Petite chronique dété
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Petites chroniques dété.
Vous aimeriez lire ça ?
On parlerait de lété,
dun été, de cet été-là.
Et dautres, plus anciens. Et des étés
prochains. Peut-être.
On parlerait des géraniums
qui fleurissent et prospèrent et décorent
le balcon. On parlerait du balcon sur lequel on se
tient et des jardins autour. On parlerait de la pluie
et du temps qui coule. Et du soleil aussi.
On écrirait tout cela
et dautres choses encore. Tout. Presque tout.
Sauf les secrets, ceux quon aimerait murmurer
à loreille de celle que lon aime.
Même sils sont tous inscrits, ces secrets,
entre les mots, entre les lignes, et quelle
les comprend tous. Personne ne les devine, ces secrets.
Sauf elle. Sauf vous, mais vous nirez rien redire.
A personne. Jamais. Ni à elle, surtout.
On écrira donc sur lamour
en général seulement. On écrira
sur les fleurs, les abeilles qui butinent, les papillons
qui papillonnent, les éléphants qui
barrissent, les chameaux dans le désert, les
dromadaires unibosses et les caméléons.
On racontera les princesses des sables, les poissons-chats,
les fées des abîmes et les sirènes
des abysses profonds. On évoquera des ivresses,
des vertiges et dautres instants sublimes. On
dira les bonheurs de la vie et de beaucoup de moments
délicieux.
On parlera de la littérature,
de lécriture, des mots. Sans souci dactualité,
parce que lactualité passe, mais pas
la littérature.
On parlera de Marguerite Duras.
Elle écrivait des chroniques dans " Libération
" cet été-là, lété
80, il y a vingt ans. On vient de lire sur Internet
la toute première de ces chroniques. Elle écrit
à propos de la pluie, elle y écrit quil
pleut. On pensera à acheter le livre où
ces chroniques sont réunies : " Lété
80 " (Éditions de Minuit). On ne le lira
pas tout de suite, ce sera une lecture dautomne.
On se réjouira de lautomne rien que pour
ça.
Puis lon ira jusquà
Zurich, voir au zoo le petit éléphant
né en direct sur Internet le 10 juin à
cinq heures trente-quatre du matin. Il se prénomme
Aishu, cest un nom chinois. Sa mère sappelle
Ceyla-Himali. Ce sont des noms quon sest
mis à aimer.
En attendant, on regarde
les géraniums prospérer. Ils ont mis
si longtemps à fleurir. Il a fallu attendre
fin juin. Plus rien ne les arrête, désormais.
Comme lécriture, que rien narrête,
pas même le temps qui passe. Sauf lamour.
Et encore ça, on lécrira.
© jean-pierre.cousin@bluewin.ch
Sa 01/07 je 27/07/2000