Petite chronique dun
soir d'été sur un balcon au printemps
Cétaient
des jours dextrêmes chaleurs que lon
vivait ce printemps-là. Un mois de mai torride.
Lété déjà.
Vous étiez sur un balcon
ce soir-là. Il était dix heures et demie
du soir. Au printemps.
Vous étiez avec une
femme. Vous étiez amoureux delle. Elle
venait de se marier. Pas avec vous. Elle aussi vous
aimait.
Le soir de son mariage
cétait il y a peu de semaines
quand tout le monde dansait, elle était arrivée
vers vous, vous avait dit : " Jai chaud,
sortons. Les jardins ne sont que fraîcheur et
la lune dans le ciel sourit. Souris-moi
ne sois
pas si triste
"
Elle venait dépouser
lautre, mais cétait vous quelle
aimait.
Vous aussi vous laimiez.
Vous la connaissiez de longtemps, laimiez depuis
très peu de temps, mais elle avait épousé
lautre. Et maintenant elle revenait, elle venait
encore une fois jusquà vous.
Que faire
Que dire
Vous tentiez de la raisonner,
vous tentiez de vous raisonner, mais cétaient
peine et combat perdus, elle vous donnait sa main,
vous la preniez, vous lenlaciez, lembrassiez,
hier soir déjà, et puis ce soir sur
ce balcon à dix heures et demie dans la nuit.
Pourquoi a-t-elle épousé
lautre ? Puisquelle vous aime vous, quelle
dit, puisquelle ne laime pas. Elle laime
aussi, vous pensez, elle a pour lui aussi des sentiments
qui ne se raisonnent pas. Les sentiments ne se raisonnent
pas. Ils créent parfois des pièges.
On ne peut sempêcher daimer. On
peut fuir. Quoiquon fasse, on détruira
quelque chose et on fera souffrir, on souffrira.
Vous vivez tous les deux une
drôle de double vie. Vous vous envoyez des messages,
des mails sur vos ordinateurs, et sur vos téléphones
portables. Vous échangez des mots, des phrases
pleines de tendresse, vous convenez de rendez-vous.
Une double vie nest pas une vie, quelquun
vous dit. De vie, vous nen avez quune
et vous devez la vivre, quelquun dautre
vous dit. Avec elle. Maintenant. Pas sans elle.
Enfin, ce soir, sur ce balcon
: douceur, le soir. Cest un beau soir de juillet.
En mai, déjà juillet, lété.
Les plus beaux soirs dété sont
toujours en juillet. Sauf sils ont lieu en mai,
cest en mai la saison des amours. On entend
bien gronder lorage. Au loin. Mais il narrive
pas jusquici, il ne viendra pas jusquici.
Dans ses bras vous vous dites
peut-être que vous étreignez là
une belle histoire damour et le roman que vous
rêvez décrire. Si vous rêvez
décrire un roman.
Il vous faudra croire aux miracles.
Un jour, vous partirez seuls les deux en voyage dans
un cabriolet bleu. Vous roulerez tout un jour, toute
une nuit. Pour nulle part. Ou partout. A lamour,
vous néchappez pas. Quoi quon vous
dise.
© jean-pierre.cousin@bluewin.ch
me 10/05 sa 29/07/2000