Petite chronique darrière-printemps
en Méditerranée (4)
Minuit.
On reste encore sur le balcon.
Seul à écrire, à lire. Écouter.
La nuit serait silence. La
nuit nest pas silence.
La nuit est vivante et bruit.
Le ciel est noir.
Quelques étoiles. Et
tous les réverbères dans les rues, les
routes, les chemins. Et des voitures qui passent.
De temps en temps. Mais autrement : personne. Les
pins, les toits des maisons dans les pins, un paysage
que lon surplombe, survole. Jusque très
loin où les collines sarrêtent,
juste devant la mer.
La mer doit être noire.
Comme le ciel. La mer a la couleur du ciel.
On marcherait le long de cette
mer. On marcherait dans la mer. On crierait. Quon
aime. On rêve.
Il faut marcher jusquà
la mer. Crier. Personne nentend. Tant mieux.
On reste ici. Sur le balcon.
On boit du thé. On écrit, on lit. On
écoute les bruits de la nuit. La nuit nest
pas silence.
On entend
comme un coup de feu dans la
nuit.
Ici la nuit est pleine de bruits
bizarres. On sen inquiétait autrefois.
On ne sinquiète plus.
Un hurlement de chien. Tous
les autres répondent. De plus en plus faiblement,
au loin.
Quelque chose siffle.
Des portières claquent.
Encore comme un sifflement
dans la nuit.
La nuit est pleine de bruits
bizarres. On ne sinquiète pas.
On dormirait, rien naurait
lieu puisquon ne saurait rien.
On dormirait, on manquerait
un paysage.
On manquerait un monde.
On entend les camions des poubelles
qui sillonnent la nuit. On les entend avancer, reculer.
On entend que lon vide les poubelles. On entend
le signal que le camion recule.
Toute une musique de nuit.
Ronde des poubelles de nuit.
Les poubelles se ramassent
la nuit.
Tout un ballet. Le ballet des
camions des poubelles la nuit. Qui sillonnent la nuit.
Ils avancent lentement. Inexorablement. Ils se rapprochent.
Ils viendront jusquici. Bientôt. Plus
tard. On ne sait pas. La scène a lieu sous
un ciel noir illuminé de réverbères.
Mille lumières. Mais
lon na pas compté.
Minuit.
Lheure des poubelles
ici.
On relisait " Les mains
négatives " tout à lheure.
Il faudrait voir le film. Marguerite Duras na
pas écrit que des textes magnifiques, elle
en a aussi fait des films. Dans " Les mains négatives
", on voit des images dhommes à
la peau noire qui ramassent les poubelles à
Paris.
Coïncidence.
On lit un texte.
Et lon entend les images
du film en train de se vivre tout près.
En même temps quon
lit.
© jean-pierre.cousin@bluewin.ch
ve 02/06 minuit
di 30/07/2000