dans ce matin à folle allure dans le soleil bleu, on roule dans ce ciel immense jusqu’à la mer qui roule vers soi. On s’enfonce dans ce ciel, dans ces vagues.

Puis le jour passe, le soir revient. Et l’on s’installe sur le balcon, encore une nouvelle fois, un verre de quelque chose à boire à portée de soi. On boit. On regarde. On boit.

Et l’on s’avance de la moiteur du jour dans la douceur du crépuscule et insensiblement dans la douceur de la nuit. Et l’on se fond dans cette douceur infinie. On reste là, on ne bouge pas. Et l’on aimerait rester là à se laisser vivre : lire, écrire, se promener, rien d’autre (sauf boire, manger, dormir, bien sûr)… Rester là des jours, des jours…

On resterait à ne rien faire, on saurait toujours quoi faire, on ne s’ennuierait pas : on écrirait. Écrire, on ne ferait que ça ; et lire et marcher vers la mer, pour nourrir l’écriture et pour la transcender.

On ne quitterait plus cet endroit. Et plus jamais ce paysage.

Pourtant l’on sait comment ce paysage peut être cruel ; dans l’éclatant soleil, si dure lumière où n’existe parfois ni abri ni refuge ; ou l’hiver, les jours de vent, de pluie. Il peut faire froid. Il peut geler. L’éternel été, c’est ailleurs.

Mais ailleurs, ça n’existe pas.

Ainsi l’on reste, sur ce balcon, dans ce soir, cette nuit, et puis il est midi du soir, minuit.

Et l’on écrit.

Écrire, seul intérêt, car tout est écriture, l’écriture est à la base de tout. Écrire, seul intérêt, mais l’écriture permet de s’intéresser à tout.

Jusqu’aux montagnes, là-bas, si loin là-bas de la mer. Jusqu’aux montagnes où l’on reviendra.

© jean-pierre.cousin@bluewin.ch
Sa 03/06/2000

 

Page créée le 01.08.01
Dernière mise à jour le 01.08.01

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