Dissolution
Cest un matin dété
sous un ciel infiniment bleu. On sen va vers
Evian, on vient de quitter le port. On imagine un
film, voir Lausanne qui séloigne depuis
larrière dun bâtiment de
la CGN. Voir cette image seulement, un plan fixe où
Lausanne séloigne en un travelling interminablement
lent. Godard avait raison : Lausanne, cest du
vert et du gris, avec du bleu. Cest quelque
chose ainsi quil a dit dans un court métrage
sur Lausanne sorti en 1981 et qui génialement
sappelle " Lettre à Freddy Buache
", non pas " Lausanne quelque chose "
comme nimporte qui écrirait, mais "
Lettre à Freddy Buache ", simplement.
Tout le monde sait qui est Freddy Buache à
Lausanne : cest le maître du cinéma
; non pas des cinémas ; du cinéma. Tout
le monde sait cela.
Comme tout le monde sait que
la CGN cest la Compagnie Générale
de Navigation, quun bâtiment cest
un bateau. Tout le monde sait cela.
On a donc un travelling, très
lent, de la vitesse du bateau, cest très
lent un bateau relativement au paysage. Ainsi Lausanne
disparaît lentement, devient flou dans la brume.
Plus que du gris dans du bleu, car le vert devient
gris, devient bleu, devient gris ou bleu. Disparaît.
Et le silence sinstalle.
Seulement le bruit du moteur et celui du bateau qui
fend leau, le bruit du lac, et le bruit de la
mer, presque celui quon entend dans les coquillages.
Puis une musique que lon
invente sinstalle dans ce silence. Celle de
Lausanne là-bas. Disparue.
Plus que le ciel et la mer
maintenant.
Linfini de la mer.
Et linfini du ciel.
Limmensité des
deux.
Et Lausanne disparue.
Dissoute.
© jean-pierre.cousin@bluewin.ch
ma 25/07/2000