Petite chronique darrière-printemps
en Méditerranée (2)
Il y a un côté
tropical ce matin dans le port de Toulon, sur le quai
aux touristes où se trouvent les terrasses
des cafés, les restaurants et les magasins
kitsch. Ça tient à la chaleur, ça
tient à la musique.
Les mâts des bateaux
se balancent. La moiteur gagne. On se sent bien devant
une bière blanche de Bruges, un cocktail de
fruits liquéfiés gorgés de rhum,
de gin ou de vodka, ou un bitter campari comme on
en boit à longueur de journées dans
" Les petits chevaux de Tarquinia ". Car
on lit " Les petits chevaux de Tarquinia "
justement. Cest un roman de Marguerite Duras.
Cela se passe en Italie, en bord de mer plus loin
dici, au début des années cinquante
le roman a été publié
en 1953. Et lon commande un autre bitter campari.
On se sent bien. Les tables sont rondes. Les fauteuils
sont en rotin comme on aime.
On boira plus tard le pastis,
le rosé clair de la Provence, leau de
source des collines.
La moiteur gagne encore. Il
faudra beaucoup deau de source des collines
pour la contrecarrer.
Au loin sont les grues grises
du port militaire et les navires de guerre. Ils se
confondent avec lhorizon, la brume. On aimerait
ne pas les voir. Mais ils sont là qui inquiètent
le matin. Pourtant, il ne se passe pas grand chose,
ni dans les journaux ni ailleurs. Croit-on. Mais on
ne lit pas les journaux. Et lon regarde autre
part, au large vers la mer. Cest si beau, la
mer. Comme linfini dans les yeux dune
femme que lon désirerait.
On pense à elle,
justement, qui vit peut-être ce même instant
délicieux du matin près dune rivière
qui coule, sous un même soleil, un même
ciel bleu. Elle sest arrêtée là,
au-delà des collines, là-haut, tout
là-haut là-bas, elle regarde leau
vive sécouler vers la mer. Jusquici.
© jean-pierre.cousin@bluewin.ch
ve 02/06/2000