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Bernard Campiche Editeur

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Collection CamPoche

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  Georges Piroué / Tu reçus la naissance

ISBN 2-88241-149-9

Volume 10 de la collection camPoche

…On pourrait placer cette autobiographie dans le sillage de celle d’un Elias Canetti. Elle nous révèle à travers les aléas incertains d’une vie, pourtant apparemment identique sur bien des points à tant d’autres, l’histoire complexe d’une aventure intérieure et qui, sous l’effet d’une alchimie qui restera toujours mystérieuse, aura su accoucher d’un de nos plus éclectiques écrivains, l’un des rares chez nous, en Suisse, à avoir su porter à son point le plus exigeant le difficile métier d’écrire et de vivre.

JEAN-BAPTISTE MAUROUX, La Liberté, 1991


Dans Tu reçus la naissance, Georges Piroué effeuille le temps de son enfance et s’attarde avec tendresse sur la nature humaine. Peu à peu le décor est planté: une petite bourgade du Jura suisse. C’est là que s’éveille sa sensibilité musicale, littéraire et érotique, entre une mère au bon sens rustique et un père pieux. Promu à l’école du savoir, il rend hommage à Molière, «pirandellien avant la lettre», et à Baudelaire, ce frère maudit qui lui a inculqué le sens de la langue française.


Mais c’est aussi à la musique, complice de ses premiers moments de bonheur, qu’il rend grâce. Une très belle autobiographie.

L’Événement du jeudi, 1991


On connaissait surtout Piroué par l’intermédiaire d’autres écrivains, qu’il a analysés, traduits, dépecés. Ici, il se prend lui-même pour objet d’étude: il expose avec une jubilation rare son enfance, son apprentissage de la vie dans sa famille jurassienne. Il se montre à la fois tendre et lucide envers ce monde qui l’a formé. Composé de courts textes qu’on pourrait lire indépendamment les uns des autres, Tu reçus la naissance est aussi un remarquable témoignage sur l’éveil d’un jeune homme à la littérature.

L’Humanité, 1991

Fils d’un graveur de montres, Georges Piroué est né en 1920 à La Chaux-de-Fonds, au sein d’une famille de souche française. Après une licence et un doctorat ès lettres à l’université de Neuchâtel, Georges Piroué s’installe à Paris en 1950 et travaille comme directeur littéraire aux Éditions Denoël.
À sa retraite (jusqu'à son décès, le 7 janvier 2005), il se fixe en Anjou, à Dampierre-sur-Loire. Depuis 1958, il publie avec régularité romans (Une manière de durer, 1962 ; San Rocco et ses fêtes, 1976), nouvelles (Ces eaux qui ne vont nulle part, 1966; Feux et lieux, 1979; L’Herbe tendre, 1992), essais sur la littérature et sur la musique (Victor Hugo romancier, 1964; Pirandello, 1967; Cesare Pavese, 1976; Proust et la musique du devenir, 1960; un portrait de Jean-Sébastien Bach: À sa seule gloire, 1980; Mémoires d’un lecteur heureux, 1997), et récits autobiographiques (Tu reçus la naissance, 1991). Il est le principal traducteur en français de Pirandello. Son art allie tendresse et ironie, réalisme et idéalisme, humour et minutie dans une écriture classique toute faite de nuances.

Georges Piroué, Tu reçus la naissance, Bernard Campiche, Coll. Campoche, 2005

 

  Elisabeth Horem / Le Ring

ISBN 2-88241-150-2

Volume 11 de la collection camPoche

C’est un premier livre très fort qu’a couronné le Prix Georges-Nicole, un roman tout à fait dans la lignée à la fois exigeante et originale de ses précédents choix.
«En l’espace de quelques minutes Louise venait de lui annoncer des faits nouveaux pour lui et fort désagréables», ainsi commence Le Ring, semblant promettre une cascade d’événements qui entraîneront la lecture. C’est le cas dans les toutes premières pages: Quentin, ayant découvert sa maîtresse sur le point de partir avec son frère (à lui) en Amérique et de l’y épouser, part lui-même pour Tahès, «au hasard», répondant à une obscure offre d’emploi. Mais, passés la déclaration ultrarapide de la rupture et le coup de tête qui propulse le héros dans le tiers monde (au sens physique et métaphysique du terme), le roman aussitôt s’englue dans une sorte d’attente, ou de vide, de permanente béance qu’un style sobre et sans faille excelle à représenter.
Tahès, qu’on chercherait en vain sur une carte, mais que caractérisent nombre de traits orientaux, est une capitale vague et morne, au climat pénible, dont la singularité (si c’en est une) consiste en un «Ring», «large boulevard dessinant sur le plan de la ville un cercle parfait».


N’habite le long de ce circuit que la population cosmopolite et favorisée des Européens, préservée des embouteillages, mais condamnée, sans que personne ne s’en rende bien compte, à sans cesse tourner en rond pour aller les uns chez les autres, à l’occasion de cérémonies du reste parfaitement affectées et autistiques, comme le vernissage du fils Sanariglia. Emblème d’une superficialité, voire d’une nullité des rapports humains, le Ring enferme ses distingués résidents dans une sorte de no man’s land, où Quentin ne sent pas même l’envie de s’intégrer. Au contraire, il y étouffe, par l’effet aussi de l’hostilité sournoise du décor et du climat, magnifiquement décrits : plutôt que d’user d’effets faciles de température, Elisabeth Horem laisse peser dans ses tableaux certaine invisible moiteur, certaine morosité lourde de lumière, beaucoup plus efficaces, tandis que maint détail précis, noté froidement (le regard méprisant du portier, la laideur du logis, la chasse aux cafards), commence à faire sentir l’aigu d’une détresse absolue, dans un univers littéralement impitoyable.
Sortant alors du Ring pour pénétrer dans la ville «indigène», Quentin fait trois principales rencontres. D’abord Nina, maîtresse de danse exilée, amicale et maternelle, puis Clara, avec qui il aura une brève liaison amoureuse, puis Ghazi, jeune homme dont la beauté ambiguë ne le laisse pas insensible. Le roman n’analyse pas les motivations profondes du héros, mais ces trois personnages semblent représenter des figures à la fois essentielles et impénétrables, dont la force d’attraction conduit Quentin à s’engluer davantage encore dans la solitude et l’incommunication. La Nina maternelle rentre en Europe, Clara ne donne plus signe de vie, il ne sait pourquoi, et Ghazi, résurgence peut-être du frère brutal et voleur, se révèle une ignoble crapule. Ainsi le Ring est l’emblème aussi de l’enfermement du personnage sur lui-même, sans cesse rejeté, incompris, indifférent aux êtres et aux choses. Enfermement encore face à l’ennemi qui cogne, qui blesse – et face à l’ami qu’il blesse, qu’il déçoit, par inadvertance, cloîtré dans l’anneau opaque de son égoïsme.
Comment sortir du cercle infernal? Quitter Tahès? C’est insuffisant. À l’instant du reste où il va annoncer son congé à son employeur, ce dernier lui signifie son licenciement. Étrange écho du départ initial, congédié en quelque sorte par sa maîtresse, et comme renvoyé maintenant à la case départ. La mort semble dès lors la seule issue possible. Elle s’offre à Quentin sous la forme d’une très belle dérive, dans une barque, au fil du fleuve Ovir, enfin une voie qui ne se recoupe pas. Vraiment? N’est-ce pas plutôt le cycle suprême qui se referme autour de la figure d’une mère suicidée lorsque Quentin n’avait que 7 ans, parée d’un «trèfle de diamants», que le frère a osé offrir ensuite à sa/leur maîtresse avant de l’emmener?
Énigmatique sans le moindre obscurantisme, lancinant, de page en page meilleur, Le Ring fait preuve d’une charge latente considérable, d’une véritable épaisseur de roman, même si la ligne du récit demeure très simple. Signe qui ne trompe pas, ce livre fait partie de ces œuvres assez rares dont la lecture se continue dans un mouvement spontané, comme indépendant, et c’est par quoi Elisabeth Horem se pose à l’évidence comme une romancière plus que prometteuse.

JACQUES-ÉTIENNE BOVARD, Le Nouveau Quotidien, 1994

Élisabeth Horem, Française d’origine, a fait ses études à Paris, à la Sorbonne et à l’Institut des langues et civilisations orientales. Elle a séjourné dans plusieurs pays du Moyen-Orient, ainsi qu’à Moscou. Après avoir vécu quelques années à Berne, Élisabeth Horem vit actuellement à Paris.
Elle a publié Le Ring (1994, Prix Georges-Nicole 1994, le Prix de la Commission de littérature du Canton de Berne 1994 et le Prix Michel-Dentan 1995), Congo-Océan (1996) et Le Fil espagnol (1998), trois ouvrages dont les critiques ont souligné la remarquable qualité d’écriture et l’atmosphère d’étrangeté et de mystère qui s’en dégage.

Élisabeth Horem, Le Ring, Bernard Campiche, Coll. Campoche, 2004

 

  Sylviane Chatelain / La Part d’ombre

ISBN 2-88241-140-5

Volume 12 de la collection camPoche

Jusqu’ici auteur de nouvelles, Sylviane Chatelain publie son premier roman, La Part d’ombre, aux Éditions Bernard Campiche. Titre et dessin de couverture (de l’artiste Silvia Bächli) sont parfaitement explicites, tant sur le thème que sur la tonalité de l’œuvre. Nora, veuve, mère de deux ?lles adultes et d’un garçon mort dans un accident, se sent «dépouillée de ce qu’elle a aimé».
Dans sa lutte contre le vertige de l’âme et de l’esprit qui la saisissent lorsqu’elle se penche sur ses défaites et ses renoncements, Nora frôle la folie. La voilà dans une clinique, à repasser le film de sa vie. On la voit découvrir un jour le corps d’une jeune femme que l’on soupçonne de s’être suicidée, puis s’intéresser au petit garçon de cette femme. Sur ces événements se greffe la salvatrice redécouverte du dessin, que Nora pratiqua passionnément dans sa jeunesse: sur le papier surgit parfois «un monde plus vivant que l’autre».
Pour ses filles, Nora est devenue une mère bien difficile à comprendre. Voilà pour le thème. Quant à la tonalité, elle reste comme dans les nouvelles de Sylviane Chatelain, résolument sombre. La neige, décor obsédant, la neige qui serait pour Nora la «parfaite étreinte», c’est aussi la couleur blanche symbole de la mort, comme dans les romans japonais.

L’ellipse, le croisement continuel des temps du récit, le glissement imperceptible du réel à l’imaginaire exigent parfois une relecture; mais cette difficulté passagère n’empêche pas que le lecteur entende avec un serrement de cœur la voix angoissée, hypersensible et pudique de Nora.

ROSE-MARIE PAGNARD, Coopération, 1988

Des dessins de fou! pensent les enfants des peintures qu’esquisse et peaufine inlassablement leur mère. Des dessins qui contiennent tous ses silences et cette part d’ombre qui échappe à ses enfants.
Eux retrouvent en Nora la mère seulement, «une voix, des gestes, une odeur trop longtemps confondus avec le plaisir des repas, la chaleur du lit, le sommeil, la maison, comme elle un lieu où s’abriter pour grandir».
Quelle femme est-elle? Qui était-elle avant la naissance des enfants? Quelle adolescente, quelle amoureuse? Quels étaient ses désirs, quels ont été ses fêlures, ses révoltes, ses renoncements? Elle peint, mais personne n’a jamais prêté attention à ses grandes feuilles blanches, si ce n’est les enfants pour y gribouiller, dès qu’ils ont pu tenir debout sur leurs jambes.
Dans l’espace dilaté par le silence de sa maison encoconnée par la neige qui tombe inlassablement, Nora dialogue avec une morte, rassemble sa vie autour d’elle, se réconcilie avec ses sentiments, cherche un sommeil libérateur. Ce chemin intime à travers angoisses, déceptions, silences, bonheurs, désirs refoulés, le compte de cette mise à nu, nous est conté par la Neuchâteloise Sylviane Chatelain dans son premier roman La Part d’ombre, en demi-teinte et en accords mineurs, feutrés par la neige qui tombe sur le village de Nora pendant les longs hivers jurassiens.
Petit à petit, le puzzle de cette vie intérieure nous est révélé, par touches énigmatiques, dont la cohérence s’ordonne peu à peu et implose. Nora part dans la neige qui recouvre ses pas, sur les traces de cette jeune femme morte d’avoir glissé ou de s’être jetée au bas de la carrière, personne ne le saura jamais.

NICOLE MÉTRAL, 24 Heures, 1988

Sylviane Chatelain est née à Saint-Imier en 1950. Elle est mère de quatre enfants. Son premier roman, La Part d'ombre (1988), s'est vu décerner le Prix Hermann-Ganz 1989 de la Société suisse des écrivains et le Prix 1989 de la Commission de littérature française du Canton de Berne (traduit en allemand (1991): Schattenteil). Son deuxième recueil de nouvelles, De l'autre côté (1990), a obtenu le Prix Schiller 1991. Un deuxième roman, Le Manuscrit (1993; traduit en allemand: Das Manuskript, 1998), a été salué par la Critique. Son recueil de nouvelles, L’Étrangère et son dernier roman, Le Livre d’Aimée, ont encore élargi son audience.

Sylviane Chatelain, La Part d'Ombre, Bernard Campiche, Coll. Campoche, 2005

 

Page créée le 10.02.05
Dernière mise à jour le 10.02.05

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