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Petites chroniques d'arrière-printemps en Méditerranée

 

Présentation de l'auteur
Petite chronique d'arrière-printemps en Méditerranée (1)
Petite chronique d'arrière-printemps en Méditerranée (2)
Petite chronique d'arrière-printemps en Méditerranée (3)
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Petite chronique d'arrière-printemps en Méditerranée (6)
Chronique de février en Méditerranée
Chronique de février en Méditerranée (2)
Chronique de février en Méditerranée (3)

Chronique de février en Méditerranée (3)

Et c’est la nuit qui tombe sur le port, le ciel couchant, une lumière rouge, on s’y fait prendre comme dans un piège sur les terrasses des cafés de la rade, on s’y laisse prendre avec délectation, on se dit que l’on y resterait en espérant que jamais ils ne cessent, cette lumière rouge et cet instant, tant l’envie de demeurer là est immense.

Ne pas partir. C’est impossible, on sait. Quand la nuit sera là, on sait qu’il faudra bien se lever et repousser la chaise et se faire de la place pour passer entre les tables rondes, et que c’est impossible de la retenir, la nuit, que ce sera un effort immense, se lever, quitter ce lieu, ce paysage, même si un autre jour et un autre paysage se lèveront demain.

Vous écrivez. Elle est là, près de vous, votre héroïne. Vous esquissez en contre-nuit sa silhouette d’ombre. Vous ne la connaissez pas bien encore, vous venez de la rencontrer. Vous lui dites que vous l’écrivez.

Elle vous demande :

— C’est un roman ? Ce sera notre histoire ?

— Peut-être ; si notre histoire dure assez.

Elle a posé sa main sur la table. Vous posez votre main sur la sienne. Vous restez silencieux. Vous ne dites plus rien. Vous regardez les bateaux, la mer, imaginez au loin les vagues.

Il dit :

— Je n’espérais vraiment plus vous rencontrer ce soir.

Elle dit :

— Moi non plus. J’espérais simplement.

Il dit :

— Nous attendre, nous avons bien fait.

Elle vous regarde. Elle a tourné son visage vers vous. Vous êtes assis côte à côte. Ses lèvres sont près des vôtres tout à coup. Comme ça arrive, vous ne comprenez pas. Ses lèvres et vos lèvres se touchent.

Elle dit :

— Depuis quand nous connaissons-nous ?

— Toujours.

— Et nous n’étions pas amoureux. Que de temps nous avons perdu…

Elle dit encore :

— Vous savez à quoi ils me font penser, cet instant et ce crépuscule ? A un roman de Marguerite Duras, " Moderato cantabile ", la fin, le tout dernier chapitre. Vous avez lu ? Vous connaissez ?

— Oui. Mais nous ne vivons pas le dernier chapitre d’un roman.

— Non. Un premier. Et d’une histoire peut-être heureuse.

Puis elle se lève, pénètre la lumière rougeoyante du ciel, happée par le couchant, disparaît.

Et vous la rejoignez.

© jean-pierre.cousin@bluewin.ch
ve 23/02/2001

 

Page créée le 01.08.01
Dernière mise à jour le 01.08.01

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